(Liberation a écrit :Répliquant à Delta Airlines, les compagnies cassent les prix sur les vols intérieurs.
Tarifs en piqué dans le ciel américainPar Fabrice ROUSSELOT
samedi 08 janvier 2005 (
Liberation - 06:00)
New York de notre correspondant
c'est une tempête de plus dans un ciel américain déjà en crise. Quarante-huit heures après la décision prise par Delta Airlines de réduire drastiquement ses tarifs, toutes les autres grandes compagnies aériennes américaines se sont lancées dans une vaste guerre des prix à l'issue incertaine. Réagissant les premières, Northwest, US Airways et United Airlines ont annoncé tour à tour qu'elles allaient «s'aligner» sur les prix proposés par Delta. Et jeudi soir, après un petit temps de réflexion, c'est American Airlines qui a, elle aussi, opté pour un changement radical de sa grille de prix.
«Chemin radical». C'est donc Delta qui a ouvert le feu, mercredi, avec une initiative qui a fait l'effet d'une bombe dans le secteur. Bien plus qu'une simple baisse du prix de ses vols intérieurs, la compagnie révélait alors un changement à 180 degrés de sa politique tarifaire. Dans le cadre d'un plan baptisé «Simplifares», Delta a décidé de baisser ses tarifs jusqu'à 50 %. Elle a supprimé la nécessité de passer le week-end sur la destination choisie pour pouvoir bénéficier de ristournes. Enfin, elle a fixé à 50 dollars maximum (38 euros) les pénalités pour les changements de billets.
L'objectif de Delta n'a échappé à personne : tenter d'aller battre sur leur propre terrain les compagnies à bas coûts (low-cost) comme Southwest ou JetBlue, qui sont les seules à avoir dégagé du profit ces dernières années, alors que leurs concurrents traditionnels ne parviennent pas à sortir d'une crise qui n'en finit pas, depuis les attentats du 11 septembre 2001. «Delta a échappé à la banqueroute en négociant des baisses de salaires avec son personnel navigant à la fin de l'année dernière, explique Steven Morrison, professeur d'économie et spécialiste du secteur aérien à la Northeastern University de Boston. Mais cela ne suffisait pas. Alors elle a décidé d'emprunter un chemin plus radical.»
Depuis, les interrogations se multiplient sur l'évolution d'une industrie en détresse. A ce jour, United est toujours sous la protection du chapitre XI, la loi sur les faillites, US Airways en est à sa deuxième banqueroute consécutive, et pour l'année 2004 l'ensemble des compagnies traditionnelles a perdu plus de 5 milliards de dollars (3,8 milliards d'euros), selon les analystes (lire ci-contre). «Nous sommes dans une situation qui est sûrement la plus difficile depuis longtemps, assure Richard Gritta, l'un des plus grands experts du secteur aérien aux Etats-Unis, qui enseigne à l'université de Portland. Le 11 septembre n'était qu'un révélateur. Avant cela, l'industrie aérienne avait subi de plein fouet le début de la récession, puis souffert de la hausse des prix du pétrole et du carburant. Enfin, le développement exponentiel des compagnies à bas coûts comme JetBlue a totalement changé la donne.»
Disparition à venir. Le problème pour Delta ou American Airlines toutefois, c'est qu'elles ne peuvent être que le «Canada Dry» des low-cost. Elles essaient d'en prendre la couleur, mais n'ont pas les moyens d'aller aussi loin en termes de prix. Par exemple : avec les réductions proposées, Delta offre des billets aller simple pris au dernier moment sur la plupart des destinations américaines pour 499 dollars. Alors que chez JetBlue les tarifs oscillent entre 84 et 200 dollars. «Les compagnies traditionnelles ne peuvent pas se transformer en compagnies à bas coûts du jour au lendemain, le modèle économique n'est pas tenable car leurs coûts sont bien trop élevés, poursuit le spécialiste Richard Gritta. Pour Delta et pour les autres, l'idée est d'essayer de concurrencer Southwest ou JetBlue sur les trajets qu'elles couvrent, tout en gardant des prix plus élevés sur les autres routes et sur les long-courriers, en misant sur la qualité supérieure de leurs services. Après un moment, elles espèrent pouvoir dégager quelques profits. Mais c'est un pari risqué.»
Aujourd'hui, les professionnels du transport aérien estiment que les baisses tarifaires annoncées pourraient amputer le chiffre d'affaires du secteur de quelque 6 milliards de dollars (4,6 milliards d'euros). Dans ces conditions, nombreux sont ceux qui soulignent que la guerre des prix pourrait aboutir tout simplement à la disparition d'un transporteur. Parmi les «victimes» toutes désignées : US Airways. La compagnie basée à Philadelphie est en effet la plus mal en point, et, selon Richard Gritta, certaines agences de voyages ont déjà recommandé à leurs clients de ne pas réserver de sièges sur US Airways pour leurs prochaines vacances.
Négociations salariales. Jeudi, dans une décision sans précédent, un juge de Virginie a autorisé US Airways à annuler les accords salariaux négociés l'année dernière avec le personnel. Et, si la compagnie ne parvient pas à trouver une solution dans le cadre de négociations avec les syndicats qui durent déjà depuis plusieurs semaines ,
elle envisagera de nouvelles baisses de salaires. Cela n'a pas empêché Southwest d'annoncer qu'après Philadelphie elle avait décidé de lancer de nouveaux vols au printemps à partir de Pittsburgh. Une ville qui, jusque-là, était l'un des hubs de US Airways...