
Article du Monde de ce jour (après c'est en archives on y a plus accès):
"Le futur président du Sénat autrichien défend les nazis "persécutés" après 1945
LE MONDE | 27.04.05 | 14h30 • Mis à jour le 27.04.05 | 14h37
Vienne de notre correspondante
Entre les anciens militants nazis et les déserteurs de la Wehrmacht, le sénateur autrichien Siegfried Kampl n'hésite pas. Il sait qui il faut plaindre : les premiers ont été victimes de "brutales persécutions" après 1945, au moment où les Alliés ont voulu épurer son pays, tandis que les seconds étaient trop souvent, à ses yeux, des "assassins de leurs camarades" de combat.
Ses propos ont créé un certain émoi en Autriche et embarrassent le Parti populaire (ÖVP, chrétien conservateur) du chancelier Wolfgang Schüssel, au pouvoir depuis cinq ans avec le concours de l'extrême droite. M. Kampl doit en effet, à dater du 1er juillet, assumer la présidence du Conseil fédéral, la Chambre haute (Sénat) du Parlement autrichien. Comme la totalité des ministres et la moitié des députés du Parti libéral (FPÖ, extrême droite), cet élu de Carinthie a rejoint la nouvelle Alliance pour l'avenir de l'Autriche (BZÖ), fondée début avril par le populiste Jörg Haider, qui a provoqué une scission dans son propre camp afin de marginaliser l'aile ultranationaliste.
L'affaire Kampl perturbe son opération de "recentrage" politique et devient gênante pour ses alliés conservateurs, qui voulaient croire que le BZÖ serait plus présentable que l'ancien FPÖ : un autre sénateur, John Gudenus, a dû démissionner du FPÖ maintenu, mardi 26 avril, après avoir mis en doute, pour la deuxième fois de sa carrière, l'existence des chambres à gaz et la réalité du génocide des juifs.
Très proche de Jörg Haider, Siegfried Kampl n'a pas craint de dénoncer, dans un entretien à la radio autrichienne, le 19 avril, le traitement "brutal" infligé, à la fin de la guerre, aux anciens nazis. "J'ai vécu personnellement ces persécutions, en tant qu'enfant, quand on est venu chercher mon père -pour l'arrêter- en 1945" , a affirmé M. Kampl, convaincu que "plus de 99 %" de ses compatriotes avaient, à l'époque, adhéré au Parti national-socialiste (NSDAP) d'Adolf Hitler.
Le magazine Profil révèle que le père du sénateur, militant nazi dès 1934, a passé deux ans dans un camp d'internement des forces britanniques : il avait été condamné en vertu d'une loi sur les crimes de guerre pour avoir dénoncé l'une de ses voisines aux autorités du IIIe Reich.
L'Autriche s'apprête à fêter, début mai, le soixantième anniversaire de sa libération par les troupes alliées. Mais, parmi les générations les plus âgées, beaucoup partagent le mépris de M. Kampl pour les déserteurs de la Wehrmacht, considérés comme des"traîtres" .
HAUTES PROTECTIONS
Ce n'est que récemment que l'Eglise catholique, à l'instigation du cardinal Christoph Schönborn, a pris l'initiative d'honorer la mémoire de l'insoumis Franz Jägerstätter, qui avait refusé par conviction religieuse de servir le régime hitlérien. A la différence de l'Allemagne, la République autrichienne n'a jamais totalement réhabilité les déserteurs et les insoumis. L'étude d'une proposition de loi dans ce sens, déposée en 2004 par les Verts (écologistes), a déjà été ajournée à cinq reprises par la majorité de droite, sous la pression du FPÖ.
Les Verts, tout comme les sociaux-démocrates, jugent "intolérable" que, après de telles professions de foi, M. Kampl puisse accéder à la tête d'une des plus hautes institutions du pays, six mois avant que l'Autriche prenne la présidence de l'Union européenne.
Dans un discours prononcé, mardi 26 avril, à la télévision nationale, pour célébrer le soixantième anniversaire de la IIe République autrichienne, le chef de l'Etat, le social-démocrate Heinz Fischer, a rendu hommage à tous ceux qui, dans son pays, ont résisté au système nazi : la victoire militaire des Alliés"n'était pas notre défaite" , a-t-il souligné. Des dirigeants conservateurs ont aussi émis des protestations, mais le chancelier Schüssel a choisi, comme à son habitude, de traiter par le silence le dérapage verbal de M. Kampl.
Malgré les pressions exercées sur lui en coulisses, celui-ci ne montre, pour l'instant, aucune intention de renoncer à son poste, et Jörg Haider hésite à désavouer ce fidèle partisan. Il a même suggéré que le sénateur jouissait de hautes protections dans les milieux catholiques : "Kampl a été reçu deux fois en audience par le pape -Jean Paul II- : il devait quand même être un gars constructif pour arriver jusque-là" , a-t-il déclaré."
"Le futur président du Sénat autrichien défend les nazis "persécutés" après 1945
LE MONDE | 27.04.05 | 14h30 • Mis à jour le 27.04.05 | 14h37
Vienne de notre correspondante
Entre les anciens militants nazis et les déserteurs de la Wehrmacht, le sénateur autrichien Siegfried Kampl n'hésite pas. Il sait qui il faut plaindre : les premiers ont été victimes de "brutales persécutions" après 1945, au moment où les Alliés ont voulu épurer son pays, tandis que les seconds étaient trop souvent, à ses yeux, des "assassins de leurs camarades" de combat.
Ses propos ont créé un certain émoi en Autriche et embarrassent le Parti populaire (ÖVP, chrétien conservateur) du chancelier Wolfgang Schüssel, au pouvoir depuis cinq ans avec le concours de l'extrême droite. M. Kampl doit en effet, à dater du 1er juillet, assumer la présidence du Conseil fédéral, la Chambre haute (Sénat) du Parlement autrichien. Comme la totalité des ministres et la moitié des députés du Parti libéral (FPÖ, extrême droite), cet élu de Carinthie a rejoint la nouvelle Alliance pour l'avenir de l'Autriche (BZÖ), fondée début avril par le populiste Jörg Haider, qui a provoqué une scission dans son propre camp afin de marginaliser l'aile ultranationaliste.
L'affaire Kampl perturbe son opération de "recentrage" politique et devient gênante pour ses alliés conservateurs, qui voulaient croire que le BZÖ serait plus présentable que l'ancien FPÖ : un autre sénateur, John Gudenus, a dû démissionner du FPÖ maintenu, mardi 26 avril, après avoir mis en doute, pour la deuxième fois de sa carrière, l'existence des chambres à gaz et la réalité du génocide des juifs.
Très proche de Jörg Haider, Siegfried Kampl n'a pas craint de dénoncer, dans un entretien à la radio autrichienne, le 19 avril, le traitement "brutal" infligé, à la fin de la guerre, aux anciens nazis. "J'ai vécu personnellement ces persécutions, en tant qu'enfant, quand on est venu chercher mon père -pour l'arrêter- en 1945" , a affirmé M. Kampl, convaincu que "plus de 99 %" de ses compatriotes avaient, à l'époque, adhéré au Parti national-socialiste (NSDAP) d'Adolf Hitler.
Le magazine Profil révèle que le père du sénateur, militant nazi dès 1934, a passé deux ans dans un camp d'internement des forces britanniques : il avait été condamné en vertu d'une loi sur les crimes de guerre pour avoir dénoncé l'une de ses voisines aux autorités du IIIe Reich.
L'Autriche s'apprête à fêter, début mai, le soixantième anniversaire de sa libération par les troupes alliées. Mais, parmi les générations les plus âgées, beaucoup partagent le mépris de M. Kampl pour les déserteurs de la Wehrmacht, considérés comme des"traîtres" .
HAUTES PROTECTIONS
Ce n'est que récemment que l'Eglise catholique, à l'instigation du cardinal Christoph Schönborn, a pris l'initiative d'honorer la mémoire de l'insoumis Franz Jägerstätter, qui avait refusé par conviction religieuse de servir le régime hitlérien. A la différence de l'Allemagne, la République autrichienne n'a jamais totalement réhabilité les déserteurs et les insoumis. L'étude d'une proposition de loi dans ce sens, déposée en 2004 par les Verts (écologistes), a déjà été ajournée à cinq reprises par la majorité de droite, sous la pression du FPÖ.
Les Verts, tout comme les sociaux-démocrates, jugent "intolérable" que, après de telles professions de foi, M. Kampl puisse accéder à la tête d'une des plus hautes institutions du pays, six mois avant que l'Autriche prenne la présidence de l'Union européenne.
Dans un discours prononcé, mardi 26 avril, à la télévision nationale, pour célébrer le soixantième anniversaire de la IIe République autrichienne, le chef de l'Etat, le social-démocrate Heinz Fischer, a rendu hommage à tous ceux qui, dans son pays, ont résisté au système nazi : la victoire militaire des Alliés"n'était pas notre défaite" , a-t-il souligné. Des dirigeants conservateurs ont aussi émis des protestations, mais le chancelier Schüssel a choisi, comme à son habitude, de traiter par le silence le dérapage verbal de M. Kampl.
Malgré les pressions exercées sur lui en coulisses, celui-ci ne montre, pour l'instant, aucune intention de renoncer à son poste, et Jörg Haider hésite à désavouer ce fidèle partisan. Il a même suggéré que le sénateur jouissait de hautes protections dans les milieux catholiques : "Kampl a été reçu deux fois en audience par le pape -Jean Paul II- : il devait quand même être un gars constructif pour arriver jusque-là" , a-t-il déclaré."