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Message Publié : 30 Sep 2005, 11:09
par faupatronim
(Libération @ vendredi 30 septembre 2005 a écrit :Les accusations de Michel Josserand irritent les marchands d'armes Thales et EADS.

Comme une odeur de poudre



Par Karl LASKE et Renaud LECADRE


coup double. Licencié pour faute lourde par Thales en 2004, Michel Josserand, l'ancien patron de Thales Engineering and Consulting (Thec), est sur le point d'être débarqué d'EADS, où il avait trouvé refuge. Mis en examen en avril 2005 pour «corruption» dans l'affaire du tramway de Nice, il a, depuis, multiplié les déclarations fracassantes sur son ancien employeur ­ devant des magistrats niçois puis récemment au journal le Monde ­, en accusant Thales de nombreuses turpitudes planétaires : violation de l'embargo en Irak, pot-de-vin à un ministre grec, copinage avec la Délégation générale de l'armement... L'affaire niçoise ­ 90 000 euros versés à Dominique Monleau, adjoint au maire UMP ­ est ramenée à de plus justes proportions.

Confesse. Josserand a passé trois mois en prison au printemps dernier. Le 15 mai, il était extrait de sa cellule pour une déposition-fleuve dans le bureau du procureur adjoint Gilles Accomando (lire ci-contre). Durant cinq jours, l'ex-PDG de Thec confesse tout ce qu'il a pu voir ou entendre. «Une simple reprise de toutes les rumeurs fantaisistes de radio moquette», grince un dirigeant de Thales.

L'affaire Josserand a immédiatement relancé la vieille hostilité entre les deux vendeurs d'armes rivaux, EADS et Thales. Ce dernier soupçonnant le premier de fomenter une OPA hostile avec la complicité de l'Etat. Or Josserand quitte Thales en décembre 2004 et rejoint EADS début 2005, soit quelques semaines seulement après la tentative avortée de prise de contrôle d'EADS sur Thales.

L'interview de Michel Josserand, mardi dans le Monde, a forcé les deux marchands de canons à réagir en vitesse : Thales en portant plainte pour diffamation et EADS en annonçant l'ouverture d'une procédure de licenciement. Outre qu'elles pouvaient sembler peu confraternelles, les déclarations de Josserand mettent à mal toute l'industrie française de l'armement, qui prétend s'être mise en conformité avec la loi française qui prohibe, depuis juin 2000, tout versement à des agents publics étrangers en vue de l'obtention d'un contrat. «J'estime que Thales doit verser en commissions illégales entre 1 et 2 % de son chiffre d'affaires», a déclaré Josserand. Et de mettre en cause la structure Thales International (Tint) comme le centralisateur des versements occultes. «Payer des commissions à un intermédiaire qui fournit une vraie prestation, c'est légal, rétorque un dirigeant de Thales. Ce qui est banni, c'est la corruption de fonctionnaires. Le rôle de Tint est précisément de sélectionner les intermédiaires pour éviter les paiements générant une corruption.» Dans l'affaire du tramway niçois, Thales reproche justement à Josserand d'avoir viré des fonds via Gibraltar sans en référer à Tint : «Il a méconnu toutes les procédures internes.»

Synthèse. Ses procès-verbaux continuent toutefois leur bout de chemin. Le parquet de Paris a choisi d'ouvrir une enquête préliminaire. Dans son rapport de synthèse, Jean-Claude Marin, procureur de la République, a conclu à la nécessité de l'ouverture d'une information judiciaire... «après vérifications». «Ils avaient, dans ce que nous leur avions transmis, de quoi aller plus vite et ouvrir, par exemple, des enquêtes de flagrance», regrette un magistrat niçois.