Classes moyennes ?

Message par Inna » 21 Nov 2006, 17:04

Le Monde
Louis Chauvel

La crise sociale française. - Classes moyennes, Le grand
retournement


Le grand retournement Pendant des décennies, les classes moyennes
étaient considérées comme fort éloignées des difficultés des classes
populaires. Aujourd'hui, une génération de jeunes diplômés craint de ne
pouvoir trouver sa place, tant dans le public que dans le privé. Sixième
et dernier volet de l'étude « Le Monde » et La République des idées sur
« la crise sociale française »


Les radiographies récentes des fractures de la société française ne
laissent pas augurer leur réduction prochaine. L'épisode printanier du
contrat première embauche (CPE) aura eu le mérite de révéler
clairement le mal : aujourd'hui, la question sociale ne se situe plus
simplement à la périphérie, dans la marginalisation d'une sous-classe
désaffiliée, ni uniquement dans les banlieues de relégation, ni non plus
à l'opposé, dans la sécession des élites, mais au coeur même de la
société française, en son noyau central.
Il s'agit bien aujourd'hui de jeunes diplômés de l'université issus des
catégories intermédiaires qui voient se dérober sous leurs pas les
dernières marches à l'entrée dans les classes moyennes. Ils vivent ce
retournement comme un risque de déchéance dans une classe
d'incertitude sans avenir ni retour, et leurs parents assistent avec eux à
l'extinction d'un projet social hier triomphant.
Il a fallu plus de dix ans pour mettre clairement en évidence cette
nouvelle dynamique, installée dans les réalités objectives depuis bien
plus longtemps, mais que notre capacité de déni nous empêchait de voir
clairement.
Ce retournement dynamique apparaît dans un contexte où, pendant des
décennies, les classes moyennes ont fait figure de maillon le plus solide
de la société française. Elles étaient considérées comme une classe de
confort, protégée et choyée, stable, située fort loin au-dessus de l'écume
des difficultés des classes populaires.
En novembre 1994, dans un entretien au Monde, Jacques Delors,
encore candidat à la candidature [à l'élection présidentielle de 1995],
s'alarmait d'une France où « deux tiers vivraient plus ou moins bien,
mais sans s'occuper de ceux qu'ils laisseraient au bord de la route : le
troisième tiers, au sein duquel se trouveraient les exclus, les marginaux,
les sans-espoir ».
L'hypothèse dominante d'une « moyennisation », chère au sociologue
Henri Mendras (1927-2003), était que seule une minorité d'exclus d'une
part et une fraction dirigeante de l'autre échappaient à une société
fondée sur deux tiers de bénéficiaires avec, en son centre, une classe
moyenne dominatrice et contente d'elle-même, maîtrisant son destin
social et partageant une culture de sécurité et de confiance dans l'avenir.
Ce portrait social d'une classe moyenne heureuse correspond-il
aujourd'hui à 70 % de la population, ou plutôt à 10 % ? Tout semble
indiquer que ce noyau central, idéalement situé aux environs de 2 000
euros de salaire mensuel, doit faire face à un vrai malaise et connaît,
comme par capillarité, la remontée de difficultés qui, jusqu'à présent, ne
concernaient que les sans-diplôme, les non-qualifiés, les classes
populaires. A la manière d'un sucre dressé au fond d'une tasse, la partie
supérieure semble toujours indemne, mais l'érosion continue de la
partie immergée la promet à une déliquescence prochaine.
Inna
 
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Message par Inna » 21 Nov 2006, 17:06

http://louis.chauvel.free.fr/destabilisati...sesmoyennes.pdf

( http://louis.chauvel.free.fr/ofceralentiss...erationnel5.pdf )


Ou comment des personnalités de la sociologie ont un semblant de remise en question.
Inna
 
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Message par meichler » 21 Nov 2006, 17:40

... Ou comment les prétendues «classes moyennes» sont en train de s'apercevoir qu'elles (ou leurs enfants) sont vouées à la prolétarisation [pronostic classique du marxisme, que la décomposition avancée de la société bourgeoise actuelle est en train de réaliser...]
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Message par meichler » 23 Nov 2006, 08:15

(Vérié @ mardi 21 novembre 2006 à 17:58 a écrit :
on est tout de même très loin de la prolétarisation généralisée de la petite bourgeoisie en France !


Je ne dis pas cela, je pointe (pas seulement moi d'ailleurs) une tendance objective de la société en France et ailleurs.

a écrit : Une grande partie de cette petite bourgeoisie demeure très prospère et représente une base sociale très appréciable pour la bourgeoisie.


Sans doute. Mais il faudrait apprécier plus finement une chose : les difficultés qu'éprouve la grande bourgeoisie à grouper autour d'elle (en particulier autour de ses forces politiques) la petite-bourgeoisie. Ce qui explique pour une large part ce que les journalistes appellent la "volatilité" de l'électorat, etc... On peut pour s'en faire une idée, comparer ce qu'il en était de De Gaulle au début de la 5ème République (groupant autour de lui les foules petites-bourgeoises inconditionnelles), et ce qu'il en est du "chiraquisme" ou du "sarkozisme" aujourd'hui (qui ont quand même bien du mal à stabiliser leur "base sociale")...

a écrit :Dans les années cinquante-soixante, le PC, et notamment Thorez, défendaient la théorie de la "paupérisation"... à la veille des "trente glorieuses" qui a vu un développement sans précédent du capitalisme français et de la prospérité des classes aisées.


OK sur la critique de la ligne du PCF à l'époque, mais justement nous ne sommes plus (depuis pas mal de temps) dans les "30 glorieuses" (dont la "gloire" fut surtout pour les profits des grands groupes capitalistes !)

a écrit :Alors, méfions nous des analyses à l'emporte-pièce.


Justement, c'est à une analyse beaucoup plus fine que tu crois que ce fil nous convie. Autre exemple à méditer : certains aspects de la crise de ces dernières années en Argentine où des pans entiers des "classes moyennes" ont été (pour le coup) "paupérisées" à la vitesse grand V.

a écrit :Tout cela dépendra d'une crise éventuelle du capitalisme.


"Crise éventuelle" ?! Tu charries un peu sur la "marge" dont disposerait le système. Je ne crois pas que ce soit si confortable que ça pour eux, sinon ils ne frapperaient pas comme ils le font!

a écrit :Sans doute, les pauvres sont de plus en plus pauvres et les riches de plus en plus riches, mais la petite bourgeoisie se porte encore très bien, même si elle pleurniche !


On peut avoir envie de croire ça, et c'est vrai que les inégalités sont encore bien réelles entre le prolétariat, la classe ouvrière productive, et les diverses couches de la petite-bourgeoisie, mais celles-ci aussi subissent la crise générale de la société bourgeoise. Et elles la ressentent sans doute même fortement. Il ne s'agit pas de pleurnicher avec eux, mais de trouver les voies pour les pousser à se ranger dans le "camp des travailleurs" (comme dirait qui vous savez) dans une perspective socialiste et révolutionnaire-prolétarienne.
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Message par meichler » 23 Nov 2006, 22:02

1) Je n'ai pas parlé de "crise finale" du capitalisme.

2) Il faut distinguer : La crise historique de la société bourgeoise dans son ensemble, du mode de production capitaliste à l'échelle mondiale, qui correspond à l'ère de la décadence impérialiste (ouverte en 1914), et qui n'est pas seulement économique ; et à l'intérieur de cette ère, les phases plus ou moins prolongées de "prospérité" et de "crise", ou de "reprise", mais qui ne se produisent que sur le fond historique d'une décomposition et d'une décadence structurelle qui va en s'aggravant (endettement généralisé gigantesque, militarisme et économie d'armement, parasitisme sous toutes ses formes, destructions massives de forces productives, domination de plus en plus généralisée et écrasante du capital financier, tendances à la barbarie de plus en plus affirmées...). La vérité c'est que les bourgeoisies impérialistes sont incapables de maîtriser la crise historique d'ensemble de la société bourgeoise. Le recul de la conscience et de l'organisation du prolétariat, consécutif à la défaite qui a résulté du rétablissement du capitalisme en Russie, permet à ces bourgeoisies de mener aujourd'hui une offensive permanente contre les masses, sur tous les terrains. Le prolétariat subit un déluge de coups, mais de nombreuses couches de la petite-bourgeoisie en sont aussi touchées, et plus que par des "dommages collatéraux". Mais tous les coups qu'ils pourront porter ne parviendront nullement à redonner une nouvelle jeunesse au système capitaliste, qui ne fait que se survivre en une interminable agonie.

3) Actuellement il n'y a pas à proprement parler "récession" (baisse de la production et des échanges, stagnation du «PIB» - notion d'ailleurs assez trompeuse en elle-même), mais de là à dire qu'il n'y a "pas de crise" ou parler de "crise hypothétique", voire laisser entendre que le système serait en pleine santé, il y a une marge que même les économistes bourgeois ne franchissent pas. La présentation que tu fais, Vérié, est exagérément "optimiste" (Trotsky disait que «les révolutionnaires n'ont pas à être optimistes au compte de la bourgeoisie»).

4) Je ne dis pas que la grande bourgeoisie et son personnel politique n'ont pas besoin de la petite-bourgeoisie comme "base sociale" (bien au contraire), mais qu'ils ont de plus en plus de difficultés pour la grouper durablement autour d'eux (c'est en particulier ce qui empêche l'émergence d'authentiques partis fascistes de masse, comme ce fut le cas entre les deux guerres, sans compter qu'ils ne sont nullement rendus nécessaires du fait du recul de l'activité révolutionnaire de la classe ouvrière, en premier lieu dans les métropoles impérialistes). Que la petite-bourgeoisie se défende (ou plutôt, comme tu le cites toi-même, des fractions d'entre elle) c'est bien certain, et souvent avec une certaine efficacité à court terme. Il n'en demeure pas moins que les "classes moyennes" (plus précisément ce que les marxistes appellent la petite-bourgeoisie) se prennent de plein fouet la crise d'ensemble de la société bourgeoise qui les condamne à un déclin inéluctable.
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Message par Puig Antich » 23 Nov 2006, 23:11

a écrit :Quant à la férocité des capitalistes, que tu soulignes, elle est permanente, ce n'est pas en raison d'une crise hypothètique ni meme de cette fameuse concurrence des ouvriers chinois et autres que les patrons sont de plus en plus exigeants, mais en raison d'un rapport de forces qui leur est aujourd'hui favorable. Ne confondons pas les prétextes invoqués avec la nature permanente du capitalisme qui est de faire toujours plus de profits, quitte à plonger une partie de la population dans la misère.


C'est surtout une compétition internationale des différents états bourgeois pour maintenir la compétitivité de leurs secteurs nationaux et de leurs ramifications néo-coloniales. Ce qui est appelé par nos amis du monde diplomatique «la fuite en avant néo-libérale». C'est là que le prolétariat, aussi faible soit-il, peut être un facteur de crise : si il brise dans un seul pays impérialiste ou seulement industrialisé l'offensive actuelle, il remet en cause les fondements du système à l'échelle globale et les équilibres internationaux.
Puig Antich
 
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