(Le Monde @ 19 janvier 2006 a écrit :L'autorité américaine des marchés souhaite plus de transparence sur les revenus des patrons
NEW YORK CORRESPONDANT
En prenant sa retraite, Jack Welch, le PDG historique de General Electric, a conservé le droit d'utiliser les avions de la société, a continué à occuper un appartement à New York — d'un loyer de 50 000 dollars par mois (41 400 euros) — et a obtenu de nombreux autres avantages, évalués à 2,5 millions de dollars par an. Il a fallu une procédure de divorce pour que ces "détails" deviennent publics.
Il ne s'agit pas d'un cas isolé. Michael Ovitz, ancien patron de Walt Disney, a reçu 130 millions de dollars d'indemnités après avoir été limogé — ce qui a amené des actionnaires à lancer une procédure judiciaire contre le conseil d'administration.
L'ancien président de Delta Airlines, Ronald Allen, est de son côté resté consultant de l'entreprise en quittant ses fonctions, et ce pour 500 000 dollars par an. De plus, cette rémunération sera toujours payée à son épouse s'il décède le premier.
Le directeur général de Morgan Stanley, Phillip Purcell, avait, lui, obtenu une augmentation de salaire de 45 % en 2004 tandis que les bénéfices de la banque progressaient dans le même temps de 18 %. M. Purcell a, depuis, été contraint de démissionner. Il a alors touché une indemnité de 44 millions de dollars et 62 millions supplémentaires sous la forme d'actions de la société et de droits à la retraite.
Ces exemples parmi d'autres — avec en toile de fond les scandales comptables Enron, Worldcom, Tyco, AIG — ont révolté les actionnaires, les fonds de pension et les Américains en général.
Cela a conduit la SEC (Securities Exchange Commission), l'autorité américaine des marchés, et son nouveau patron, Christopher Cox, à vouloir contraindre les entreprises américaines cotées à une totale transparence des rémunérations de leurs dirigeants.
Les cinq commissionnaires de la SEC ont voté à l'unanimité, mardi 17 janvier, en faveur d'un projet de réforme. Ce dernier doit maintenant être soumis aux commentaires publics, étape indispensable pour qu'il soit adopté en 2006 et qu'il entre en vigueur en 2007.
"Parce qu'une grande partie des rémunérations des dirigeants n'a rien à voir avec leurs salaires, comme les versements d'actions étalés dans le temps ou les pensions, une part croissante des revenus des dirigeants échappait à la connaissance publique", explique M. Cox.
L'organisation Business Roundtable, qui représente les plus grandes sociétés américaines, s'est dite "très favorable à une plus grande transparence".
Selon les règles que veut fixer la SEC, les entreprises cotées devront publier le total annuel des rémunérations de leurs cinq dirigeants les mieux payés, en précisant les divers avantages dont ils bénéficient sous forme d'actions, de stock-options et de compléments de retraite.
NIVEAUX INJUSTIFIÉS
Cela devrait permettre de comparer les performances des sociétés et l'évolution dans le même temps des rémunérations de leurs dirigeants. Les entreprises devront aussi donner les critères retenus pour fixer les rémunérations des patrons et ceux servant à juger leurs performances.
La SEC veut également que soient publiées les indemnités, ou parachutes dorés, dont bénéficient les patrons en cas de licenciement. Enfin, pour la première fois, les administrateurs devront aussi rendre publics l'ensemble des revenus et avantages dont ils bénéficient.
William Donaldson, précédent président de la SEC, contraint à la démission en juin 2005 sous la pression des grandes entreprises, qui le trouvaient trop agressif, avait plusieurs fois déclaré que les rémunérations des dirigeants d'entreprise avaient atteint des niveaux injustifiés. En moyenne, le patron d'un des 2 000 plus grands groupes américains a gagné 2,5 millions de dollars en 2004, contre 1, million cinq ans auparavant.
M. Cox, présenté comme plus conciliant lors de sa nomination à la tête de la SEC, semble décidé à suivre son prédécesseur et faire baisser les rémunérations excessives. Il estime, comme M. Donaldson, que le meilleur moyen pour y parvenir consiste simplement à les dévoiler.
Eric Leser
Primes de fin d'année records à Wall Street
Les banquiers d'affaires et les courtiers ont engrangé des bonus records en 2005 à Wall Street, au-delà des niveaux exceptionnels atteints en 2000 avant l'éclatement de la bulle spéculative, selon des données publiées, vendredi 13 janvier, par l'Etat de New York.
Les primes perçues par le secteur de la finance — qui s'ajoutent aux salaires — s'y sont élevées à 21,5 milliards de dollars (17,8 milliards d'euros) en 2005, devant les 19,5 milliards de 2000, indique l'administration des finances de cet Etat. Un banquier travaillant à Wall Street a ainsi touché en moyenne, en 2005, un bonus de 125 500 dollars (104 000 euros).
"Cette industrie a versé des primes records en raison d'une croissance exceptionnelle de ses revenus", a souligné le contrôleur général de l'Etat, Alan Hevesi, ajoutant que ces bonus procureront des recettes fiscales d'environ 2 milliards de dollars à l'Etat de New York. (AFP.)