Enseignement supérieur : y a-t-il trop d'universités ?

Message par Jenlain » 21 Déc 2006, 10:28

a écrit :Enseignement supérieur : y a-t-il trop d'universités ?

ne de plus ? Le 5 décembre 2006, Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, a annoncé, à la surprise générale, la création de l'université de Nîmes, la 85e université française et de loin la plus petite.

Avec ses 3 700 étudiants pour une cinquantaine d'enseignants-chercheurs, cet établissement détonne par sa taille. Jusqu'à présent, les plus petites universités françaises dépassaient les 5 000 étudiants. En acceptant de transformer ce centre universitaire de formation et de recherche, le ministère a-t-il cédé à ses vieux démons ? Le syndicat d'étudiants UNEF s'interroge : " Cette décision semble davantage guidée par des intérêts politiques locaux que par la cohérence de l'offre de formation et l'intérêt des étudiants."


Ce choix apparaît, en tout cas, en contradiction avec les efforts déployés, depuis plusieurs mois, par le ministère, pour inciter les universités à se regrouper, voire à fusionner. En contradiction aussi avec les réflexions menées actuellement par la Conférence des présidents d'université, qui doit élire un nouveau président, jeudi 14 décembre, et qui entend pousser les feux sur ce sujet à l'occasion de la campagne présidentielle.

En novembre 2006, les trois universités de Strasbourg ont annoncé leur union prévue pour 2009. Celles de Nancy, Grenoble, Lyon et Bordeaux ne cachent pas non plus leur volonté de regroupement, à moyen terme.

Les raisons de ce mouvement sont simples. "En créant une université généraliste, nous pouvons offrir les cursus pluridisciplinaires aujourd'hui favorisés dans la compétition universitaire mondiale", explique Bernard Carrière, président de l'université Louis-Pasteur (Strasbourg-I). "Derrière le regroupement émerge, bien sûr, l'idée de la taille critique, située entre 10 000 et 30 000 étudiants, mais surtout celle d'exister dans les classements internationaux", souligne pour sa part Eric Froment, ancien président de l'Association européenne des universités.

La prise de conscience date du début des années 2000. En 2003, la première publication du classement de l'université Jiao Tong de Shanghaï avait fait l'effet d'un électrochoc. "Les pouvoirs publics se sont sentis humiliés de ne pas figurer en bonne place dans le classement", se rappelle Eric Froment. Le premier établissement d'enseignement supérieur français, l'université Pierre-et-Marie-Curie (Paris-VI),

s'était retrouvé à la 65e place. Beaucoup avaient compris alors que la "balkanisation" du système d'enseignement supérieur français, avec la coupure entre les grandes écoles, qui captent les élites, et les universités de masse, mais aussi celle de la recherche, scindée entre universités et organismes de recherche, faisait perdre des points. "Si on rassemblait l'ensemble des établissements de la Montagne Sainte-Geneviève au coeur de Paris, nous serions en tête des classements internationaux", a coutume de rappeler l'économiste Elie Cohen.

"L'unité géographique est devenue un véritable critère de performance sur la scène internationale", constate pour sa part Gérard Binder, président de l'agence d'EduFrance, chargé de la promotion universitaire française dans le monde. "A Pékin ou New Delhi, peu d'étudiants font la différence entre les universités Lyon-I et Lyon-II ou entre Paris-II et Paris-VIII..."

Cette fragmentation de la carte universitaire a plusieurs origines. Avec la loi Edgar Faure de 1968, la réunion des anciennes facultés devait donner naissance à de nouvelles entités pluridisciplinaires. Mais peu ont joué le jeu de l'université généraliste. Résultat, entre 1969 et 1973, soixante-deux universités ont été créées, dont treize rien qu'à Paris.

Dans la décennie 1970-1980, l'arrivée d'un million d'étudiants a encore accentué cette atomisation de la carte universitaire. Les villes moyennes comme Le Mans, Valenciennes ou Perpignan ont obtenu leur université, après de longues périodes de lobbying politique.

Le plan Universités 2000, lancé en 1990, sous le gouvernement de Michel Rocard, par Lionel Jospin alors ministre de l'éducation nationale et son conseiller spécial Claude Allègre, a encore complexifié les choses. Entre 1990 et 2000, l'Etat a ouvert dix nouvelles universités, dont quatre de plus en région parisienne. Parallèlement, la création des régions, en 1986, avait accéléré le développement d'antennes universitaires dans des sites aussi improbables qu'Issoudun (Indre) ou Lambesc (Bouches-du-Rhône)...

Avec la stagnation des effectifs d'étudiants à partir de 1995, cette politique d'aménagement à marche forcée a été stoppée. "A quelques exceptions près, la carte universitaire n'a pas évolué depuis 2000. Nous sommes maintenant entrés dans une logique de rapatriement des formations dans des ensembles plus vastes", assure Jean-Marc Monteil, directeur général de l'enseignement supérieur.

La tendance est européenne, voire mondiale. Selon Elie Cohen, "le modèle universitaire qui s'est imposé aujourd'hui est celui très différencié des Etats-Unis" - collège universitaire jusqu'à la licence, université d'Etat jusqu'au master et universités nationales pour la recherche. Le Japon, la Suède et la Finlande, qui s'en sont largement inspirés, font aujourd'hui la course en tête.

Plus près de nous, l'Allemagne est en train de restructurer et de hiérarchiser ses universités en sélectionnant, sur appel d'offres, les dix "universités d'élite" généralistes qui recevront des financements supplémentaires conséquents (entre 13 et 33 millions d'euros par an sur cinq ans), tandis que dans d'autres établissements, certains départements d'excellence recevront entre 1 et 7,5 millions d'euros supplémentaires par an.

En France, le regroupement ne fait que commencer. Mais les alliances pourraient bénéficier de l'impulsion donnée par les pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) créés par la loi sur la recherche votée en avril 2006. Ils permettent aux universités, grandes écoles et organismes de recherche de se rapprocher pour partager écoles doctorales, laboratoires, voire des formations de master. Près d'une vingtaine de projets sont déjà dans les cartons. "Nous assistons à un curieux retour de balancier historique", observe Alain Renaud, fondateur de l'Observatoire européen des politiques universitaires (Paris-IV).

Le pari n'est pas gagné. L'échec des pôles universitaires européens lancés au début des années 1990 par le ministère de l'éducation nationale est dans toutes les têtes. L'objectif était, déjà, de donner une dimension internationale aux établissements. En réalité, ils ont surtout appris aux universités d'une même ville à travailler ensemble.

Le regroupement ne résoudra pas tout, loin s'en faut. A commencer par le problème budgétaire. "Ce n'est pas en réunissant quatre pays africains que l'on règle le problème de la misère", résume Alain Renaud. En outre, selon Yannick Vallée, premier vice-président de la CPU, cette politique ne pourra réussir "que dans un cadre juridique rénové".

"La loi Savary de 1984 n'est pas adaptée au pilotage de ces futurs grands ensembles", estime-t-il. Le défi sera aussi de réussir le mariage d'établissements habitués à leur autonomie et à la culture souvent très différente.

Que faire, aussi, des petites unités voisines ? Face au futur "mastodonte" strasbourgeois (40 000 étudiants et 2 500 enseignants chercheurs), l'université de Haute-Alsace réunit moins de 8 000 étudiants et 300 enseignants chercheurs. "Nous pouvons mener une politique de niche, travailler sur des domaines pointus et opter pour la professionnalisation, mais cela coûte très cher, notamment en personnels d'encadrement", souligne une chercheuse mulhousienne.

L'université française réussira-t-elle à se réorganiser ? "Rien qu'en fusionnant les universités d'une même ville, on pourra arriver à diminuer le nombre d'universités", explique Yannick Vallée. Pourra-t-on aller plus loin ? "Il est quasiment impossible aujourd'hui de fermer des antennes universitaires en France. C'est la montée garantie des élus locaux, reconnaît Yannick Vallée. Mais il faut espérer qu'il y aura un jour un ministre courageux pour au moins ouvrir ce débat."


Philippe Jacqué et Catherine Rollot
Jenlain
 
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