a écrit :Le pacte « pour » la recherche :
Un pas de plus vers un système de recherche et universitaire soumis aux seuls intérêts du patronat
Le 28 février prochain, l’Assemblée Nationale doit examiner le pacte « pour » la recherche concoctée par de Robien et Goulard, un texte jugé inacceptable pour le collectif « Sauvons la recherche ».
Dès le début du texte, ce pacte donne le ton, la recherche doit servir à « la compétition internationale » capitaliste, et doit s’« adapter » à nouveau pour satisfaire cet objectif. Cela s’inscrit dans la logique des Conseils de Lisbonne de mars 2000 et de Barcelone de l’Union Européenne « pour faire de l'espace européen l'économie de la connaissance la plus compétitive » comme l’indique le projet de loi.
Une mise au pas de la recherche aux objectifs du patronat
Si cette nouvelle loi passe, il sera « développer fortement la recherche partenariale entre la recherche publique et celle des entreprises, dans un processus de co-production de connaissances et de technologie. Plus généralement, les petites et moyennes entreprises (PME) devront avoir un plein accès aux ressources de la recherche publique ; elles deviendront des acteurs à part entière des grands projets coopératifs industriels. »
Concernant les écoles doctorales, le texte prévoit qu’elles devront « renforcer leurs liens avec le monde économique » et que « la participation aux écoles doctorales des acteurs de la recherche et du développement (R&D) des entreprises sera renforcée ».
Une amplification d’une recherche financée par projets au détriment de la recherche à long terme, en particulier de la recherche fondamentale
La part des financements par projets, effectués via l’Agence Nationale de la Recherche, créée récemment, devrait atteindre 6,2 % de l’effort public de recherche en 2010. Or avec ce type de financements sur projets de trois ans, la recherche fondamentale qui s’inscrit nécessairement dans la durée risque d’en pâtir. Il y a également le risque que des secteurs de recherche jugés non prioritaires par l’ANR manquent de financements.
Une mise en concurrence des organismes de recherche et d’enseignement supérieur et un système universitaire à plusieurs vitesses
Le projet de loi crée « dans la même logique » que les pôles de compétitivité, « des pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) ». Leur logique est de « permettre d'attirer étudiants, chercheurs, enseignants, et de figurer en tête dans les classements comparatifs »… Ces PRES associeront « établissements publics ou privés de recherche ou d'enseignement supérieur […] dans une logique de coordination des activités et de mutualisation des moyens », on aboutira ainsi à ce les chercheurs, les enseignants-chercheurs, et les étudiants soient mis aux pas des besoins patronaux, et plus grave à une lise en concurrence des établissements pour être en tête dans les classements, au détriment de la coopération qui devrait être la règle entre eux.
Comme le dénonce la Fédération CGT de l’Education de la Recherche et de la Culture (FERC-CGT) dans un tract tiré en janvier 2006 : « Cette logique élitiste d’excellence réserve la Recherche de haut niveau ou de niveau international à des PRES dédiés aux étudiants de 3è cycle. C’est condamner les "universités hors PRES" à ne plus pouvoir adosser leurs formations à la Recherche et à se contenter d’une offre de Formation aux niveaux Licence et, éventuellement, MASTER. On voit ainsi réapparaître le projet d’un certain DEVAQUET, il y a 20 ans, des Collèges Universitaires. »
De nouveaux cadeaux financiers pour le patronat
Les aides accordées aux entreprises qui emploient des doctorants et des post-doctorants seront amplifiées. Les avantages fiscaux vont également être multipliés. Ainsi, « la réduction d'impôt sur le revenu accordée au titre de la souscription de parts de fonds communs de placement dans l'innovation (FCPI) sera prorogée de quatre ans ». « Toute entreprise pourra déduire de son impôt sur les sociétés, dans la limite de 2,5 % de l'impôt dû, 25 % des investissements au capital de PME qu'elle aura effectués entre le 26 mars et le 31 décembre 2005. » Egalement, « toute entreprise pourra déduire de son impôt sur les sociétés, dans la limite de 2,5 % de l'impôt dû, 65 % des versements qu'elle aura effectués au profit d'établissements publics de recherche ou d'enseignement supérieur entre le 26 mars et le 31 décembre 2005. » Comme on peut le constater, cela s’adresse en particulier au grand patronat et aux actionnaires…
Par ailleurs, « afin d'orienter durablement l'industrie nationale vers des secteurs à forte intensité technologique, des « programmes mobilisateurs pour l'innovation industrielle » de grande envergure seront lancés […], ces programmes favoriseront l'émergence de nouvelles activités à fort contenu technologique chez les grands acteurs industriels ». Ces programmes destinés aux grandes entreprises seront financés par les deniers publics…
« Afin de soutenir l'effort des PME en matière de recherche et d'innovation, l'État renforcera ses dispositifs classiques d'incitation à la R&D, qu'il s'agisse d'exonérations fiscales tel le crédit d'impôt recherche ou d'aides au financement de projets. À ce titre, les moyens d'intervention d'Oséo-Anvar consacrés à l'innovation seront doublés et le taux en volume du crédit d'impôt recherche sera porté à 10 %. » Ainsi, le pourcentage des avantages fiscaux dans l’effort public de recherche va passer de 3,4 % en 2004 à 7,1 % en 2010, soit plus qu’un doublement, cela sans la moindre condition pour le privé.
« Enfin, une part importante des crédits de l'ANR [Agence Nationale de la Recherche] sera consacrée aux projets de recherche conduits en partenariat, notamment dans le cadre des réseaux de recherche et d'innovation technologique. » Eh oui !, via ces partenariats, ce sont aussi des crédits qui vont aller dans la poche des entreprises… Déjà, selon le directeur de l’ANR, M. Gilles Bloch, auditionné par le Sénat le mardi 29 novembre 2005, « 100 millions des 540 millions de financement accordés par l'ANR avaient bénéficié à des entreprises ». Les entreprises vont également bénéficier des crédits de l’AII, l’Agence pour l’Innovation Industrielle, dont les crédits seront de un milliard d’euros d’ici 2010.
En 2006, 75% des financements publics seront des aides à la recherche privée.
Les autres points
Ce pacte va également mettre les chercheurs en concurrence les uns avec les autres via l’augmentation des primes au mérite, et les bourses Descartes qui seront accordés à quelques jeunes chercheurs jugés les plus excellents.
Ensuite, « le projet de loi donne un cadre juridique à la délégation par des établissements d'enseignement supérieur et de recherche de leurs activités de recherche sous contrat à des établissements de droit privé. »
Par ailleurs, il y aura également plus de précarité pour le personnel, avec l’augmentation du recours aux CDD, via les PRES qui pourront embaucher comme le privé, et via l’ANR qui « générera près de 3000 CDD sur fonds publics dès la fin 2006, et de l’ordre de 5000 à la fin 2007 » selon la FERC-CGT.
Enfin, selon un rapport du Sénat sur ce projet de loi, « la part des moyens affectés à la recherche publique et aux universités, par rapport au PIB, baissera ».
Il nous faut revendiquer face à ces attaques :
· La titularisation de tous les précaires de la recherche et de l’enseignement supérieur ;
· Une évaluation fondée avant tout sur la qualité de la recherche et sur l’entraide ;
· Une augmentation des postes dans la recherche publique d’au moins 5 000 par an et en statut de fonctionnaires ;
· Une revalorisation des salaires ;
· L’abrogation des pôles de compétitivité qui associent public et privé ;
· La restitution des aides accordées au patronat sur fonds publics qui génèrent surtout des effets d’aubaine au lieu d’accroître la part de recherche et développement dans le budget des entreprises, et leur affectation à la recherche publique.
Manifestons le 28 février pour le retrait pur et simple de ce pacte « pour » la recherche !
Ligue des Conseillistes de France – http://conseillisme.info - contact(a)conseillisme.info
Pour en savoir plus, nous avons publié un document d'analyse disponible sur notre site, dans la rubrique "Documents" > "Analyses de textes gouvernementaux".