Raffarin met en garde les syndicats sur les retraites
Par Emmanuel Jarry
PARIS (Reuters) - A huit jours d'une journée de mobilisation contre la réforme des retraites, le 13 mai, Jean-Pierre Raffarin a averti lundi les syndicats qu'il n'accepterait pas de "blocage" et entendait soumettre le projet de loi le 8 juin à l'Assemblée nationale.
"Tous les syndicats qui ont une attitude constructive pour la réforme des retraites seront écoutés jusqu'au dernier moment", a déclaré le Premier ministre aux députés et sénateurs de l'UMP réunis pour un colloque sur cette réforme.
"Mais que l'on ne se méprenne pas: le gouvernement concerte, puis décide; il gouverne", a-t-il ajouté.
"Nous n'accepterons pas le blocage d'une réforme qui concerne l'avenir des Français et donc de la France", a-t-il ajouté, selon le texte de son discours distribué par Matignon. "La réforme sera juste et nous la conduirons à son terme (...) Je veux partir en vacances avec cette réforme votée. Nous ne partirons pas avant."
Pour être sûr d'être entendu, le Premier ministre précise dans une interview à paraître mardi dans la Nouvelle République du Centre-Ouest qu'il est déterminé à tenir son calendrier et à soumettre la réforme des retraites le 8 juin à l'Assemblée.
"J'irai jusqu'au bout", dit-il. "Il y a la manifestation du 13 mai, le conseil (des ministres) du 28 mai (lors duquel le gouvernement examinera le projet de loi). Et, le 8 juin, on va au Parlement. Avant les grandes vacances, l'avenir des retraites sera sauvé."
Jean-Pierre Raffarin se dit "à l'écoute des propositions raisonnables des forces sociales", dont il reconnaît le "besoin" de s'exprimer. "Mais ce n'est pas la rue qui fait la démocratie", ajoute-t-il. "Nous écoutons le message qui s'exprime mais c'est aux élus d'assumer la responsabilité politique."
Le ministre des Affaires sociales, François Fillon, qui a conduit l'élaboration du projet de loi et la concertation avec les partenaires sociaux, a pour sa part déclaré aux parlementaires UMP réunis à l'Assemblée que le gouvernement ne "reculerait pas".
Il "existe encore une 'marge' de discussion avec les partenaires sociaux", a-t-il toutefois souligné.
"Le texte devra certainement être adapté, l'avant-projet de loi du 7 mai n'étant que sa première version. Mais le gouvernement, ceci doit être clair, ne reculera pas."
"Il ne reculera pas, parce que le temps pour sauver le système de retraites par répartition se compte désormais en mois" et "parce que cette réforme constitue la dernière chance de démontrer que la droite est apte à réaliser avec courage de grandes réformes sociales, à la fois justes et courageuses", a-t-il souligné.
"UNE REFORME IRREVERSIBLE"
Devant le même aréopage, le Premier ministre a pris le risque d'accroître l'irritation des syndicats en affirmant que le gouvernement avait des "objectifs ambitieux (...) en termes de changements dans l'administration et d'évolution de ses effectifs" en 2004.
Il n'a pas précisé ses intentions en matière de réduction du nombre de fonctionnaires, sujet hautement sensible. Mais il avait demandé à ses ministres d'étudier les conséquences du non renouvellement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, ce qui pourrait concerner une trentaine de milliers de postes en 2004.
Jean-Pierre Raffarin était venu pour un dernier "recadrage" de la réforme des retraites avec les parlementaires de sa majorité. Il n'a en fait apporté que peu de précisions, dans un discours fleuve dans lequel il a brossé un tableau de l'ensemble de sa politique.
"La réforme qui vous est proposée est crédible, juste, irréversible", leur a-t-il déclaré, tout en admettant qu'elle ne réglait pas "la totalité des problèmes de financement".
"Nous avons renoncé à la voie facile de l'accroissement des prélèvements pour la retraite car ils ne sont pas indispensables aujourd'hui et le coût du travail ne doit pas être alourdi", a-t-il expliqué. Il n'a cependant pas exclu, à plus long terme, une hausse des cotisations. "Dans l'avenir, il sera peut-être nécessaire d'y avoir recours, le plus tard possible", a-t-il dit. "Il faudra alors le faire mais à prélèvements constants."
Il a également indiqué qu'une partie du produit des privatisations envisagées par son gouvernement serait versée au Fonds de réserve des retraites, "après avoir satisfait les besoins de capitaux de nos entreprises publiques".
Il a précisé que 500 millions d'euros venant de la vente de la part résiduelle de l'Etat dans le Crédit Lyonnais y avaient déjà été transférés.
Emporté par son élan, Jean-Pierre Raffarin a cependant émis une contre-vérité, si l'on en croit le texte de son discours : "Nous avons installé le Fonds de réserve des retraites que le gouvernement précédent avait annoncé mais pas créé", a-t-il dit.
Or, non seulement le gouvernement de son prédécesseur socialiste, Lionel Jospin, a créé ce fonds, mais il a également commencé à l'abonder. C'est même une des rares mesures concrètes qu'il ait prise en matière de financement des retraites.
François Fillon a pour sa part confirmé les grandes lignes de la réforme, qu'il avait exposées à la télévision le 24 avril.
Il a ainsi indiqué que le gouvernement s'en tenait à une retraite de 75% du smic net mais pas plus pour les salariés qui auront toujours travaillé au salaire minimum.