«L'environne-ment de mon client (catalogue du IIIe Reich, portrait d'Hitler..)? Mais il est passionné d'histoire, c'est un collectionneur!» Un avocat Tribunal correctionnel de Paris
Au passage d'une classe de maternelle, à la Villette, Tanguy s'est exclamé : «Et on dit qu'il y a que 5 % d'étrangers en France !» Le directeur de l'école s'est approché : «Ça veut dire quoi ?» Les deux hommes se sont heurtés. Tanguy a crié «gauchiste, sale juif !» au directeur et «sale négresse ! Fais gaffe, je suis armé !» à une des animatrices. Tanguy a été arrêté. Sur lui, on a trouvé une bombe lacrymogène et un couteau. Chez lui, des catalogues du IIIe Reich, des portraits d'Hitler, des croix celtiques, «laissant penser que vos préférences politiques ne s'arrêtent pas à l'extrême droite, mais vont vers des mouvements racistes et antisémites», commente la présidente. Tanguy était adhérent du FN, il est resté «sympathisant». Il dit : «Tout est faux, j'ai été piégé par des militants » et la présidente relève : «Le militant, monsieur, c'est vous ! Et je vois que vous fréquentez le Parc des Princes, côté Boulogne.» Le procureur réclame un travail d'intérêt général pour les violences et le port d'armes, et une amende pour les contraventions d'injures racistes. L'avocat de permanence commence : «Ce dossier est mal ficelé, les trois témoins sont de mèche.» Il continue : «L'environnement de mon client ? Mais il est passionné d'histoire, c'est un collectionneur !» Et s'emporte : «Mon client a des idées qui aujourd'hui ne sont ni respectées ni admises.» C'est comme s'il avait giflé la présidente, dont la voix claque, glaciale : «Je sors de ma réserve ! Ce sont des idées qui n'ont jamais été admises, maître !» Mais l'avocat s'enfonce : «En 1940, on pouvait dire négresse et...» Ses confrères regardent par terre, un avocat noir regarde en l'air. La juge bondit, glaciale : «Maître, nous avons lutté ! Des gens ont lutté pour que ces idées ne soient jamais admises !» L'avocat baisse les yeux : «J'ai l'impression qu'on veut lui faire payer ses engagements pour le FN.» Travail d'intérêt général, grosse amende et confiscation de la «collection». Au tour de Frédéric, veste polaire grise, cheveux hirsutes, qui travaille en intérim et a arraché 40 euros des mains de Fabrice à un distributeur, l'a jeté à terre et l'a blessé d'un coup de couteau. Frédéric nie : «La victime m'a désigné aux policiers, mais je viens d'arrêter un bon travail, j'ai des économies et je me vois mal voler 40 euros.» Fabrice a décrit son agresseur, parka noire, sac à dos noir, et la présidente regarde la veste grise: «Vous maintenez vos accusations, monsieur ?» Fabrice assure: «Je suis formel, je l'ai rencontré une première fois boulevard de Sébastopol, il m'a proposé des stups .» Le procureur se tourne vers Frédéric : «Monsieur, vous avez un vêtement noir sous votre parka ?» Frédéric déboutonne sa veste, et un gilet noir zippé apparaît. L'avocate intervient: «C'est troublant, l'agression a lieu rue des Halles et mon client est arrêté à deux pas, une demi-heure après ? Il serait resté là ?» Fabrice veut des dommages et intérêts, «je ne sais pas combien, j'ai perdu une croix de David en or, c'est un truc qui date... C'est sentimental, et mon pantalon est troué ». «Intégrez le sentimental, monsieur», l'encourage le procureur. Fabrice hésite. «Donnez un chiffre, reprend la juge, le tribunal n'a pas le droit de le faire pour vous !» «500 euros...» souffle le procureur. «Monsieur le procureur !» s'indigne l'avocate. «Eh oui, maître, le procureur peut aider une victime quand elle est seule», sourit le procureur. Fabrice dit «euh... 2 000 euros». Le procureur argumente : «On peut dire "c'est terrible, on vous reconnaît et vous êtes pris dans la nasse", mais qu'est-ce qui pousserait la victime à mentir ?» Pour Frédéric «déjà condamné deux fois», il veut neuf mois de prison. L'avocate se bat : «On nous parle d'une parka noire et le voilà en polaire grise ! Et pourquoi ne s'est-il pas enfui ? Et quels sont ses mobiles ?» Neuf mois dont trois avec sursis mise à l'épreuve, 1 000 euros pour la victime. Dans le couloir, un policier en civil aborde Fabrice : «C'est pas la première fois qu'il fait ça. On n'avait jamais pu le pincer !» .