("Libé" a écrit :Candidat PS : le reste de la gauche a aussi son avis
Marie-Georges Buffet, Olivier Besancenot, Noël Mamère et Arlette Laguiller, le 25 septembre 2006 à Cachan. REUTERS
Anciens alliés de la gauche plurielle et trotskistes suivent avec attention les débats entre prétendants socialistes.
Par Matthieu ECOIFFIER, Pascal VIROT
Dans quelques jours, ils seront des adversaires du candidat socialiste, mais aussi des interlocuteurs incontournables : les anciens alliés de la gauche plurielle, des communistes aux chevènementistes en passant par les Verts (le PRG a décidé de ne pas présenter de candidat), suivent donc attentivement les débats socialistes pour la désignation du candidat à l'Elysée. Tous savent qu'un score du PS sous son étiage électoral aura des répercussions sur leurs propres performances. Tous assurent avoir en mémoire la déroute du 21 avril 2002, qu'ils promettent de ne pas rééditer.
Observateurs plus lointains, les trotskistes notamment ceux de la LCR et de LO regardent avec distance les débats du PS. Espérant qu'avec une Ségolène Royal investie, ils verront s'élargir à leur profit le créneau de la gauche de la gauche.
Avantage Ségolène chez les Verts
«Ils nous disent qu'ils sont tous écolos, chiche !» Chez les Verts, on trouve assez cocasse la conversion environnementale «tardive» des trois candidats. Notamment sous la pression de Nicolas Hulot : «Fabius lui propose un poste de numéro 2 de son gouvernement ? Il ferait mieux de prêter plus d'attention aux propositions autrement plus pointues des Verts, ses alliés privilégiés», estime Noël Mamère, député de Gironde. «Ségo est sur une ligne plus verte», estime Wilfrid Séjeau, président du groupe Verts de Bourgogne. «Sur le moratoire des OGM et l'amnistie pour les faucheurs volontaires, elle va beaucoup plus loin que les deux autres. Et elle a été ministre de l'Environnement», rappelle Mamère. Localement, cela se passe plutôt bien avec Royal : «Ce qu'il y a de saillant dans son bilan régional le Poitou-Charentes anti-OGM et le budget participatif des lycées elle le doit à des élus Verts», rappelait récemment Dominique Voynet à Libération . Fabius aurait le handicap inverse. «Son revirement à 180° nous inquiète. A Bercy, il a flingué l'écotaxe», rappelle Jean-Vincent Placé, Vert francilien. DSK, lui aussi passé par les Finances, n'inspire guère : «Il a un discours très vieille gauche productiviste sur la croissance», analyse Wilfrid Séjeau. «Il a été le plus grand défenseur de l'accord international sur les marchandises, la consécration de tout ce qui peut se faire de pire en terme de modèle productiviste», rappelle Gérard Leras, Vert franc-comtois. Surtout, les Verts et leur candidate, Voynet, espèrent que «la question marketing des primaires réglée, [ils vont] enfin parler de contenu politique».
Le PCF dénonce la «droitisation» de Royal
Difficile de contourner Royal. Alors, plutôt qu'un procès d'intention, les communistes préfèrent parler du projet socialiste, sur lequel sont censés s'adosser la présidente de Poitou-Charentes et ses deux concurrents. «Sur les politiques à mettre en oeuvre, les débats au sein du PS n'ont pas pu dégager une musique nettement en rupture avec la politique libérale actuelle, explique Olivier Dartigolles, porte-parole du PCF. Tout leur contenu s'est focalisé sur les propositions de Royal et cela demeure très insuffisant», d'autant que cette campagne a été marquée par «une droitisation» de la députée des Deux-Sèvres. A plusieurs reprises, Marie-George Buffet s'est opposée à la candidate à la candidature, que ce soit sur la carte scolaire ou les jurys citoyens chargés d'évaluer le travail des élus. «J'ai examiné attentivement [ses déclarations], je ne vois pas un programme», déclarait en août la numéro 1 du PCF. «L'alternance à Sarkozy, ce n'est pas une gauche Royal», vient-elle de lancer plus récemment. Quant à Fabius, partisan comme elle du non à la Constitution européenne en 2005, Buffet a salué son «courage» mais aussi regretté que «pour l'instant, il prend pour référence le programme adopté par le PS». Fermez le ban. Mais le futur candidat socialiste n'a rien à craindre pour le second tour : le PCF lancera «un appel très clair» à voter en sa faveur, «sans conditions ni négociations d'un accord politique», assure Olivier Dartigolles.
Tout sauf DSK chez Chevènement
La réflexion est identique (ou presque) chez Jean-Pierre Chevènement : le projet socialiste demeure «ambigu» sur l'Europe, «inexistant» sur la mondialisation et la politique américaine et «très dangereux» sur les institutions. Devant un drapeau tricolore et une photo de la statue représentant la République, le candidat à l'Elysée a présenté hier ses «trois priorités» ( «Réorienter la construction européenne», «faire rebondir la France» et «remettre en marche le modèle républicain»), assorties de «vingt chantiers». Il n'a pas voulu prendre partie pour un des candidats, mais a expliqué être «sensible au ton de Ségolène Royal et de Laurent Fabius, qui contraste heureusement avec celui des dirigeants socialistes» qui l'ont «transformé en bouc émissaire de leur échec» de 2002. En revanche, avec DSK, la convergence «sera plus difficile car il est plus libéral».
Il n'est pas sûr que le maire Belfort concoure jusqu'à la fin de la compétition : il a laissé entendre hier que si Le Pen «paraissait en mesure d'empêcher un candidat de gauche au deuxième tour», il demanderait «une concertation» avec l'opposition et prendrait ses «responsabilités».
C'est le programme qui irrite les trotskistes
Entre les trois postulants, Olivier Besancenot, candidat à la présidentielle pour la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), a relevé «des nuances dans les discours, la petite musique de chacun». Mais pour lui, le problème n'est pas «le casting, mais la partition : le programme socialiste» dont tous trois se réclament. «Au Zénith, le seul truc qui méritait d'être sifflé, c'est le Smic à 1 500 euros brut d'ici à cinq ans, soit moins que l'augmentation du coût de la vie !» Besancenot trouvait Royal «sympathique lorsqu'elle affolait les éléphants. Aujourd'hui, ils entrent dans son staff». Mais il ne juge «pas sympathique du tout sa vision braquée sur le modèle Tony Blair. Et sa com, avec des propositions très à gauche ou très à droite, en self-service» . Bref, les trois «sont dans une bulle, à mille lieues de la réalité sociale».
Même son de cloche chez Arlette Laguillier, qui fustige «le programme socialiste, qui ne change pas le sort des travailleurs, des cités et ne s'en prend pas aux profits du patronat». La candidate de LO éprouve envers Royal une solidarité exclusivement féminine : «Les attaques macho contre Ségolène sont incorrectes. Mais je n'ai aucune solidarité politique envers elle», avait-elle estimé en octobre à la Mutualité.