
L'info était dans le Canard Enchaîné de cette semaine, elle est reprise par "Le Monde"
("Le Monde" a écrit :La décision de l'Insee de reporter la publication du nombre de sans-emploi crée une polémique
LE MONDE | 25.01.07 | 11h52 • Mis à jour le 25.01.07 | 12h28
La décision de l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) de reporter la publication de ses chiffres du chômage après l'élection présidentielle est pour le moins étonnante. Habituellement présentées en mars, les données corrigées du chômage, calculé selon les normes du Bureau international du travail (BIT), attendront, cette année, le mois d'octobre 2007. Une première dans l'histoire de l'Insee.
Selon Le Canard enchaîné du mercredi 24 janvier, le chômage au sens où le BIT l'entend serait en fait de 9,2% – soit le chiffre d'avril-mai 2006 – à comparer aux 8,7% dont se vante le gouvernement. Bref, la France ne compterait pas 2,37 millions mais plus de 2,5 millions de sans-emploi.
"DIFFICULTÉS TECHNIQUES"
Une correction à la hausse, à quelques semaines de l'élection présidentielle, aurait été du plus mauvais effet pour Dominique de Villepin, qui a fait du chômage sa priorité. La deuxième semaine de janvier, rapporte Le Canard enchaîné, les principaux dirigeants de l'Insee "se réunissent à huis clos et jugent plus prudent d'en référer à leur autorité de tutelle, le ministère de l'économie et des finances".
Officiellement, l'institut argue de "difficultés techniques". Pour le BIT, un chômeur est quelqu'un qui se déclare sans travail et souhaite en trouver un. Chaque trimestre, donc, l'Insee enquête auprès d'une population de 70.000 personnes. Ce qui lui permet de corriger les statistiques mensuelles de l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) et, en mars, de publier un chiffre annuel, celui-là même dont la divulgation vient d'être repoussée à l'automne.
"D'une part, les taux de réponse sont d'une manière générale fluctuants au cours du temps et, plus particulièrement en 2006, ils ont nettement baissé dans certaines régions comme l'Ile-de-France", avance l'institut.
"CONTEXTE POLITIQUE"
Selon Jean-Michel Charpin, le directeur de l'Insee, ces non-réponses pourraient être liées à la "difficulté de joindre des personnes qui travaillent". De plus, explique-t-il, il existe ce qui s'appelle dans le jargon statisticien le "biais de rotation". Dans l'enquête "emploi", la même personne est interrogée six fois consécutivement. "Ils ne répondent pas de la même manière selon que c'est la première, la deuxième ou la sixième fois", fait valoir M. Charpin. (Note de Sterd : Moi c'est pareil, celui qui vient me poser 6 fois la même question, la 6ème fois il regrette :hinhin: )
De quoi troubler les résultats et les faire détonner au regard des chiffres établis mensuellement par l'ANPE à partir du nombre de chômeurs des catégories 1, 2 et 3 hors activité réduite (personnes disponibles, à la recherche d'un emploi à durée indéterminée à temps plein, à temps partiel, et à la recherche d'un emploi à durée déterminée, temporaire ou saisonnier).
Si M. Charpin nie toute intervention politique pour expliquer le report de la publication du chiffre du chômage, il n'en reconnaît pas moins que "cette annonce aurait été plus facile dans un autre contexte politique. Mais ce report n'a d'autre but que d'éclairer au mieux le débat public." Ce report relance les controverses déjà exprimées par les syndicats de l'Insee, en février 2006, sur les "pressions politiques sur les chiffres de l'emploi".
"Maladroit pour le moins", jugent les syndicats aujourd'hui. Mercredi, l'intersyndicale (CGT, CFDT, FO, SUD) a rencontré la direction de l'Insee. "Ce qui nous semble incompréhensible, témoigne Julie Herviaut, de la CGT, c'est que vu la période politique très délicate, s'il y avait des problèmes, il fallait anticiper." Selon elle, la direction aurait dû sortir un chiffre, quitte à ce que ce soit "une fourchette à prendre avec précaution". Et les syndicats dénoncent le manque de transparence et "le verrouillage de la direction".
A l'Assemblée nationale, c'est Gaëtan Gorce, député PS de la Nièvre, qui a porté le fer. "Pouvez-vous nier que les chiffres que l'Insee s'apprêtait à publier vous auraient amené à revoir publiquement, à quelques semaines des élections, à la hausse les chiffres du chômage 2006?", a-t-il demandé au ministre de l'emploi, Jean-Louis Borloo, et à son ministre délégué, Gérard Larcher. L'occasion pour ce dernier de marteler que "la baisse du chômage était une réalité".
Rémi Barroux