
Fin de la partie de poker menteur
Sur le dossier retraites, Raffarin, joue depuis plusieurs mois une partie de poker menteur. Il va désormais devoir abattre ses cartes. C'est l'heure de vérité pour le gouvernement, dans un contexte économique particulièrement difficile.
Obsédé par la hantise d'un nouveau décembre 1995, Raffarin tente d'éviter le sort de son prédécesseur Juppé. Son objectif est bien une attaque globale contre la Sécurité sociale, mais la "méthode" est différente. Résumé des trois commandements de Raffarin :
1. Etaler et segmenter la réforme pour la faire "avaler" plus facilement. Juppé avait préparé dans le plus grand secret une réforme globale s'attaquant à l'ensemble de la Sécurité sociale (retraites et maladie) puis tenté de l'imposer par surprise. Raffarin et son équipe préparent le terrain depuis des mois par un véritable "pilonnage d'artillerie" médiatique, tout en échelonnant leurs projets dans le temps, quitte à calmer l'impatience des "godillots" de la chambre "bleu CRS". Il s'agit de régler le sort des retraites avant l'été puis de s'attaquer à l'assurance maladie à l'automne, à l'occasion du vote de la loi de financement de la Sécurité sociale. L'espoir du gouvernement est ainsi de limiter les réactions de rejets qui avaient débouché sur décembre 1995
2. Tenter de créer un consensus avec les "partenaires sociaux" sur la "nécessaire" réforme pour "sauver" les retraites. De ce point de vue, le gouvernement ne fait que s'inspirer de la "méthode Jospin" à l'époque du rapport Charpin. "Notre méthode sera aussi ouverte que nos partenaires le souhaiteront. Je pars du principe qu'entre interlocuteurs responsables et également soucieux de l'avenir de nos retraites, de nombreux points d'accord peuvent être dégagés si chacun y met du sien", proclamait Raffarin le 3 février dans son intervention au Conseil économique et social. Comme son prédécesseur, Raffarin tente de faire admettre le "diagnostic partagé" selon lequel l'accroissement du nombre de personnes de plus de 60 ans constituerait un "problème" menaçant l'avenir même des retraites. Dès lors les gens "responsables" ne pourraient aboutir qu'à des propositions "constructives" : diminuer le niveau des retraites, prolonger la durée de cotisation et favoriser ainsi, pour ceux qui en auront les moyens, la mise en place de fonds de pension ou autre épargne salariale.
3. Retarder le plus possible l'annonce des mesures concrètes... tout en affichant les objectifs à atteindre. Alors que les mesures en préparation sont connues de tous depuis des mois, le gouvernement prétend que rien n'est décidé et que tout est à débattre. Dernier exemple en date de ce modèle d'hypocrisie : l'interview de Raffarin aux Echos le 17 mars dernier. Au journaliste qui rappelle ce que tout le monde sait - "Vos intentions sont, en fait, connues : un allongement de la durée de cotisation du secteur public de 37,5 à 40 ans avant, plus tard, que ce chiffre augmente pour le privé comme le public..." -, Raffarin ose répondre sans rire : "Vous allez trop vite. Le dossier n'est pas arbitré, le gouvernement travaille. Ce que nous voulons, c'est un rendez-vous de justice que les Français acceptent. Mais il faut définir son contenu et son calendrier. Il y a, aujourd'hui, beaucoup d'inégalités à corriger. Vous pouvez formuler des pronostics, je peux avoir des convictions, mais il faut respecter le dialogue social. Avec François Fillon, Jean-Paul Delevoye et les syndicats, nous y sommes très attachés. A ce stade, les seules orientations connues sont celles que j'ai annoncées le 3 février au Conseil économique et social. Tout le reste est ouvert à la discussion."
Le bluff et l'esbrouffe ont permis au gouvernement de gagner du temps, en profitant de la veulerie des directions syndicales confédérées qui se sont prêtées pendant des semaines à cette comédie pour aujourd'hui dénoncer les projets du gouvernement (à l'exception de la CFDT).La partie de poker menteur est désormais terminée et le gouvernement est contraint d'abattre ses cartes, d'annoncer clairement le contenu de sa "contre-réforme", alors que la journée du 3 avril devrait démontrer les possibilité d'un mouvement d'ensemble des salariés sur la question.
Jean-Claude Delavigne.
Sur le dossier retraites, Raffarin, joue depuis plusieurs mois une partie de poker menteur. Il va désormais devoir abattre ses cartes. C'est l'heure de vérité pour le gouvernement, dans un contexte économique particulièrement difficile.
Obsédé par la hantise d'un nouveau décembre 1995, Raffarin tente d'éviter le sort de son prédécesseur Juppé. Son objectif est bien une attaque globale contre la Sécurité sociale, mais la "méthode" est différente. Résumé des trois commandements de Raffarin :
1. Etaler et segmenter la réforme pour la faire "avaler" plus facilement. Juppé avait préparé dans le plus grand secret une réforme globale s'attaquant à l'ensemble de la Sécurité sociale (retraites et maladie) puis tenté de l'imposer par surprise. Raffarin et son équipe préparent le terrain depuis des mois par un véritable "pilonnage d'artillerie" médiatique, tout en échelonnant leurs projets dans le temps, quitte à calmer l'impatience des "godillots" de la chambre "bleu CRS". Il s'agit de régler le sort des retraites avant l'été puis de s'attaquer à l'assurance maladie à l'automne, à l'occasion du vote de la loi de financement de la Sécurité sociale. L'espoir du gouvernement est ainsi de limiter les réactions de rejets qui avaient débouché sur décembre 1995
2. Tenter de créer un consensus avec les "partenaires sociaux" sur la "nécessaire" réforme pour "sauver" les retraites. De ce point de vue, le gouvernement ne fait que s'inspirer de la "méthode Jospin" à l'époque du rapport Charpin. "Notre méthode sera aussi ouverte que nos partenaires le souhaiteront. Je pars du principe qu'entre interlocuteurs responsables et également soucieux de l'avenir de nos retraites, de nombreux points d'accord peuvent être dégagés si chacun y met du sien", proclamait Raffarin le 3 février dans son intervention au Conseil économique et social. Comme son prédécesseur, Raffarin tente de faire admettre le "diagnostic partagé" selon lequel l'accroissement du nombre de personnes de plus de 60 ans constituerait un "problème" menaçant l'avenir même des retraites. Dès lors les gens "responsables" ne pourraient aboutir qu'à des propositions "constructives" : diminuer le niveau des retraites, prolonger la durée de cotisation et favoriser ainsi, pour ceux qui en auront les moyens, la mise en place de fonds de pension ou autre épargne salariale.
3. Retarder le plus possible l'annonce des mesures concrètes... tout en affichant les objectifs à atteindre. Alors que les mesures en préparation sont connues de tous depuis des mois, le gouvernement prétend que rien n'est décidé et que tout est à débattre. Dernier exemple en date de ce modèle d'hypocrisie : l'interview de Raffarin aux Echos le 17 mars dernier. Au journaliste qui rappelle ce que tout le monde sait - "Vos intentions sont, en fait, connues : un allongement de la durée de cotisation du secteur public de 37,5 à 40 ans avant, plus tard, que ce chiffre augmente pour le privé comme le public..." -, Raffarin ose répondre sans rire : "Vous allez trop vite. Le dossier n'est pas arbitré, le gouvernement travaille. Ce que nous voulons, c'est un rendez-vous de justice que les Français acceptent. Mais il faut définir son contenu et son calendrier. Il y a, aujourd'hui, beaucoup d'inégalités à corriger. Vous pouvez formuler des pronostics, je peux avoir des convictions, mais il faut respecter le dialogue social. Avec François Fillon, Jean-Paul Delevoye et les syndicats, nous y sommes très attachés. A ce stade, les seules orientations connues sont celles que j'ai annoncées le 3 février au Conseil économique et social. Tout le reste est ouvert à la discussion."
Le bluff et l'esbrouffe ont permis au gouvernement de gagner du temps, en profitant de la veulerie des directions syndicales confédérées qui se sont prêtées pendant des semaines à cette comédie pour aujourd'hui dénoncer les projets du gouvernement (à l'exception de la CFDT).La partie de poker menteur est désormais terminée et le gouvernement est contraint d'abattre ses cartes, d'annoncer clairement le contenu de sa "contre-réforme", alors que la journée du 3 avril devrait démontrer les possibilité d'un mouvement d'ensemble des salariés sur la question.
Jean-Claude Delavigne.