le voile, étude de l'inspection générale

Message par Valiere » 10 Jan 2005, 14:24

"Le voile" une étude de l'Inspection générale (juin 2004)


CONFIDENTIEL. Appartenance religieuse: le "voile" est "l'arbre qui cache la forêt", selon une étude de l'Inspection générale menée dans des établissements ciblés

Par Cécile Blanchard [url=mailto:cecile.blanchard@L-aef.com]cecile.blanchard@L-aef.com[/url]
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Paris, le 08/07/2004 Domaine(s) : Ecole - Collège - Lycée
Rubrique(s) : Confidentiel / Elèves



L'IGEN (Inspection générale de l'Éducation nationale) constate que le "voile" semble être "l'arbre qui cache la forêt", dans un rapport intitulé "Les signes et manifestations d'appartenance religieuse dans les établissements scolaires", document dont L'AEF s'est procuré copie d'une version de travail. La version définitive doit être remise au cabinet de François Fillon, ministre de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, dans les tout prochains jours. Cette version définitive ne comportera plus d'annexes présentant des témoignages relevés par les inspecteurs généraux.

Le rapport souligne que l'observation a porté sur "quelques dizaines d'établissements scolaires répartis dans une vingtaine de départements; des collèges, lycées et lycées professionnels publics jugés susceptibles, davantage que d'autres, d'être affectés par des manifestations de la religion", établissements choisis par ou en concertation avec l'IA-DSDEN (inspecteur d'académie directeur des services départementaux de l'Éducation nationale). L'IGEN insiste sur le fait que "le panel d'établissements visités ne constitue donc en aucun cas un échantillon représentatif des établissements français, ni sur le plan de l'étude ni d'ailleurs sur aucun autre".

Le rapport distingue les différentes formes que prennent ces manifestations: "licites", comme la participation au jeûne rituel, le refus d'aliments non consacrés, le "marquage vestimentaire" des parents, "illicites", comme l'absentéisme sélectif, le refus ou la contestation d'activités et de contenus d'enseignement, ou un "caractère parfois plus difficile à apprécier", comme des revendications d'adaptation de la vie scolaire ou des contestations politico-religieuses. Face à ces "évolutions inquiétantes qui appellent une réponse d'ensemble", l'IGEN propose de "tout faire pour développer la mixité sociale dans les établissements scolaires", de "former et aider les professeurs à répondre aux contestations de leur enseignement" et de "piloter plus fermement à tous les niveaux".

HYPOTHÈSES DE DÉPART

Les hypothèses de départ mentionnées dans l'étude étaient "que les manifestations d'appartenance religieuse, individuelles et collectives, avaient tendance à se multiplier et à se diversifier, avec une rapidité et une dynamique fortes; que, dans certains quartiers, elles pouvaient affecter tous les domaines de la vie personnelle, familiale et sociale; que les jeunes y étaient particulièrement sensibles, voire qu'ils en étaient les principaux vecteurs; que l'école enfin était impliquée dans ce mouvement d'ensemble et que les formes qu'il y prenait étaient bien plus diverses et complexes qu'une certaine émotion médiatique autour du 'voile' pouvait le laisser croire". L'étude a pour objet l'observation de "tout ce qui manifeste publiquement (signes, comportements, déclarations, écrits, actions), individuellement ou collectivement de la part d'élèves, de personnels ou de familles, au sein des établissements scolaires, une appartenance religieuse".

"Les appartenances religieuses qui se manifestent sous diverses formes à l'intérieur des établissements se revendiquent exceptionnellement du christianisme, parfois du judaïsme et le plus souvent de religion musulmane", relève l'IGEN, tout en rappelant que communautés catholique et juive disposent d'établissements privés confessionnels et indiquant que les manifestations d'appartenance au judaïsme relèvent d'un "mouvement de repli face à l'antisémitisme". En revanche, elle estime qu' "aucun soupçon d'une quelconque 'islamophobie' ne peut être opposé à ce constat, qui s'explique fort bien par ses composantes objectives bien connues: l'arrivée récente, par immigration, des populations musulmanes; l'exclusion sociale dont une large part est victime du fait du racisme et de la ségrégation dans l'habitat, les loisirs et l'emploi; la recherche identitaire des jeunes générations; la vigueur prosélyte de certains courants religieux; le poids des événements internationaux". Dans une première partie consacrée aux "quartiers" et à leurs évolutions, le rapport évoque ainsi des quartiers décrits comme "des quartiers de souffrance et en souffrance" où "la plupart des familles n'ont pas le choix de partir".

SIGNES ET TENUES VESTIMENTAIRES

Certaines manifestations d'appartenance ne sont pas d'ordre religieux: port de vêtements à l'effigie d'une personnalité (Saddam Hussein ou Oussama Ben Laden, par exemple), ou représentant un drapeau national, cas d'élèves juifs portant une plaque de l'armée israélienne cousue sur leurs vêtements... "Ces manifestations ne sont pas faites pour apaiser la vie scolaire mais, bien au contraire, visent le plus souvent à provoquer d'autres élèves" ou à "se démarquer simplement de la France ou de ceux, élèves ou professeurs, que l'on nomme 'les Français' ". En ce qui concerne la religion, l'IGEN explique que les cas liés aux confessions chrétiennes ou juives "ne semblent pas avoir donné lieu à conflit ou contestation poussée dès lors que le chef d'établissement en a demandé le retrait".

"Les cas les plus nombreux" concernent la religion musulmane, "la très grande majorité" des établissements visités ayant connu des tentatives en ce sens de la part de filles ou parfois de garçons. Les réactions des chefs d'établissement "se révèlent très diverses, voire contradictoires d'un lieu à l'autre", et "une académie" dénombre "une centaine de voiles ou foulards acceptés dans une quinzaine d'établissements, dont douze lycées". De ce fait, "une sorte de consumérisme scolaire s'est développée par endroits autour de la réputation de lycées jugés plus ou moins favorables à la religion musulmane".

Du côté de l'alimentation, une "nouvelle difficulté" est apparue "il y a peu de temps", le refus par un nombre croissant d'élèves de consommer toute viande non abattue selon un rituel religieux. "Par l'effet de la stigmatisation dont sont rapidement victimes les élèves qui ne se conforment pas aux normes dominantes du groupe de leurs pairs, plus aucun élève ne mange de viande dans certains collèges" visités. En outre, dans "un collège public d'une grande agglomération" dans lequel un grand nombre d'élèves juifs se sont ou ont été rassemblés du fait de l'antisémitisme, "la surenchère entre familles juives et musulmanes (à laquelle quelques familles chrétiennes se sont jointes) a été telle que le conseil d'administration a voté un amendement au règlement intérieur imposant la confection de menus 'sans références religieuses' et rappelé la liberté des familles à faire manger leur enfant hors de l'établissement". Des difficultés du même ordre se présentent dans l'enseignement professionnel pour la cuisine, qui fait l'objet de refus de cuisiner du porc et de manipuler ou goûter de la viande non consacrée.

PROSÉLYTISME ET REFUS DE LA MIXITÉ

Autres revendications: celles liées au calendrier scolaire et aux fêtes, qui justifient un absentéisme sélectif, "faible pour les musulmans le vendredi" mais "notablement plus fort pour les juifs et surtout les adventistes le samedi". Certains élèves ou personnels revendiquent également d' "investir une partie de l'espace public d'une dimension sacrée en y pratiquant les prières rituelles". Le rapport évoque également le prosélytisme musulman comme "le seul dont on lui a parlé". Ce prosélytisme prend en particulier pour occasion le mois du ramadan et son objectif est plutôt la "réislamisation de populations dont la foi est jugée impure" que la conversion.

Refus de la mixité et violences à l'encontre des filles se développent également dans les quartiers "ghettoïsés" au nom de la religion et s'infiltrent dans la vie scolaire. "Dans beaucoup de collèges visités, le vêtement des filles ainsi que leurs 'moeurs' sont l'objet d'un contrôle général", les jupes étant "interdites" depuis un à cinq ans selon les endroits. Le plus souvent les "punitions" ont lieu à l'extérieur des établissements, mais "pas toujours".

Les professeurs femmes sont également cibles de propos désobligeants ou sexistes de la part d'élèves et de "certains parents qui refusent d'être reçus par une personne du sexe opposé, ou de la regarder ou de lui serrer la main". L'IGEN signale également la "banalisation de l'antisémitisme et du racisme", parfois dès le plus jeune âge. Et "si le racisme le plus développé dans la société reste le racisme anti-musulman, ce n'est pas le cas dans les établissements scolaires où il a été très nettement supplanté par le racisme anti-juif", mentionne le rapport.

CONTESTATION POLITICO-RELIGIEUSES

"L'identité collective, qui se référait souvent hier chez les élèves à une communauté d'origine, réelle ou imaginaire, et qui avait fait parler certains sociologues de 'l'ethnicisation' des rapports entre les jeunes, semble se transformer de nos jours en un sentiment d'appartenance assez partagé à une 'nation musulmane' ", dont les héros sont les adolescents palestiniens qui s'opposent à l'armée israélienne et les chefs "djihadistes" responsables des attentats de New York et Madrid. De fait, "dans la plupart des établissements visités, les instants de recueillement national organisés à la suite de ces événements tragiques ont été contestés ou perturbés de l'intérieur, parfois de l'extérieur, ou bien n'ont pu avoir lieu".

En matière de pédagogie, l'organisation de sorties scolaires et devenue "un sujet de préoccupation majeure pour les enseignants et les personnels de direction" dans de nombreux établissements. Les obstacles viennent dans de rares cas de familles protestantes mais surtout de familles musulmanes qui sont réticentes à laisser leurs filles y participer, en particulier lorsque le déplacement comporte une nuitée en hôtellerie. En outre, un nombre croisant d'élèves de ces établissements refusent de visiter et d'étudier des oeuvres de l'architecture religieuse.

REFUS DE CERTAINS ENSEIGNEMENTS

Le rapport souligne "la vigueur et la généralité des contestations de nature religieuse" à l'égard de l'enseignement dans les établissements visités, "l'impréparation des enseignants à y répondre" et "le peu d'aide qu'ils reçoivent pour y faire face du fait notamment de l'ignorance dans laquelle se trouve l'encadrement".

L'EPS fait partie des disciplines pour lesquelles les enseignants se plaignent de manifestations ou d'interventions de nature religieuse, beaucoup tournant autour de la mixité. Mathématiques, lettre et philosophie, disciplines artistiques, langues vivantes sont dans l'ensemble l'objet de "contestations circonscrites". En revanche, les SVT (Sciences de la vie et de la terre), comme l'histoire, sont l'objet d'une contestation religieuse d'ensemble. L'histoire serait ainsi globalement mensongère et partiale, "exprimant une vision 'judéo-chrétienne' et déformée du monde". Les SVT sont contestées au nom du "créationnisme", conception qui "a ses partisans dans les trois religions monothéistes" et qui réfute la théorie de l'évolution des espèces. La reproduction est également l'occasion de contestations, de même que les travaux pratiques, certains élèves refusant de manipuler du matériel animal.

Les réactions des enseignants sont variées et dénotent "une détermination sans doute inégale, des expériences différentes et la place, plus ou moins claire ou confuse, où ils situent leur enseignement". En histoire, certains enseignants, "les plus aguerris", souvent ceux qui ont une plus longue expérience, "ont eu le temps de sélectionner des documents adaptés et de concevoir de nouvelles façons d'aborder les questions qu'ils savent sensibles. (...) Ils connaissent et préviennent les réactions de leurs élèves et savent concilier un questionnement de leur part avec une conception rigoureuse de la laïcité de leur enseignement. Ce n'est pas le cas de beaucoup de jeunes professeurs", relève le rapport.

Ainsi, la réaction la plus répandue est "sans doute" l'autocensure de la part des enseignants. Certains choisissent de s'appuyer sur le Coran pour tenter de légitimer leur enseignement aux yeux d'élèves qui font référence au livre sacré pour refuser cet enseignement. En SVT, l'autocensure existe également, tandis que certains enseignants rétorquent que "l'établissement de la vérité scientifique n'est jamais révélé ou imposé, qu'elle est le résultat de la démarche expérimentale et que c'est précisément l'un des objets" de leur enseignement.

DÉNI A TOUS LES NIVEAUX DU SYSTÈME

Par ailleurs, le rapport mentionne que "les manifestations d'appartenance religieuse semblent être, à tous les niveaux du système (...) l'objet d'une sorte de refoulement ou de déni généralisé de la part de beaucoup de personnels et de responsables: chacun commençant généralement par déclarer qu'il n'y avait pas matière à nous déplacer car il n'y avait rien à observer". De plus, l'IGEN souligne le manque d'informations dont dispose l'encadrement, du chef d'établissement au recteur en passant par l'inspection, ce qui les empêche d'aider les enseignants.

Par ailleurs, l'IGEN explique que "la plupart des cas de déscolarisation n'ont pas de motif religieux" mais sont plutôt dus au handicap, à la maladie, au "décrochage" à la délinquance ou à la marginalité. Elle évoque toutefois "quelques petits groupes religieux refusant de scolariser les enfants": un groupe protestant, les ravinistes, au sud-est du Massif Central, ne scolarise les enfants que dans le primaire et sous plusieurs conditions, un groupe catholique clandestin connu sous l'appellation de "Blancs", au bord de la Saône et des familles musulmanes "regroupées autour d'un imam", "dans la banlieue d'une grande ville de la vallée du Rhône", qui refusent également l'École.

publié avec l'autorisation de l'AEF
Valiere
 
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