Page 1 sur 1

Message Publié : 21 Mars 2003, 15:45
par emman
Libération, 20 mars

a écrit :
Le rapport qui enterre la Sécu

Il préconise une plus large prise en charge des dépenses de santé par le privé.
 
«Sous couvert de réformes, ce sont les seules exigences européennes qui ont dicté la réflexion du rapporteur.» Jean-Claude Mallet, ancien président de la Cnam    a bonne vieille assurance-maladie, après 58 ans de bons et loyaux services, va-t-elle être fondue dans une Couverture maladie généralisée ? C'est ce que propose le rapport confié par le ministre de la Santé à Jean-François Chadelat, inspecteur général des affaires sociale (Igas).

La version provisoire de ce document d'une trentaine de pages, qui sera officiellement remis début avril après d'ultimes retouches, a été une dernière fois discutée par les membres du «groupe de travail» chargé de définir une nouvelle frontière entre l'assurance maladie obligatoire et les couvertures complémentaires : mutuelles, prévoyance d'entreprise ou assureurs privés. Mais déjà l'idée d'une Couverture maladie généralisée (CMG) a provoqué une levée de bouclier de certains syndicats, en particulier de Force ouvrière, qui y voit «une provocation à l'encontre des assurés sociaux». L'idée est simple : étendre le principe de la CMU (couverture maladie universelle), afin que tous les gens aux revenus modestes aient droit à une prise en charge totale ou partielle de leur complémentaire-santé. Sous condition de ressources, le rapport Chadelat préconise «une aide à l'achat de l'assurance maladie complémentaire de base».

«Chèque-santé». Aujourd'hui, la CMU bénéficie à quatre millions et demi de personnes, celles dont les revenus sont inférieurs au minimum vieillesse. Pour la très grande majorité d'entre elles, la CMU n'apporte qu'une complémentaire gra tuite, puisqu'ils au raient de toute façon, été couverts par la Sécurité sociale de base, soit comme chômeurs, soit comme ayants droit d'un assuré social. Ils bénéficient de la gratuité parce que la CMU mise en place par Martine Aubry prend en charge leur cotisation à une assurance complémentaire.

Pourquoi ne pas faire de même, avec un «chèque-santé» d'un montant dégressif, pour 18 à 20 millions de personnes, propose Jean-François Chadelat dans son rapport. Les plus démunis bénéficieraient toujours de la gratuité totale de leur complémentaire-santé. Pour les autres, la prise en charge serait décroissante, jusqu'à un certain niveau de revenus. Au-delà, les particuliers ne pourraient plus compter, comme aujourd'hui, que sur une éventuelle participation de leur employeur.

La contrepartie de cette prise en charge totale ou partielle de la complémentaire-santé pour un bon tiers de la population serait de confier aux mutuelles et aux assureurs privés une part plus importante des remboursements. L'économie ainsi réalisée par la Sécurité sociale permettra de financer le «chèque-santé» de la CMG. Dans un premier temps, ce système d'assurance maladie à deux étages ne réduirait donc pas le niveau global des remboursements.

Mais le mécanisme, si le gouvernement choisissait de s'en inspirer pour la réforme de la Sécurité sociale promise à l'automne, aurait un avantage énorme : faire financer une part plus importante des dépenses de santé par des cotisations non plus obligatoires, mais facultatives. Avec les conséquences que l'on imagine sur le calcul des déficits publics (lire ci-contre).

«Volonté de privatiser». Ancien président (FO) de la Cnam, Jean-Claude Mallet dénonce à travers ces propositions «une volonté de privatiser une partie de l'assurance maladie». «Sous couvert de réforme, ce sont en définitive les seules exigences européennes qui ont dicté la réflexion personnelle du rapporteur», estime-t-il. La CFTC rejette également en bloc un rapport qui selon la centrale chrétienne «vise à culpabiliser les assurés sociaux» et «ne résoudra rien».

Plus circonspecte, la CFDT ne rejette pas le mécanisme proposé, mais entend poser ses conditions pour sa mise en oeuvre. Elle assure actuellement la présidence de la Cnam. Son avis a donc un certain poids. «Evidemment, on doit prendre acte de ce qu'une partie des garanties de base sont de fait déjà assurées par les complémentaires», rappelle-t-on à la CFDT. Le président de la Cnam, Jean-Marie Spaeth est le premier à rappeler que rien ne pourra se faire sans la mutualité, «puisque 95 % des Français ont une assurance complémentaire qui à 85 % est gérée dans un cadre non-lucratif». Il n'est donc pas hostile à un partage des rôles, du moment que les complémentaires travaillent en partenariat avec la Sécu, et non dans une logique de surenchère commerciale.

«Acteurs pilotes». «Si la Sécurité sociale passe de 70 % à 30 % pour un médicament jugé peu efficace, et que les mutuelles s'empressent de rembourser la différence, elles annulent aussitôt l'effort de régulation des dépenses engagé par le régime de base», souligne un des participants aux réunions de travail. Le rapport Chadelat propose même de confier aux mutuelles un rôle d'«acteurs pilotes», par exemple pour négocier le tarif des lunettes ou des prothèses dentaire.

Une idée qui pourrait séduire la puissante Fédération nationale de la mutualité française (FNMF). Mais elle préfère attendre de voir ce que Jean-François Mattei reprendra des propositions Chadelat. «Un rapport n'engage que celui qui le rédige», rappelle le président de la FNMF, Jean-Pierre Davantl

Par François WENZ-DUMAS