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Message Publié : 17 Oct 2005, 15:16
par faupatronim
(Le Monde @ 17 octobre 2005 a écrit :Les victimes de l'amiante ont défilé à Paris pour dénoncer une "injustice de classe"




Il est parti un matin d'été, sans crier gare, alors qu'il campait près de la rivière où il aimait pêcher. Une crise cardiaque a mis un terme à ses souffrances, aux douleurs provoquées par ses poumons durcis par les fibres d'amiante, aux crises d'étouffement incessantes qui l'épuisaient.

Robert Mannessier est mort le 22 août, à 54 ans, après plus de trente années passées dans l'industrie sidérurgique à réparer, sans masque ni protection, des fours à coke emplis d'amiante. Sa femme, Martine, et ses deux filles, Marie-Cécile et Marie-Laure, n'ont que leur dignité à opposer à la fatalité. "Il disait qu'il en avait marre de souffrir et qu'il avait été empoisonné sans le savoir, raconte sa veuve. Je lui ai promis sur son lit de mort qu'il aurait justice."

Christian Ryckewaert, Guy Marcant, Jean-Claude Ameele, René Lievin, Jean Minne... Graves ou souriants, les visages de ces anciens ouvriers des chantiers navals de Dunkerque (Nord) dansent sur les pancartes brandies par leurs veuves, en tête de la manifestation qui a réuni, samedi 15 octobre à Paris, plusieurs milliers de victimes de l'amiante et de leurs proches. Répondant à l'appel de l'Association nationale de défense des victimes de l'amiante (Andeva), 5 000 personnes selon les organisateurs, 2 000 selon la police, ont défilé de la place Saint-Augustin à la place Vendôme, devant le ministère de la justice, pour réclamer l'ouverture d'un procès pénal.

"DÉSINTÉRT MANIFESTE"

Jusqu'ici dispersées sur tout le territoire, une trentaine de plaintes ont été regroupées aux pôles judiciaires de santé publique de Paris et de Marseille depuis le printemps, mais les dossiers sont toujours au point mort. "Nous ressentons une injustice de classe dans ce désintérêt manifeste pour ces ouvriers qui perdent leur vie à la gagner, a clamé François Desriaux, président de l'Andeva. Nous n'attendrons pas encore dix ans, à raison de 3 000 morts par an, pour que les responsables de cette catastrophe sanitaire répondent en justice."

Venus de Marseille ou de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), du Havre ou de Toulon, les travailleurs exposés à l'amiante vivent tous le désarroi d'avoir été trompés, après avoir manipulé pendant des années une fibre dont ils ignoraient l'effet cancérigène. Regard bleu fixé au loin, grand et massif malgré la canne sur laquelle il s'appuie, Maurice Hamel était soudeur dans les sous-marins de la direction de la construction navale (DCN), à Cherbourg (Manche). Après vingt-neuf ans de travail à la DCN, l'amertume a pris le pas sur la fierté quand les médecins de la marine nationale ont refusé d'admettre que ses essoufflements étaient dus à l'amiante.

"On m'a dit que c'était parce que j'étais trop gros" , raconte-t-il avec écoeurement. Depuis, des plaques pleurales ont été détectées sur ses poumons, et il a vu beaucoup de ses collègues mourir. "On croyait que l'amiante nous protégeait du feu, c'était tout le contraire, se souvient-il. Il fallait voir, quand on soudait tous en même temps, tout cet amiante qui volait autour de nous..."

"On en veut aux patrons parce qu'ils savaient et qu'ils ont toujours fait passer le profit au détriment de la santé des gars." Casquette vissée sur la tête, Claude Fonvieille, 61 ans, a fabriqué pendant vingt-sept ans des tuyaux dans l'usine d'Albi d'Eternit, l'un des principaux fabricants d'amiante-ciment. "On n'a pas cessé de nous mentir, dit-il. En 1977, les patrons ont supprimé l'amiante bleu en nous disant qu'il était devenu trop cher alors que, en fait, c'était parce qu'il était trop dangereux. En 1984, ils nous ont donné des masques jetables, qu'on ne devait changer qu'une fois par semaine. Ensuite, ils ont installé des aspirateurs partout dans l'usine. Et enfin, juste avant l'interdiction de l'amiante, en 1997, ils ont exporté leurs stocks au Portugal... "

Comme beaucoup de travailleurs qui ont été exposés à l'amiante, Claude Fonvieille se sent en sursis. Il a été choqué par la vision de deux de ses proches collègues, "des gaillards bien portants" , emportés par la maladie en quelques semaines alors qu'ils ne pesaient plus qu'une quarantaine de kilos. Pour le moment, les médecins n'ont rien décelé sur ses poumons, mais il vit en permanence avec l'idée que le mésothéliome (cancer de la plèvre) pourrait lui "tomber dessus" . "A chaque fois qu'on entend un cas, on a le moral à zéro, à chaque rhume on se demande ce que c'est, on est toujours sur le qui-vive, ça agit sur le tempérament, explique-t-il. On se dit : J'ai travaillé pourquoi ? Pour avoir combien de temps à vivre ?"

La vie de Joël Petit, elle, s'est arrêtée à 47 ans. C'était en avril 2000, après une longue agonie qui "l'a anéanti totalement" . Electromécanicien, Joël Petit travaillait chez Nestlé, à Beauvais, où il réparait les joints des frigos en pleine nuit, en utilisant l'amiante à pleine main. "Mon père coupait, sciait, meulait l'amiante et travaillait sans protection ni masque" , raconte Sonia, une jolie jeune femme de 23 ans.

Avec sa mère, Nelly, Sonia est venue réclamer que "le gouvernement bouge un peu pour que les responsables de cet empoisonnement soient punis". "On veut être fortes en mémoire de lui, pour que plus personne ne vive ce qu'il a vécu, affirme Nelly, les larmes aux yeux. Il avait 47 ans et avait encore largement de quoi vivre."

Cécile Prieur

Message Publié : 17 Oct 2005, 17:27
par Crockette
Rappelons nous que des années 80 jusqu'en 1995, les patrons avaient financé une commission chargée d'étudier les risques de l'amiante sur la santé des travailleurs.

Pas la peine de vous dire qu'avec le laxisme de la médecine du travail combinée à l' hypocrisie capitaliste de "marche ou crève", cette commission a mis toute son énergie à faire de la désinformation, à atténuer ou modifier certaines études...


On pourra demain peut être avoir le même scandale avec les effets des ondes des téléphones portables sur nos cellules...