Page 1 sur 1

Message Publié : 30 Oct 2006, 04:21
par Combat
ABIDJAN (AFP) - dimanche 29 octobre 2006 - 10h13 - "Chirac attaque", "La Chiraquie déchaînée"... En Côte d'Ivoire, pas un jour ne passe sans que la presse favorable à Laurent Gbagbo n'accable le président français, décrit comme un Machiavel prêt à tout pour parachever le grand dessein de son règne: renverser son vieil ennemi le chef d'Etat ivoirien.
Pourquoi Jacques Chirac est-il allé en Chine cette semaine?

Selon l'Elysée, il s'agissait de renforcer le partenariat économique et stratégique avec Pékin.

A Abidjan, les quotidiens dit "patriotiques" ou "presse bleue", tenus par des proches du camp présidentiel, n'en croient pas un mot. Si "Chirac fait la courbette à la Chine", estimait jeudi "Le Temps", c'est uniquement pour "neutraliser les soutiens de son ennemi juré Laurent Gbagbo à l'ONU".

Et pour rallier la Chine au projet français de résolution sur la Côte d'Ivoire en discussion à l'ONU, qui prévoit de réduire les pouvoirs du président ivoirien, accusé par Paris de bloquer le processus de paix.

Pour la presse pro-Gbagbo, il s'agit d'une nouvelle "tentative de coup d'Etat" échafaudée par un homme, Jacques Chirac, à la tête d'un réseau, "La Chiraquie", et d'un système, la "Françafrique", qui veulent punir Laurent Gbagbo d'avoir "libéré" la Côte d'Ivoire de leur joug "colonialiste".

Mémoires de Valéry Giscard d'Estaing, sondages, procès de la mairie de Paris: surfant sur les rapport calamiteux de M. Chirac avec son homologue ivoirien, la presse "patriotique" ne manque pas une occasion de se réjouir de la "déchéance" du "vieux colon" ("Le Temps").

Si "Notre Voie", organe du Front Populaire ivoirien (FPI, parti de M. Gbagbo) a été créé au début des années 90, les autres -- "Le Temps", "Le Courrier d'Abidjan" et "Le Matin d'Abidjan" -- ont tous été créés après la tentative de coup d'Etat rebelle de septembre 2002.

Avec une mission: défendre la Côte d'Ivoire face au "complot de Chirac", "père de la rébellion" qui veut "achever le coup d'Etat" contre M. Gbagbo.

"Notre adversaire n'est pas la France, mais Chirac, dernier nostalgique du colonialisme", affirme à l'AFP Théophile Kouamouo, Franco-Camerounais installé à Abidjan depuis 1999 et rédacteur en chef du "Courrier d'Abidjan".

"Il y a une vraie cristallisation sur la personne de Jacques Chirac. L'ambassade, elle, est rarement visé", note un diplomate français à Abidjan.

Pour un responsable français, cela traduit "un dépit amoureux". "Ils restent très attachés à la France et ne veulent donc pas croire qu'elle leur en veut. Donc ils se persuadent que c'est Chirac, et pas la France, qui leur en veut".

"Tout ce qui lui fait mal nous fait plaisir", souligne Théophile Kouamouo.

Et la fin justifie les moyens: dans un pays de grande liberté de presse, les journalistes dit "patriotes", tout comme ceux de l'opposition, privilégient le message politique, quitte à s'éloigner quelque peu du factuel.

"Quoique la France dise, cela est systématiquement interprété à leur manière et raillé", regrette le diplomate français.

"On décrit parfois ce qui pourrait se passer, pour éviter que cela arrive", explique Philippe Kouhon, le correspondant à Paris du "Matin d'Abidjan", qui a publié cette semaine un "plan d'attaque" français "imminent" contre M. Gbagbo.

"Nous sommes une presse de combat", ajoute Théophile Kouamouo. "On fait de l'alerte: quand une menace pour le pays apparaît, on en parle. Les journalistes français l'ont fait contre Le Pen après le 21 avril 2002, qui le leur a reproché ?"

"C'est le pays de la rumeur. Mais ça sert aussi à se dédouaner: si on est victime d'un complot, on n'a pas à se retrousser les manches pour améliorer la situation", dit un responsable français, en relativisant la portée de ces journaux, distribués chacun à moins de 15.000 exemplaires.

"Nous ne souhaitons qu'une chose, que la crise se termine", affirme Philippe Kouhon. "Et quand tout cela sera fini, nous reviendrons à des pratiques journalistiques plus classiques".





Image