a écrit : Lors des caravanes, les remarques qui venaient le plus souvent, si l’on excepte les partisans de Le Pen qui se trouvent aussi dans ces milieux-là et qui ne nous parlaient que peu, concernaient d’abord la situation, la crainte du chômage, pour eux-mêmes ou pour leurs proches, des intérims à répétition, qui ne se succèdent pas toujours sans trou, ce qui aboutit à des salaires de misère.
Si la discussion portait sur le plan politique, c’était neuf fois sur dix pour vomir la droite au pouvoir, son cynisme, ses mesures anti-ouvrières et le leitmotiv qui revenait, sur tous les tons et avec toutes les variantes possibles autour de la même conviction, c’était : «Il faut chasser la droite».
Lorsque nos camarades discutaient du gouvernement socialiste d’avant 2002, ils ne rencontraient pas toujours une compréhension immédiate car les souvenirs des mauvais coups de ce gouvernement s’évanouissaient avec le temps et son image se bonifiait en vieillissant, surtout à cause du rejet, augmentant de jour en jour, de cette droite abhorrée.
Si nos camarades rappelaient tout le passé du gouvernement socialiste, le fait qu’il avait privatisé plus que la droite qui l’avait précédé, les salaires qui avaient été bloqués par le premier gouvernement socialiste et n’avaient pas été débloqués par le dernier, que les 35 heures avaient eu du bon pour beaucoup de travailleurs, mais du mauvais pour beaucoup d’autres, ils finissaient par obtenir un acquiescement mais ne convainquaient pas vraiment.
Cela trompait parfois certains de nos camarades qui confondaient le désir de ne pas relancer la discussion avec un accord véritable. Si nous parlions des compensations larges pour le patronat, sur le dos des travailleurs et sur celui des contribuables, pour le petit patronat bien sûr mais, au travers des sous-traitants, pour le grand aussi, nos interlocuteurs arrivaient à se rappeler tout cela et admettaient que le Parti socialiste n’était pas le leur, surtout d’ailleurs les sympathisants communistes. Mais nos interlocuteurs disaient alors finalement : «Tu as raison, je sais, je me souviens, mais quand même la gauche c’est moins pire que la droite». Et souvent ils ajoutaient : «Je voterai pour le PS au deuxième tour pour chasser la droite» quand ce n’était pas : «Il ne faut pas revivre 2002 et par sécurité je voterai pour les socialistes dès le premier tour».
Extrait du rapport politique intérieur voté à 97% au congrès de L.O.
Je pense que celà vérifie la justesse politique dont ont fait preuve - toutes tendances confondues - ceux qui, à un certain moment du développement du mouvement contre le C.P.E., ont lutté pour qu'il prenne en charge centralement, et de manière visible, le combat pour chasser le gouvernement, sans attendre les élections.
C'était la seule manière de faire entrer en mouvement de larges couches du prolétariat ; c'était aussi la seule manière d'éviter ce qui risque de se passer en 2007 sans mouvement d'ampleur avant les élections : que ce soit sur le terrain du parlementarisme, et au profit du parti socialiste et d'une nouvelle mouture de l'union de la gauche, que se cristalise cette saine et naturelle aspiration populaire.
J'aurais sincérement aimé que les camarades de LO, de sa fraction, de la LCR ainsi que tous les autres militants révolutionnaires s'engagent à ce moment là clairement de ce côté là. Ce n'était certes pas le plus facile, car même si ce mot d'ordre était populaire, le milieu militant y était soit hostile soit y mettait un contenu opportuniste, mais je pense que c'était le moyen le plus efficace de faire monter le mouvement en puissance et de le rendre vraiment incontrôlable par les appareils syndicaux - ce qu'il n'a jamais vraiment été -, et par là même, sinon de le chasser, d'incapaciter vraiment le gouvernement dans sa volonté d'attaquer, voir le contraindre à retirer le CNE et la loi sur l'égalité des chances.
Une telle politique ne renforce pas les illusions sur le PS, mais au contraire est un avertissement sérieux qui pèse sur lui - bien plus qu'un vote extrême-gauche au premier tour - au cas où il revient aux affaires.