lundi 3 mars 2003, 19h04
Staline et la France : un mauvais souvenir
PARIS (AP) - Cinquante ans après sa mort, que reste-t-il de Staline? Le souvenir d'"un régime totalitaire", "le contraire de ce que porte le communisme", pour la secrétaire nationale du Parti communiste français Marie-George Buffet, ou celui de "l'assassin au sens moral de l'idéal communiste", pour la porte-parole de Lutte ouvrière (LO) Arlette Laguiller.
Le stalinisme a été "une période extrêmement dramatique de l'histoire soviétique", souligne l'historienne Hélène Carrère d'Encausse, interrogée par l'agence Associated Press.
Mais pour la secrétaire perpétuelle de l'Académie française, dont la famille a été dispersée à travers l'Europe par la Révolution de 1917, "le stalinisme intégral s'arrête le 5 mars 1953", à la mort du "petit père des peuples". Aussitôt, "quelque chose se libère". Aujourd'hui, ajoute-t-elle, seule persiste, "chez des gens âgés, l'idée que tout le monde craignait l'URSS sous Staline, l'idée d'un discours sur le bonheur de l'homme qu'on construisait, le rêve de l'utopie".
En réalité, c'était, , "un régime totalitaire qui a été source de beaucoup de souffrances, d'atteintes aux libertés, à des vies humaines", renchérit Marie-George Buffet. "Un système qui constitue une véritable perversion de ce qu'était à l'origine le combat d'hommes et de femmes pour construire une société de justice, de liberté et d'égalité."
Bref, insiste la dirigeante communiste, "c'est le contraire de ce que porte le communisme", et le PCF, même s'il a tardé à faire son autocritique, "est un parti qui a eu le courage de regarder ce qui s'était passé avec lucidité" pour émettre "une condamnation très forte du stalinisme". "La page est définitivement tournée, je le crois profondément", poursuit Mme Buffet, qui entend "porter une idée communiste moderne, enracinée dans notre société".
Quant au président du PCF, Robert Hue, il refuse de s'exprimer sur cette question, mais en 2000, il critiquait "la tendance à réhabiliter Staline" du PC russe.
De son côté, Arlette Laguiller affiche sa "fierté" d'appartenir "à un courant politique qui a toujours combattu le stalinisme alors que de vives critiques viennent aujourd'hui de ceux qui le louangaient à l'époque".
"Staline était l'assassin au sens moral de l'idéal communiste et de celui des masses ouvrières qui ont fait la Révolution. Mais il fut également l'assassin au sens physique des militants et des dirigeants qui ont fait la Révolution de 1917", considère la porte-parole du mouvement trotskiste Lutte ouvrière.
"Il y a toujours la tentation du stalinisme", met en garde le secrétaire général de Force ouvrière, Marc Blondel, pour qui il subsiste "l'héritage d'une façon de penser totalitaire qui a influencé différentes générations, marquées, qui ont du mal à s'en libérer". "Staline est mort il y a 50 ans, mais j'aurais mieux aimé qu'il soit mort il y a 100 ans", ironise-t-il.
Le "petit père des peuples" reste en tout cas bien présent dans les invectives, lorsqu'il s'agit de qualifier un ennemi politique de "stalinien". "C'est un mot commode qui permet de taxer ses adversaires. Personne ne pense que quelqu'un est stalinien", observe Mme Carrère d'Encausse. "Le stalinisme est vraiment mort, là-dessus je n'ai aucun doute."