compte rendu parhacktivist new service
Samedi 22 mars, 3000 à 4000 personnes manifestent contre la guerre déclenchée en Irak 48 heures auparavant. Vers 16 heures, en fin de manifestation, le cortège passe devant un Mac Do situé sur l'artère principale de la ville, le boulevard de Strasbourg. Au son de « Mac Do, collabo ! », deux à trois oeufs frais frappent chirurgicalement les vitrines du fast-food. Yann, un de nos sympathisants, partie prenante de la salve ovipare, se fait aussitôt attraper violemment, plaqué avec force contre la porte d'un immeuble voisin et menotté par des membres de la BAC, notoirement connus à Toulon pour leurs relents quasi-fascistes.
Notre camarade est amené et embarqué dans une voiture banalisée. Une partie des manifestants réagit et encercle la voiture. Celle-ci est bousculée, la tension monte. Quelques flics - CRS, motards - arrivent en renfort afin de dégager le véhicule de la BAC et lui permettre de partir amener l'interpellé au commissariat. Bousculades, coups de matraque (sur, entre autres, une personne âgée), slogans tels que « libérez notre camarade », « libérez-le », « police partout, justice nulle part ». La tension monte. Au bout d'une ? heure, voire <= d'heure, la police cède et libère notre compagnon. Dans la confusion, nous mettrons quand même d'heure à mettre la main dessus, craignant qu'il ne fut serré discrètement peu après, loin des yeux de la foule désormais apaisée. Finalement, il était bel et bien libre et nous le retrouvons un peu plus tard.
Au moment de la confrontation entre police et manifestants, un jeune « beur », qui ne participait pas à la manifestation, s'approche, curieux de voir ce qui se passe. Il est pris à partie par un flic, essaiera de s'enfuir, pour finir interpellé de manière musclée (avec coups sur le ventre) et embarqué un peu plus loin.
Samedi soir, 21 heures, des policier passent à l'adresse de Yann (chez ses parents) et y déposent une convocation au commissariat central de Toulon pour le lendemain, dimanche 23, 14 h. A quatre personnes, nous l'y accompagnons. Les policiers nous disent que notre présence est inutile et qu'attendre ne sert à rien, vu que l'interrogatoire peut être long. Nous partons et, un peu plus tard, apprenons par sa mère que Yann est gardé à vue. Laborieusement, nous arrivons à contacter la LDH pour avoir des conseils et trouver un avocat en cas de procès.
Yann passe en « comparution immédiate » lundi 24 mars, à partir de 14 heures. Une avocate de la LDH assure sa défense. Il est accusé de « rébellion et incitation à l'émeute ». Il aurait blessé un policier au pouce et appelé la foule à le soustraire à son arrestation en criant « libérez-moi ». Yann reconnaît avoir lancé quelques coups de pieds dans tous les sens alors qu'il se trouvait dans une situation très stressante et inconfortable : tiré d'un côté par des manifestants qui avaient réussi à le sortir de la voiture, et tiré de l'autre côté par les menottes par les flics pour le remettre dans la voiture. Stress, douleur intense aux poignets, on comprend la panique et la volonté de se dégager. Yann ne reconnaît pas l'accusation de coups volontaires sur des policier, ni celle d'avoir incité les manifestants à le libérer. Au contraire, il a essayé de les dissuader de le faire, craignant de subir les conséquences de la colère policière suite à la résistance de la foule devant la violence démesurée des « forces de l'ordre » face à ce qui ne fut qu'un jet d'oeuf.
De toute façon, quoiqu'il ai pu dire Yann, il était impossible d'entendre quoique ce soit. Il est clair que les manifestants ont soutenu spontanément un des leurs face à l'arbitraire policier. Des personnes, outrées, fustigeaient les pratiques de la « police républicaine » dignes de soudards dont elles n'imaginaient pas l'existence dans « notre » « douce France ». Et oui, les « bons citoyens » peuvent aussi finir embarqués, gardés à vue, et se retrouver face à un tribunal en moins de 48 heures. Il serait temps qu'ils s'en rendent compte et qu'ils saisissent que les lois sécuritaires menacent la liberté de tous. Libertés se réduisant comme peau de chagrin. Les policiers se sont portés partie civile. Leur avocat dénonce le fait que « force n'est pas restée à la loi », les policiers ayant dû libérer un interpellé sous la pression d'une « bande de sauvages » (sic). Il demande un euro de dommages et intérêts. L'avocat général explique que « l'Etat a été mis en danger » dans une « démocratie qui ne peut pas exister sans ordre ». Il réclame un an d'emprisonnement dont quatre mois fermes. L'avocate réfute les accusations de « rébellion » et « incitation à l'émeute ».Elle demande la relaxe pure et simple.
Après délibération, le tribunal reconnaît Yann coupable des faits qui lui sont reprochés et lui propose 240 heures de travaux d'intérêts généraux à effectuer dans les 18 mois, étant donné qu'il « a du temps libre, puisqu'il fait des longues randonnées le samedi » et qu'« une activité non rémunéré pendant ses loisirs [lui] évitera de déraper ». Le président précise que les TIG ne sont pas obligatoires, puisque « les travaux forcés n'existent pas en France ». Effectivement, ils peuvent être refusés... au risque de s'exposer à une peine bien plus contraignante. Jeu très dangereux si le procureur demande de la prison ferme, ce qui était le cas. Yann accepte, et se voit condamné à « un an d'emprisonnement sursis à 240 heures de travaux d'intérêt général à effectuer dans les 18 mois, un euro de dommages et intérêts pour la partie civile, et 300 euros pour les frais d'avocat de cette dernière ». Le jeune arrêté aussi lors de la bousculade police/manifestants est condamné à la même peine, sauf les 300 euros d'amende.
Notons que le président du tribunal demande aux prévenus s'ils veulent être jugés le jour même ou ultérieurement. Décision difficile à prendre. Etre jugé de suite peut avoir pour conséquence le manque de temps pour assurer sa défense. Reporter le jugement peut impliquer le maintient en détention jusqu'au jour du nouveau procès. Si un oeuf peut ainsi faire perdre leur sang froid aux flics et avoir de telles conséquences, il faudra s'attendre à des interpellations et comparutions immédiates devant un juge quasiment de manière continue. La « démocratie » a une sale gueule, et sa « justice » mauvaise haleine.
Outre les 300 euros que Yann doit payer, les frais d'avocats se montent à 638 euros. Toute solidarité sera la bienvenue.