
a écrit :Les appels des partisans du oui n'y ont rien fait : le non s'installe dans le pays. Les Français sont désormais 54% à se déclarer prêts à voter contre le traité constitutionnel lors du référendum du 29 mai, selon le dernier sondage Ipsos pour Le Figaro et Europe 1. Cette enquête a été réalisée les 25 et 26 mars, après la décision du Conseil européen de revoir profondément la directive Bolkestein sur la libéralisation des services, mercredi, et après l'intervention télévisée de Jean-Pierre Raffarin, jeudi. Et malgré cela, le oui perd deux points par rapport à la précédente enquête des 18 et 19 mars.
Le non progresse exclusivement à gauche. Il obtient désormais 58% des intentions de vote, tandis qu'il demeure stable et minoritaire à droite à 33%. L'élément marquant de l'enquête Ipsos concerne le Parti socialiste et devrait inquiéter un peu plus encore François Hollande : les opposants à la Constitution y sont devenus majoritaires à 53% (contre 45% il y a une semaine). En une semaine, le non a progressé de 8 points chez les socialistes, qui s'étaient prononcés pour le oui à 59% lors de leur référendum interne du 1er décembre dernier.
«Le coeur du socle sociologique de la gauche est touché», estime Pierre Giacometti, directeur général d'Ipsos : les ouvriers votent non à 76%, les salariés du public à 58%, les bas salaires à 71%... «Ce sont toutes ces catégories qui avaient fait défaut à Lionel Jospin en 2002.» «Les ingrédients du 21 avril 2002 ne sont pas loin, poursuit-il. Il y a aussi dans ce que nous observons une nouvelle traduction du malaise identitaire qui frappe bon nombre d'électeurs de gauche.» Mais pour Pierre Giacometti, les sympathisants socialistes et écologistes peuvent encore basculer dans un sens ou dans un autre. «Le niveau d'hésitation demeure supérieur à la moyenne nationale», observe-t-il. Aujourd'hui, ces électeurs en demande d'explication «envoient des signes».
Une chose est sûre : la tentative de dramatisation opérée par les tenants du oui s'est révélée inefficace. Une majorité de Français, 51% contre 48% il y a une semaine, considère que le rejet de la Constitution ne porterait pas «un coup d'arrêt grave à la construction européenne». Les sympathisants PS sont 53% à le penser aussi.
Les Français sont davantage partagés sur l'idée d'un «affaiblissement de la France en Europe» en cas de victoire du non. Mais ils sont plus nombreux (45%) à rejeter cette thèse qu'à craindre l'isolement (42%). Encore un argument du oui qui n'a pas porté ses fruits.
Enfin, le souci de déconnecter les enjeux européens et nationaux a partiellement réussi mais sans favoriser le oui. Certes, 67% des Français (75% au sein de l'électorat PS) affirment désormais qu'ils se détermineront au moment de voter en fonction «de leur opinion sur la Constitution européenne». Et ils sont une majorité (55% des Français, 57% des sympathisants PS) à juger «secondaire ou négligeable» leur opinion sur le gouvernement et Jacques Chirac. Mais la situation économique et sociale en France pèsera fortement : cette dimension sera importante au moment du vote pour 66% des sondés (70% dans l'électorat socialiste). Or pour beaucoup, et notamment à gauche, «la construction européenne rime avec délocalisations, remise en cause des acquis sociaux, insécurité économique», remarque Pierre Giacometti. «Si la tentation du vote sanction reste reléguée au second plan, elle peut constituer une sorte de toile de fond politique», ajoute-t-il.
A deux mois du référendum, la part des indécis reste toutefois importante. Seulement 48% des personnes interrogées sont certaines de voter. Parmi elles, 31% n'ont pas exprimé de choix. Enfin, 29% de celles qui se sont prononcés affirment qu'elles peuvent encore changer d'avis.
http://www.lefigaro.fr/referendum/20050329.FIG0031.html