Lagardère empoche des bénéfices considérables ... et en profite :
26/01/2001
a écrit :Aérospatiale - Lagardère revend cher un petit morceau de ce qu’il a acquis pour rien
Le grand public n’a certainement pas prêté attention à cette information : le groupe Lagardère a revendu, pour des raisons de répartition européenne, une partie de ses actions EADS (c’est le nom de la société qui regroupe Aérospatiale-Matra, ainsi que la société allemande DASA, et la société espagnole CASA). Cette vente lui a rapporté 1,18 milliard de francs.
Cette somme est à rapprocher des 850 millions de francs avec lesquels Jean-Luc Lagardère avait acquis au premier trimestre 1999 le contrôle (avec 35 % des actions) de la société nationale Aérospatiale. A l’époque plusieurs estimations et audits avaient évalué la valeur de l’Aérospatiale entre 80 et 120 milliards de francs!
Mais à ce prix-là Lagardère, alors patron de Matra, beaucoup plus petit, n’en voulait pas. C’était certainement au-dessus de ses moyens. Mais le gouvernement Jospin voulait absolument privatiser l’Aérospatiale, et en faire, avec DASA, un "pôle industriel européen", face à Boeing. Bref, pour "faire céder" Lagardère, le gouvernement de gauche lui a servi l’Aérospatiale (c’est-à-dire : Airbus, Ariane, des hélicoptères, missiles, environ 35 000 salariés dans plus de dix usines) pour à peine un pourboire : 850 millions que, il faut être juste, il devait arrondir à un milliard la seconde année si l’Aéro dégageait 8 % de bénéfices supplémentaires, ce qui fut réalisé.
Aujourd’hui, Lagardère se défait d’une toute petite partie de ses actions, pour des raisons de réaménagement interne, et... il récupère ainsi quasiment sa mise! Et en plus, il conserve toujours l’Aérospatiale, qui continue à valoir 80-120 milliards!
Voilà l’escroquerie accomplie, au détriment des biens appartenant à l’Etat. Aux dernières nouvelles ni Lagardère (du moins pas pour cette affaire-ci), ni Jospin, ni le ministre de l’Industrie ne sont mis en examen : tout ce qu’ils ont fait est considéré comme parfaitement légal...
Correspondant LO
25/05/2001
Pauvre Huma !
a écrit :Bouygues et Lagardère appelés au chevet de L'Humanité : un cadeau pas si gratuit qu'il y paraît
La direction de L'Humanité a présenté son plan de "sauvetage" du journal en ces termes : "Le péril était imminent. Accablée par des pertes de 50 millions de francs fin 2000, menacée par un déficit qui se creusait à un rythme de plus de 4 millions de francs par mois, L'Humanité était au bord du dépôt de bilan. Tout au bord..." Il prévoit un certain nombre de mesures d'économie dont des suppressions d'emplois, le recours à des emprunts, mais aussi l'ouverture du capital de L'Humanité à des capitaux venant, c'est désormais confirmé, d'entreprises privées, telles Hachette de Lagardère ou TF1, qui appartient à Bouygues, ainsi que de sociétés para-publiques comme les Caisses d'Epargne. Ces capitaux représenteront 20 % de l'ensemble, les 80 % restants appartiennent au PCF et à des associations de lecteurs et de salariés de L'Humanité.
Pour répondre à l'inquiétude, parfois ouvertement formulée par des militants, parfois qui ne s'exprime pas mais est réelle, les dirigeants de L'Humanité précisent que la part réservée aux investisseurs privés ne pourra pas augmenter. On veut bien les croire.
Mais le problème n'est pas là. Ces patrons privés, Bouygues ou Lagardère, ne sont pas n'importe lesquels. Au-delà même des empires industriels et financiers dont ils disposent, ils symbolisent l'accumulation des profits, par l'exploitation de dizaines de milliers de salariés. Ils incarnent ces grands prédateurs qui gagnent des milliards grâce aux commandes de l'Etat. Bouygues, entre autres dans le BTP, Lagardère, entre autres dans l'armement.
Certes, cela ne signifie pas que l'un et l'autre auraient "acheté" L'Humanité, qui n'est pas une entreprise suffisamment florissante pour leur assurer des profits. Ni qu'ils veulent y imposer directement une ligne éditoriale. Ils sont tout sauf naïfs, et ils ont bien d'autres canaux pour se faire entendre. Tout au plus, c'est pour eux une occasion de se faire de la publicité, histoire de pouvoir dire, comme d'autres mécènes : "Voyez comme nous avons l'esprit large puisque nous contribuons, nous les affreux exploiteurs, à aider à la survie d'un organe de presse qui nous critique, voire nous conteste".
C'est pourquoi, quoi qu'on en dise, et au-delà même de difficultés financières, sans doute réelles, de L'Humanité, l'entrée du grand patronat dans son capital n'est pas anodin ni sans conséquences.
Mais alors, comment sauver L'Humanité et pour en faire quoi, pour en faire quel outil, pour défendre quelle politique, quel avenir ?
Les difficultés de vente de L'Humanité sont évidemment en rapport avec la baisse d'influence du PCF qui se traduit par la baisse de son influence électorale, par la diminution du nombre de ses militants et par la baisse de l'activité de ceux qui le restent. Et cela ramène aux choix politiques de sa direction. En se mettant à la remorque du Parti Socialiste, en cautionnant sa politique antiouvrière, la direction du PCF a largement contribué à la démoralisation, à la dépolitisation d'une fraction importante, non seulement numériquement mais aussi en influence, en autorité morale et humaine, de son milieu, de ses lecteurs, de ses électeurs. Et ce déficit humain, s'il n'est pas la raison du déficit financier, en explique une bonne part.
Alors, il y a plusieurs façons de trouver l'argent qui manque dans les caisses de L'Humanité, et celle choisie par les dirigeants du PCF, en permettant à des adversaires du monde ouvrier de se mettre en valeur à bon compte, n'est pas si gratuite qu'ils le disent. Comme n'était pas sans conséquence, par exemple, la décision, qui avait choqué nombre de militants du PCF, et on les comprend, d'organiser un défilé de mode dans les locaux de son siège, place du Colonel-Fabien.
Il n'est pas sûr que le recours aux capitalistes privés soit efficace, ni pour la survie de L'Humanité en tant que journal, ni même pour assurer l'avenir politique de ceux qui, au PCF, veulent couper avec le passé du parti, dont L'Humanité est encore un héritage lointain. Mais c'est là leur problème. Pas celui des femmes et des hommes pour qui la lutte contre le capitalisme, y compris contre les Bouygues, Lagardère et compagnie, et le combat pour le communisme restent à l'ordre du jour.
Christian BERNAC
Il peut s'attaquer alors au contrôle de la presse :
20/09/2002
a écrit :Presse et Edition : la voix de son maître
La bataille fait rage, dans le monde de la presse et de l'édition, autour de Vivendi Universal Publishing (VUP) que sa maison-mère, Vivendi, a décidé de vendre pour réduire son endettement. Bien que l'affaire ne soit pas encore définitivement bouclée pour ce qui est de sa branche édition - VUP est un tel géant en son domaine qu'aucun acheteur unique ne semble en mesure, ou avoir envie, de le reprendre en entier -, deux noms sont sortis du lot des concurrents se disputant certains bons morceaux de Vivendi : Dassault et Lagardère. Des noms bien connus du public pour être ceux des deux principaux fabricants et marchands d'armes du pays, mais aussi pour détenir déjà une grosse part de tout ce qui s'édite et se lit dans ce pays.
Lagardère, en ce qui le concerne, dirige en effet le groupe d'armement Matra et possède d'importantes participations, souvent majoritaires, dans les médias : Europe 1 et Europe 2, la chaîne Canal Thématiques, Match, Le Journal du Dimanche, L'Événement, Elle, Télé 7 Jours, France Dimanche, Femina, Entrevue, Zurban, Pariscope, Nice-Matin, Corse-Matin, La Provence, Var-Matin. Outre le fait d'être associé avec Le Monde au capital du Midi Libre, il possède aussi un quart du capital du Parisien-Aujourd'hui et de L'Équipe. Avec l'autre volet de son groupe, Hachette, qui contrôle une bonne partie de la distribution de presse, il occupe aussi une bonne place dans l'édition, notamment scolaire par le biais de Hachette Éducation et de Hatier. Mais cela ne suffit pas à Lagardère, qui s'est précipité sur la branche édition de VUP avec l'approbation bruyante d'Aillagon, le ministre de la Culture et de la Communication de Raffarin. Le gouvernement voit en effet d'un bon œil le fait que plus de la moitié de toutes les sociétés d'édition de ce pays - Larousse, Le Robert, Robert Laffont, Julliard, Plon, Seghers, Perrin, Les Presses de la Cité, Belfond, Les Presses de la Renaissance, 10/18, Pocket Jeunesse, Fleuve Noir, Bordas, Nathan, Dalloz, Dunod, Armand Colin (et on en oublie !) - passent sous la coupe de Matra.
Lagardère deviendrait donc le leader, et de très loin, de l'édition en France, et aurait une position de quasi-monopole (avec, entre autres, 80 % des éditions scolaires, 70 % de celles des livres de poche) si, le 25 septembre, le conseil d'administration de Vivendi entérine cette vente dont le prix - parce que sans doute astronomique - n'a pas été divulgué.
Dassault, lui, aurait mis au moins 330 millions d'euros sur la table pour racheter à VUP L'Express, L'Expansion, La Lettre de l'Expansion, La Vie Financière, l'Entreprise, Lire, L'Etudiant, Maison Magazine, Maison Française, etc., plus une société d'édition de journaux gratuits, ces gros capteurs de publicité. Cela s'ajoute désormais au tableau de chasse de Dassault qui affiche, entre autres trophées, Le Journal des Finances, Valeurs actuelles, Spectacle du monde, plusieurs périodiques franciliens, et surtout, depuis qu'il est devenu le principal actionnaire de la Socpresse (groupe Hersant), Le Figaro, Le Figaro-Magazine, Le Figaro Madame, TV Magazine, Paris-Turf, L'Indicateur Bertrand, Presse Océan, Le Courrier de l'Ouest, Le Maine Libre, Le Progrès, Le Dauphiné Libéré, Nord-Eclair, plus une forte part du capital de La Voix du Nord et de Rossel, n° 1 de l'édition francophone en Belgique.
Ainsi, entre Lagardère et Dassault, c'est plus de la moitié, sinon les trois quarts de tout ce qui s'édite comme livres, revues, journaux qui se trouverait désormais aux mains des deux principaux marchands d'armes de ce pays. Cela, au nom de la défense... de " la culture française ", puisque Lagardère, chaudement approuvé par les pouvoirs publics, présente sa razzia comme destinée à contrer les fonds de pension américains qui auraient eu des vues sur VUP ! Cela peut faire sourire, mais cela rappelle surtout que lesdits pouvoirs publics n'ont jamais rien eu à refuser aux Dassault et autre Lagardère, dont les empires industrialo-financiers se sont bâtis quasi exclusivement grâce aux généreuses commandes d'armements de tous les gouvernements successifs, de droite comme de gauche.
Pour les Lagardère et Dassault, comme pour Messier - l'ancien patron de VUP - et finalement comme pour n'importe quel capitaliste, la culture, la presse sont des affaires comme les autres, ni plus ni moins : ils y investissent seulement pour que cela leur rapporte. Avec, en prime, le fait que la " liberté de la presse " est d'abord la liberté pour les capitalistes - et pas seulement ceux de l'armement - de défendre, à des millions d'exemplaires chaque jour, leurs intérêts, ceux de leur classe, dans leurs journaux.
Pierre LAFFITTE