La bourgeoisie de plus en plus pessimiste

Message par logan » 26 Déc 2004, 22:09

a écrit :L'Expansion n°693
Janvier 2005


En 2005, le monde ralentit


Pronostic du Centre de prévision de L'Expansion : les locomo-tives chinoise et américaine baisseront de régime, et, avec elles, le reste du monde. Et nos prévisions exclusives pour 176 pays.


C'est difficile à croire lorsqu'on observe le monde depuis la poussive et vieillissante Europe, et pourtant : la croissance de l'ensemble de la planète a avoisiné 5 % en 2004. Il faut remonter à 1973, année où le premier choc pétrolier a refermé la parenthèse des Trente Glorieuses, pour retrouver une telle prospérité ! Selon les calculs du Centre de prévision de L'Expansion, plus de 1 400 milliards de dollars de richesses nouvelles ont été créés depuis un an, presque deux fois plus qu'en 2003. Seuls cinq pays sur les 176 recensés dans notre atlas n'ont pas échappé à la récession, dont deux pour cause de guerre civile ou de catastrophe naturelle : la Côte d'Ivoire et Haïti.

Depuis l'été 2003, toutes les grandes zones de la planète ont retrouvé du dynamisme, tirées par les puissantes locomotives américaine et chinoise. A eux seuls, les Etats-Unis, dopés par les politiques monétaire et budgétaire les plus stimulantes jamais menées depuis la Seconde Guerre mondiale, ont encore assuré plus du tiers de la croissance mondiale en 2004. L'Asie, propulsée par la formidable montée en puissance de la Chine, y a contribué presque autant.

L'effet multiplicateur de la mondialisation a fait le reste : les échanges internationaux de produits industriels et de services ont bondi de plus de 10 % au cours des douze derniers mois, soit la deuxième meilleure performance de tous les temps. Et, pour une fois, les pays en développement, souvent laissés à l'écart des autoroutes du commerce mondial, ont eu leur part de richesse, grâce à la flambée des prix des matières premières, dont ils sont gros producteurs. Malheureusement, le sommet de ce cycle qui a démarré en trombe est déjà dépassé depuis le printemps 2004. La preuve : les ventes à la Chine de deux des plus gros exportateurs de la planète, l'Allemagne et le Japon, ne progressent plus « que » de 30 % sur un an, deux fois moins vite que l'hiver dernier. Et partout les chefs d'entreprise assurent que leurs carnets de commandes se remplissent moins vite depuis quelques mois.

Presque aucun continent n'échappera à une baisse de régime en 2005. Freinés par des politiques monétaires et budgétaires plus restrictives et par des matières premières onéreuses, les Etats-Unis et la Chine devraient ralentir en douceur. Dans leur sillage freineront le Japon et, dans une moindre mesure, l'Euroland, incapables tous les deux de compter sur leurs propres forces pour compenser le moindre dynamisme international et la hausse de l'euro et du yen face au dollar.

S'il est décevant, ce scénario, moins rose que celui brossé par les grandes institutions internationales comme le FMI ou l'OCDE, n'est pourtant pas pessimiste. Au contraire ! Il ne table en effet ni sur un effondrement du dollar, ni sur un krach immobilier mondial, ni sur une nouvelle flambée du pétrole.

Le billet vert devrait certes crouler sous le poids des déficits commercial et budgétaire américains. Ils avoisineront respectivement 500 et 600 milliards de dollars cette année, soit 5 et 6 % du PIB. Jamais dans l'histoire une monnaie n'a résisté à des déséquilibres financiers aussi colossaux ! Sauf que la monnaie américaine est portée à bout de bras par les banques centrales asiatiques (Chine, Japon et Corée du Sud en tête). Pour éviter que leur propre monnaie ne s'apprécie face au billet vert, au risque d'éroder la compétitivité des prix de leurs exportations, elles ont acheté pas moins de 1 200 milliards de dollars depuis 2001, fournissant ainsi à l'Amérique la moitié des presque 3 milliards de dollars dont elle a besoin chaque jour pour financer ses déficits. Or ce petit jeu, par lequel les pays asiatiques prêtent aux Américains pour qu'ils achètent leurs produits, n'est pas près de s'arrêter, tant il est profitable pour les deux rives du Pacifique. Ce formidable filet de sécurité n'empêchera pas la devise américaine de glisser jusqu'à 1,40 euro courant 2005, mais il éloigne la menace d'un effondrement brutal.

En achetant des tombereaux de dollars, principalement sous forme d'obligations du Trésor des Etats-Unis, les banques centrales asiatiques éloignent également la menace d'une violente remontée des taux d'intérêt à long terme dans les grands pays industrialisés, et donc d'un gigantesque krach immobilier. Partout, le prix de la pierre s'est envolé ces dernières années, grâce aux bas taux d'intérêt pratiqués par les banques centrales pour éviter au monde de sombrer dans la déflation, après l'éclatement de la bulle Internet au printemps 2000. Résultat : depuis 2001, la valeur du patrimoine immobilier résidentiel dans les grands pays industrialisés est passée de 40 000 à 60 000 milliards de dollars, selon les calculs de The Economist Intelligence Unit.

Dans onze des vingt principaux pays de la planète, le prix du mètre carré a encore grimpé de plus de 10 % sur les douze derniers mois, jusqu'à 35 % en Afrique du Sud, 31 % à Hongkong, 17 % en Espagne, 16 % en Nouvelle-Zélande et 15 % en France. Or cette bulle immobilière, en créant chez les ménages propriétaires (ils sont environ six sur dix en Occident) un sentiment d'enrichissement, a puissamment stimulé la consommation. Et largement compensé les déconvenues boursières, le patrimoine immobilier étant en moyenne deux fois supérieur aux portefeuilles d'actions.

Ainsi, en Europe, la flambée de la pierre aurait gonflé d'au moins 0,4 % les dépenses des ménages en 2004, selon les experts de Goldman Sachs. Que les prix s'effondrent, et c'est la consommation qui partout calerait. Si ce risque est faible, les prix n'en sont sans doute pas moins proches de leurs sommets. Aux Etats-Unis, outre-Manche, dans l'Hexagone, au-delà des Pyrénées ou aux Pays-Bas, ils dépassent désormais des niveaux qui se sont révélés insoutenables par le passé. Déjà, les prix baissent depuis quelques mois à Sydney ou à Londres.

Non seulement les Occidentaux ne pourront plus guère compter sur l'effet dopant de l'immobilier, mais ils devront s'habituer à vivre avec un pétrole cher. Les risques géopolitiques n'ont pas disparu dans les pays producteurs, notamment au Nigeria, en Irak et en Arabie saoudite. Et l'Opep, qui redoute par-dessus tout une chute des cours comme en 1998, ajustera sa production pour éviter la surabondance. Petite consolation : la facture pétrolière ne s'alourdira pas autant en 2005 qu'en 2004 (100 milliards de dollars, selon les calculs de la Société générale). Car le prix du baril, s'il ne descendra guère au-dessous de 40 dollars dans l'année à venir, ne devrait pas s'aventurer souvent au-delà de la barre des 50 dollars franchie cet automne.

http://www.lexpansion.com/PID/122.html
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Message par logan » 26 Déc 2004, 22:23

La situation en france : une bulle spéculative immobilière dope la consommation.

a écrit :Reste la grande énigme de la consommation des ménages. Les Français jouent les cigales depuis bientôt deux ans. Pour dépenser, ils ont puisé dans leur bas de laine et ont beaucoup emprunté, notamment pour se loger. D'après la Banque de France, les crédits à l'habitat augmentent actuellement de 12 % l'an ! Du jamais-vu depuis quinze ans. Alimentée par la possibilité de s'endetter à moins de 5 % sur vingt ans, une bulle est en train de gonfler sur le marché du logement. En moyenne, les prix de la pierre ont bondi de près de 15 % en 2004 sur l'ensemble de l'Hexagone, et rien ne semble annoncer un retournement en 2005. Cette flambée, en donnant aux propriétaires (presque 6 foyers sur 10) le sentiment d'être plus riches, explique en partie pourquoi les Français dépensent plus que ce qu'ils gagnent. Mais ce grand écart ne peut durer indéfiniment. Avec des entreprises qui n'ont guère l'intention d'embaucher (il n'y aura pas beaucoup plus de 80 000 créations nettes d'emplois dans l'année qui vient) ni de relâcher la rigueur salariale, et l'augmentation des prélèvements due à la réforme de la Sécurité sociale, la progression du pouvoir d'achat sera bien maigre. La frénésie dépensière des Français pourrait ainsi se calmer.

Une bien mauvaise nouvelle pour les comptes de l'Etat, les experts de Bercy ayant construit leur budget 2005 en anticipant 2,5 % de croissance. Si elle ne dépasse guère 1,5 %, il en coûtera 0,5 point de PIB de déficit supplémentaire. L'objectif fixé par Nicolas Sarkozy de ramener l'ensemble du déficit des administrations à 3 % du PIB sera donc bien difficile à atteindre pour Hervé Gaymard, son successeur... qui pourra difficilement mettre cette mauvaise performance sur le compte de « l'héritage » de son prédécesseur.


http://www.lexpansion.com/art/0.0.80704.0.html
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Message par Crockette » 27 Déc 2004, 12:01

Logan : je ne suis pas bon en économie, mais les anciens m'ont toujours appris que ce sont les emplois agricoles et surtout industriel qui créent de la richesse dans un pays, car derrière ces emplois il y en a une quantité d'autres.
Aujourd'hui en France qu'est ce qui marche ? Qu'est ce qu'on voit fleurir dans toutes les villes comme des champignons ?
LES BANQUES, LES AGENCES IMMOBILIERES, LES CABINETS d'ASSURANCES.
VLà les grands gagnants de cette mondialisation.
Même les grands patrons à terme devront s'endetter de plus en plus (pour ceux qui ne sont pas encore en bourse) auprès des banques pour continuer leur agressivité sur le marché.
Et l'euro à un niveau record mondial, ça profite à qui ?
- aux américains
- aux banquiers européens, chez qui on vient sonner tous les jours pour des emprunts internationaux, l'euro devenant la référence sur les échanges de flux de capitaux fiannciers.
Crockette
 

Message par logan » 17 Jan 2005, 19:54

a écrit :Le krach attendu de l'immobilier LE MONDE | 14.01.05 | 15h08

Les parisiens se souviennent de la bulle immobilière de la fin des années 1980, qui avait fini par éclater en 1991. Au sommet de la bulle, le prix d'un logement ancien s'élevait à 3 400 euros le mètre carré. Ce chiffre record a été allégrement franchi.  Il se situe aujourd'hui au-dessus de 4 300 euros du mètre.

Depuis le point bas de 1998, l'immobilier a crû de 70 %, non plus seulement à Paris mais dans toute la France. Il est tentant de conclure qu'une nouvelle bulle s'est formée et que, les mêmes causes créant les mêmes effets, une nouvelle correction brutale est à prévoir. Comprendre si l'explosion des prix immobiliers est une bulle spéculative prête à éclater ou si elle correspond à une évolution structurelle, fruit de déséquilibres nouveaux entre l'offre et la demande, n'est pas un simple exercice intellectuel.

Le logement est un bien fondamental, qui est à la fois le principal actif patrimonial des ménages et, aussi, l'un des biens les plus importants de leur vie sociale. Les décideurs publics ne peuvent se contenter d'observer une multiplication par deux de son prix sans réagir.

S'il s'agit d'une bulle, semblable par exemple à celle de la Bourse en 2000, alors il incombe aux autorités monétaires de s'interroger sur le bien-fondé de leur politique de taux d'intérêt. S'il s'agit d'une rupture des "fondamentaux", alors il incombe aux responsables de la politique du logement de réfléchir aux raisons pour lesquelles l'offre ne semble pas répondre à la demande nouvelle.

Commençons par ce dernier point. Du point de vue des "fondamentaux" qui gouvernent l'évolution du marché, il semble bien tout d'abord qu'il y ait excès de la demande par rapport à l'offre.

Selon un article très éclairant publié en septembre 2004 dans le bulletin de la Banque de France ("Y a-t-il un risque de bulle immobilière en France ?", par Gilles Moëc), la demande de logements s'établit en moyenne à environ 300 000 par an. Or ce n'est qu'à partir de 2004 que l'offre de nouveaux logements dépasse ce chiffre. Reflet de la pénurie accumulée au cours des dernières années, le stock de logements vacants est au plus bas depuis les niveaux atteints en 1968.

HAUSSE TENDANCIELLE
Cette hausse tendancielle de la demande de logements est en soi un fait social captivant. On ne savait pas que la croissance de la population française justifiât une si forte construction d'habitations nouvelles. Le paradoxe n'est qu'apparent. C'est en effet le nombre de ménages, et non le nombre d'habitants, qui commande la demande de logements.

Une famille de quatre personnes qui se scinde en deux ménages, après mariage des enfants, augmente mécaniquement la demande. Ce phénomène, qui accompagne le vieillissement des baby-boomers, se double d'un autre : la hausse des taux de divorces, qui contribue pour une part significative à la hausse des ménages (certains monoparentaux).

Au total, au cours des trente dernières années, le nombre de ménages a ainsi crû trois fois plus vite que la population : 1,2 % pour les ménages, 0,4 % pour la population totale.

Ce jeu démographique, sur lequel s'appuient ceux qui justifient la hausse des cours, pourrait pourtant fonctionner bientôt à rebours. Les baby-boomers qui prendront leur retraite dans les prochaines années seront vite tentés de réaménager leur patrimoine.

Il deviendra en effet de plus en plus intéressant d'encaisser une plus-value importante en revendant un appartement devenu trop grand après le départ des enfants pour en acheter un plus petit. Le problème est que, si tout le monde décide de faire la même chose en même temps, les cours devraient plonger aussi vite qu'ils ont crû.

Ce risque est bien connu des macroéconomistes (notamment depuis un article célèbre de Greg Mankiw et David Weil intitulé "The baby boom, the baby bust and the housing market") et fait partie des raisons pour lesquelles une société vieillissante tend à provoquer une dépréciation du prix des actifs en général, et immobilier en particulier.

Selon l'Insee, on observerait déjà que le passage à la retraite s'accompagne d'une baisse du patrimoine immobilier liée à une réorganisation des actifs (Insee première, no 984). Pour mémoire, les retraités représentent 40 % des propriétaires de logements.

Il existe, pourtant, une cause plus directe que la démographie pour expliquer la flambée des cours : le niveau historiquement bas des taux d'intérêt. Compte tenu des faibles taux, il est désormais beaucoup plus facile de financer l'acquisition d'un logement. Tout se passe comme si la hausse de l'immobilier avait repris d'une main la manne que la baisse des taux offrait de l'autre aux ménages pour devenir propriétaire. Selon la Banque de France, la hausse des prix a d'ores et déjà ramené la capacité d'acquisition d'un ménage sans apport personnel à un niveau inférieur à celui de 1995.

Le problème est par ailleurs que tous les ménages ne peuvent s'endetter pour devenir propriétaires. Or, pour ceux qui restent locataires, les loyers augmentent considérablement : de 5 % en 2000, 7 % en 2001, 10 % en 2002... Après avoir marqué une pause en 2003, l'année 2004 devrait enregistrer une nouvelle hausse de 6 % environ. Au cours du dernier trimestre 2004, le taux de renégociation des loyers est de 10 % supérieur en moyenne aux baux anciens.

LA RARETÉ DES LOGEMENTS
Cette hausse des loyers est en partie le reflet de la rareté des logements mais également, et plus certainement, l'effet mécanique de la hausse des prix d'achat. Le même phénomène a pu être observé en 1991. Un ménage qui reste prisonnier du marché locatif, parce qu'il ne peut pas s'endetter, subit donc de plein fouet les conséquences d'une baisse des taux dont il ne peut encaisser les dividendes.

Sauf à considérer une euthanasie générale du marché locatif, qui représente toujours 40 % du marché, une crise se profile. Le fait que l'immobilier de bureau, échaudé par la crise de 1991, et qui est principalement locatif, ne suive pas la tendance haussière actuelle est un signe qui ne trompe pas.

Le point de plus grande vulnérabilité du marché immobilier est pourtant ailleurs, et paraîtra paradoxal : il s'agit de sa mondialisation. La corrélation internationale des conjonctures immobilières est en effet frappante.

Crise immobilière à peu près partout au début des années 1980, pic à la fin de la décennie ; nouvelle crise au début des années 1990, nouveau boom à la fin de la décennie, qui se prolonge aujourd'hui dans presque tous les pays industrialisés. Seuls l'Allemagne et le Japon (qui ont beaucoup donné) échappent à la règle.

Le FMI indique dans son dernier World Economic Outlook que la moitié des variations des prix de l'immobilier est due à des facteurs internationaux. La transmission internationale des taux d'intérêt en explique une part : la baisse chez nous est également à l'œuvre dans les autres pays. Mais au-delà même de ce facteur financier, il semble bien, selon le FMI, qu'un cycle mondial de l'immobilier soit aussi à l'œuvre : quand on paie cher à New York, on paie cher également à Londres ou à Madrid : les prix s'auto-influencent et se transmettent d'une capitale à l'autre.

Toujours selon le FMI, nombre de pays connaissent des prix qui sont sérieusement déconnectés de leurs "fondamentaux". C'est le cas de l'Australie, de la Grande-Bretagne, de l'Irlande, de l'Espagne et des Etats-Unis, pour lesquels une correction significative des prix est attendue. Or la France est l'un des pays où les cycles intérieurs sont les plus corrélés aux cycles mondiaux.

Où que l'on porte ainsi le regard, qu'il s'agisse de la démographie, des loyers, du cycle international, il semble bien qu'une rupture soit proche.

A la différence des années 1990, la crise actuelle conjugue pourtant un double phénomène : une boulimie spéculative, d'une part, et un véritable déséquilibre provenant de la demande, de l'autre. Le pire serait alors qu'une crise majeure advienne, répétant en partie le scénario de 1991. Et que, à l'ombre de celle-ci, les autorités se dispensent d'une réflexion sur la demande sociale de logements, dont la flambée des prix est aussi l'expression.

Daniel Cohen
logan
 
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Message par logan » 17 Fév 2005, 22:46

a écrit :14/02/2005

La BCE craint une bulle immobilière
LExpansion.com


L'institut francfortois multiplie les mise en garde contre un dérapage des prix lié au boom des prix dans l'immobilier.
 
La Banque centrale européenne retourne à ses vieux démons. Cela fait maintenant plusieurs semaines que l'institut francfortois met en garde contre le dérapage des prix, notamment dans le secteur de l'immobilier. Dernier avertissement en date, celui formulé lundi par le Grec Lucas Papademos, son vice-président. Dans un entretien accordé au quotidien allemand Handelsblatt, il a pointé le danger de la récente accélération des crédits et affirmé que d'éventuelles bulles sur les marchés de l'immobilier seraient « préjudiciables », en raison d'effets dévastateurs sur les banques, les entreprises et les ménages, en cas de correction brutale des prix à la baisse. Dans le même temps, un autre membre du conseil des gouverneurs de la BCE, le Néerlandais Nout Wellink a assuré dans le Financial Times Deutschland que « la hausse des prix de l'immobilier dans certains pays de la zone euro, mais aussi aux Etats-Unis, est préoccupante ». 

Ajoutée aux inquiétudes de plus en plus fortes sur la croissance trop rapide de la masse monétaire "M3", qui rassemble les liquidités rapidement disponibles, cette analyse soucieuse du marché de l'immobilier pourrait inciter la BCE à augmenter plus vite que prévu ses taux d'intérêt, scotchés au très bas niveau de 2% depuis un an et demi. Au risque d'étouffer une croissance à peine renaissante dans la zone euro. L'anxiété des gardiens de la zone euro n'est toutefois pas partagée par tous. Dans une étude émanant de la BCE elle-même, publiée le 4 février, les banques de la zone euro anticipent un repli de la demande de crédits et annoncent qu'elles se montreront plus strictes pour décider de les accorder.

De même, dans une étude rendue publique la semaine dernière, l'OFCE affirme qu'il n'y aurait « pas de bulle mondiale de l'immobilier, mais uniquement dans certains pays ». Par exemple, l'Espagne et la Grande-Bretagne, où le prix de la pierre a progressé de 140% depuis 1997. Mais pas la France, où la flambée n'a été « que » de 80% et où, comme aux Etats-Unis, les prix seraient « en ligne avec les fondamentaux ». Et l'OFCE d'estimer que, même en cas de retournement du marché, le « scénario catastrophe » qui lierait surendettement des ménages et excès de l'offre « semble limité », en raison de l'absence de stocks de logements.   
logan
 
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Message par logan » 09 Sep 2005, 22:06

a écrit :Le monde diplomatique Mars 2005
Par Ibrahim Warde

Professeur associé à la Fletcher School of Law and Diplomacy (Medford, Massachusetts), auteur de The Financial War on Terror, I.B. Tauris, Londres, 2005.

Le sort du dollar se joue à Pékin

Le séjour en Europe, du 21 au 26 février, de M. George W. Bush a exprimé une volonté de rapprochement avec les pays membres de l’Union européenne. Si les divergences n’ont pas disparu, comme, par exemple, sur l’Iran ou sur les ventes d’armes à Pékin, la Maison Blanche sait qu’elle doit composer avec les dirigeants européens et chinois. Les orientations de ces derniers déterminent, au moins en partie, les taux d’intérêt, le cours du dollar et la gravité du déficit commercial américain. Dorénavant, la Chine entend bien monnayer, y compris sur le plan diplomatique, sa nouvelle puissance économique et financière.

  « C’est notre monnaie, mais c’est votre problème  (1). » La célèbre formule de l’ancien secrétaire au Trésor du président Richard Nixon, John Connally, remonte à 1971. Elle pourrait s’appliquer à la politique du dollar de la première administration de M. George W. Bush. Préoccupés prioritairement par la « lutte contre le terrorisme » et par la guerre d’Irak, les dirigeants américains se sont peu intéressés aux grandes questions économiques internationales. Certes, ils ont proclamé leur attachement à une monnaie forte, histoire de ne pas inciter les spéculateurs à trop malmener le billet vert, mais ils s’en sont remis au « marché » pour mieux occulter la question de ces « déficits jumeaux » (budgétaire et commercial), qui se sont massivement accrus.

En matière budgétaire, l’administration Bush hérita d’excédents proches de 240 milliards de dollars en 2000. La récession de 2001 (qui a provoqué de moindres rentrées fiscales), mais aussi les baisses massives d’impôts votées par un Congrès républicain (imaginant que les excédents étaient devenus structurels) et le nouveau gonflement du budget de la défense et de la sécurité intérieure consécutif aux attentats du 11-Septembre ont transformé ce surplus appréciable en déficit considérable, surtout dans une période de redémarrage de la croissance – il a atteint 412 milliards de dollars en 2004, soit 3,6 % du produit national brut (PNB). En parallèle, le déficit commercial, qui n’a cessé de se creuser pendant trois années consécutives, a atteint un record historique de 618 milliards de dollars (5,3 % du PNB), en progression de 24,4 % par rapport à l’année précédente.

Toutes les réunions du G7 (Etats-Unis, Japon, Allemagne, France, Royaume-Uni, Canada, Italie) et autres grandes conférences internationales évoquent la question des fameux « déficits jumeaux ». Mais les solutions habituellement préconisées pour rééquilibrer les comptes des Etats-Unis impliquent des choix douloureux (hausse des impôts, baisse des dépenses militaires, encouragement de l’épargne) qui vont à l’encontre des grandes orientations politiques de l’administration Bush.

L’Amérique achète 50 % de plus qu’elle ne vend à l’étranger. Et ce sont les investisseurs internationaux qui, par leurs acquisitions de bons du Trésor américains, financent le train de vie de la première puissance économique mondiale. Cet ajustement par le dollar présente l’avantage de reporter les coûts sur le reste du monde, puisqu’il revient à prendre de la croissance, des emplois et de l’épargne chez les autres. Un dollar anémique favorise la compétitivité des produits fabriqués aux Etats-Unis ; il rend les achats d’actifs américains plus attrayants pour les investisseurs étrangers (dès lors qu’ils sont moins chers) et dévalue une dette extérieure estimée à 3 000 milliards de dollars.

Il n’est pas courant dans l’histoire que le gardien de la monnaie de réserve soit aussi le pays le plus endetté. En 1913, le Royaume-Uni, au faîte de son rayonnement impérial, était simultanément le principal créancier de la planète. Il s’épuisa ensuite pendant un demi-siècle à défendre – en pure perte, mais au prix d’un affaiblissement de sa puissance industrielle – la valeur de la livre sterling. L’arme de la baisse du dollar, version nouvelle de ce que le général de Gaulle qualifiait autrefois de « privilège exorbitant » des Etats-Unis – celui d’imprimer une monnaie dont les pays étrangers ne réclament pas la contrepartie, dès lors que leurs banques centrales la stockent –, permettrait en théorie de voir les deux déficits américains, budgétaire et commercial, se résorber sans douleur.

Des considérations politiciennes sont venues s’ajouter à cette analyse. A l’approche des élections de novembre 2004, les sondages indiquaient qu’une majorité d’électeurs considéraient le sénateur démocrate John Kerry comme plus apte à conduire le redressement économique du pays. Le scrutin s’annonçant serré, le président Bush avait un besoin impératif de bons chiffres de croissance et d’emploi. Seul un dollar sous-évalué lui permettait d’escompter ce résultat (2).

Pourtant, c’est dans les semaines qui suivirent la réélection du président que la chute du dollar, déjà bien entamée, connut sa plus forte accélération. Au cours du mois de décembre 2004, le dollar battait chaque jour ou presque de nouveaux records à la baisse, atteignant à la veille de Noël le plancher historique de 1,35 dollar pour 1 euro. Au total, entre 2002 et 2004, le billet vert a perdu 20 % de sa valeur face à l’euro. Les prévisions de fin d’année, rituelles et pas toujours fiables, révélaient le consensus des banquiers et des économistes : l’année 2005 marquerait un effondrement plus spectaculaire encore de la monnaie américaine.

Une science inexacte, aux effets pervers
Plusieurs facteurs permettent de comprendre ce pronostic. La reconduction de M. George W. Bush laisse présager que tant l’aventurisme en politique étrangère que le laxisme budgétaire se poursuivront. D’autant que le président, malgré une marge de réélection modeste (trois points de plus que son rival), s’est déclaré muni d’un « mandat » pour entreprendre des réformes aussi audacieuses que coûteuses. Et prêt à « entamer son capital politique » pour mener à bien des mesures controversées, comme la privatisation partielle du système fédéral de retraites (qui, dans un premier temps, coûtera plusieurs centaines de milliards de dollars au Trésor américain) (3).
La défiance envers le dollar s’explique aussi par l’échec de la politique de réduction « par le marché » du déficit extérieur. Un dollar faible devait favoriser les exportateurs américains et pénaliser les importateurs. Or, plutôt qu’à un rééquilibrage des comptes, cette politique a contribué au creusement de déficits qui ont souligné les fragilités structurelles de l’économie américaine. Les opérateurs financiers en ont conclu que le dollar n’avait pas suffisamment baissé. Certains suggèrent même que, pour réduire le déficit commercial de moitié, la monnaie américaine devrait perdre 30 % de plus – et ne plus valoir que 0,55 euro...
D’où l’inquiétude des détenteurs de billets verts, et en particulier celle des banques centrales, qui, jusque-là, portaient le dollar à bout de bras. En 2003, elles avaient financé le déficit courant américain à hauteur de 83 % en absorbant, sans les échanger, les billets verts acquis en contrepartie des achats des Etats-Unis à l’étranger. Ainsi, les avoirs en dollars des banques centrales asiatiques atteindraient désormais 2 000 milliards de dollars. Pourquoi la Chine, le Japon et d’autres pays ont-ils accumulé autant d’actifs libellés dans une monnaie dont la valeur s’effrite ? C’est qu’ils ont voulu empêcher l’appréciation de leur propre devise sur le marché des changes, laquelle se fût produite s’ils avaient échangé leurs billets verts surnuméraires. Ces pays ont ainsi privilégié la compétitivité de leurs exportations. Et comme ils ont investi leurs dollars en obligations du Trésor américain, ils ont du même coup contribué à maintenir aux Etats-Unis des taux d’intérêt très bas. Au terme de ce cycle étrange, les déficits commerciaux américains financent... l’endettement des Etats-Unis et la très médiocre disposition à l’épargne de leurs citoyens.

Mais, en réponse à l’effritement du dollar, certaines banques centrales ont décidé de réduire leurs achats de dollars au profit d’autres monnaies, l’euro en particulier. Ce revirement stratégique s’explique : subir quelques pertes pour favoriser ses ventes à l’étranger est une chose, faire les frais d’une débandade continue en est une autre. Le 19 novembre, M. Alan Greenspan, le président de la Réserve fédérale, a jeté un pavé dans la mare en rappelant que les investisseurs étrangers se lasseraient un jour de l’accumulation des déficits et qu’une « perte d’appétit pour les actifs libellés en dollar » était inévitable (4). Quelques jours plus tard, M. Yu Yongding, membre du comité monétaire de la Banque centrale de Chine, indiquait que la Chine avait « diminué la part relative de ses réserves de change détenues en bons du Trésor américains, mais pas leur montant absolu, pour se prémunir contre la faiblesse du dollar ».
Cette tendance vient d’être confirmée par un sondage auprès de soixante-sept banques centrales publié par Central Banking Publications : au cours des quatre derniers mois de 2004, plus des deux tiers des établissements interrogés ont diminué la part relative du dollar dans leur portefeuille (elle reste démesurée, proche de 70 % du total, mais elle se situait à 80 % il y a une trentaine d’années). Pour M. Nick Carver, l’un des auteurs de l’étude, « l’enthousiasme des banques centrales pour le dollar semble s’être refroidi. L’Amérique ne doit plus compter sur leur soutien inconditionnel (5)  ». Les pays producteurs de pétrole, qui dirigent une bonne part de leurs achats vers la zone euro, ne sont pas non plus enchantés de voir la hausse des cours de leur matière première largement entamée par la baisse de valeur de la monnaie de facturation. Au demeurant, certains Etats arabes redoutent qu’un jour leurs avoirs aux Etats-Unis ne soient gelés au nom de la lutte contre le terrorisme.

La politique de change est une science inexacte, qui regorge d’effets pervers. Au-delà d’un certain seuil, les effets négatifs d’une dévaluation l’emportent sur ses avantages. Incapables de freiner la chute de leur devise, les dirigeants américains découvrent que l’arme du dollar pourrait se retourner contre eux. Pour maintenir la valeur de sa monnaie, l’Amérique a besoin d’un apport quotidien de 1,8 milliard de dollars. Et quand le crédit est atteint, le dollar cesse d’être simplement « le problème des autres ». L’anticipation d’un effritement continu peut en effet déclencher des réactions en chaîne : les investisseurs étrangers réclament des rendements plus élevés pour acquérir ou conserver des dollars, ou pour souscrire aux bons du Trésor. Plus le risque de décote est important, plus cette prime, sous forme de taux d’intérêt, doit être élevée. Or une forte hausse des taux a des effets redoutables sur les investissements et sur la consommation, en particulier aux Etats-Unis, où l’achat à crédit est plus généralisé qu’ailleurs. Il y aurait par exemple un risque de chute du marché immobilier, jusque-là favorisé par des taux d’intérêt historiquement bas. Et l’imbrication entre les systèmes économiques et monétaires est telle qu’une récession américaine aurait des conséquences pour l’économie mondiale.
L’Europe, et dans une moindre mesure le Japon, se sont retrouvés presque seuls à payer le prix de la chute du dollar. En Europe, la forte appréciation de l’euro a fait peu d’heureux, bien que le premier président de la Banque centrale européenne (BCE), M. Wim Duisenberg, eût pour devise : « Un euro fort pour une Europe forte (6)  ». La première partie de son vœu est exaucée... Mais, à présent, son successeur, M. Jean-Claude Trichet, se plaint de la chute « brutale » du dollar, qui a gravement affecté la compétitivité des industries du Vieux Continent. En 2004, la croissance de la zone euro a été l’une des plus faibles au monde. Les optimistes invétérés ont pu néanmoins déceler un avantage à un euro fort : la réduction de l’impact de la flambée du pétrole, négocié en dollars. Quand il était ministre des finances, M. Nicolas Sarkozy avait ainsi estimé en novembre 2004 que la surévaluation de la monnaie de l’Union, « ce n’est pas que du malheur ».

Depuis que la Chine a arrimé en 1994 sa monnaie (le renminbi, « monnaie du peuple », nom officiel du yuan) au billet vert, elle fait cause commune monétaire avec les Etats-Unis. Le plongeon du dollar lui a ainsi permis de maintenir sa compétitivité face à l’Amérique, et de l’accroître face au reste du monde. L’asymétrie des rapports sino-américains est frappante : le déficit avec la Chine s’élève à lui seul à 207 milliards de dollars (plus du tiers du total) (7). Aux Etats-Unis, certains se réjouissent de l’afflux de produits à des prix défiant toute concurrence : le géant de la distribution Wal-Mart, qui est aussi le plus gros employeur du pays, importe jusqu’à 70 % de ses produits de l’ancien empire du Milieu. Mais de plus en plus d’entreprises, de salariés et de responsables politiques américains voient là une forme de concurrence déloyale, et ils demandent à leur gouvernement d’exiger que la Chine laisse flotter sa devise. Il y a vingt ans, la politique monétaire et commerciale de Washington était obsédée par le Japon, ses exportations d’automobiles et d’électronique, le cours du yen...

De l’obsession du Japon à celle de la Chine
Maintes fois réitérée, la position officielle des dirigeants américains est que le yuan serait sous-évalué de 40 %, et que la banque centrale chinoise devrait cesser d’intervenir massivement pour réguler l’évolution de sa monnaie. La réponse de Pékin est ambiguë : si le débat semble bien lancé dans les cercles du pouvoir, les signaux émis restent encore contradictoires. Certains dirigeants assurent que la Chine œuvre pour rendre ses marchés de capitaux plus flexibles, en vue de relâcher, voire de supprimer, le lien fixe entre dollar et yuan. Selon le vice-premier ministre, M. Huang Ju, Pékin entend procéder par étapes « pour réformer le régime de change du yuan », sans pour autant annoncer de calendrier spécifique, car il s’agit avant tout de créer « un environnement macroéconomique stable pour établir un mécanisme de marché et un système opérationnel sain (8)  ».

D’autres écartent toute idée de changement de politique. A en croire M. Yi Gang, directeur du département de politique monétaire de l’institut d’émission, Pékin va poursuivre sa « politique monétaire d’un régime de taux de change unifié et de flottement contrôlé » afin de « préserver la stabilité et de promouvoir la croissance de l’économie chinoise ». Invité à plancher devant les ministres des finances du G7, le 4 février dernier, le gouverneur de la Banque centrale de Chine, M. Zhou Xiaochuan, a clos le débat en refusant de répondre à la question qui continue de tenir les marchés en haleine.

Car Pékin entend faire valoir son droit à la souveraineté monétaire. Ses taux exceptionnels de croissance (9,5 % en moyenne annuelle entre 1997 et 2004) et le gigantesque potentiel de son marché de 1,3 milliard d’habitants en font un eldorado pour toutes les multinationales. Devenu une véritable puissance économique, le pays représente désormais 4 % de l’économie mondiale, contre 1 % seulement en 1976. Certains estiment qu’avant 2020 la Chine pèsera quelque 15 % de la production du globe.

Plus que l’atelier du monde, le pays se veut une locomotive de l’économie internationale, pour ne pas dire une véritable puissance technologique et scientifique. Il se trouve déjà au cœur de tous les enjeux économiques, des délocalisations au gonflement du prix des matières premières, en passant par la reprise de l’économie japonaise. L’achat par le groupe chinois Lenovo de la division des ordinateurs personnels du géant américain IBM est emblématique des ambitions d’un Etat qui a déjà lancé avec succès plus de quarante satellites dans l’espace, et qui prévoit des vols habités tous les deux ans ainsi qu’un programme lunaire.
Les dirigeants chinois ont conscience des risques qu’une nouvelle donne monétaire ferait courir à leur économie. Les signes d’instabilité abondent : inflation, spéculation immobilière, faiblesse du secteur bancaire, sous-développement des marchés de capitaux. Si l’on prend en compte la montée des inégalités sociales et l’absence de démocratie, on mesure les possibilités d’une explosion politique (9). Et l’on comprend la prudence des élites, soucieuses avant tout d’éviter un ralentissement subit de la croissance, qui aurait des conséquences économiques et politiques incalculables, y compris dans les rapports avec les Etats-Unis. Car on l’oublie trop souvent : sur de nombreux dossiers sensibles – Iran, Corée du Nord, Taïwan –, la Chine continue de s’opposer à Washington.

Tout le monde, sauf peut-être les spéculateurs, a conscience qu’une gestion concertée des monnaies est préférable à la politique du chacun pour soi. La plupart des analyses de la situation monétaire internationale suggèrent néanmoins une logique de confrontation. Il est question d’« équilibre de la terreur monétaire », d’alliance entre l’Europe et le Japon pour des interventions communes sur le marché des changes, voire de « très grande alliance » opposant la Chine et les Etats-Unis au reste du monde, et en vertu de laquelle l’Amérique achèterait à la Chine ses produits, tandis que la Chine financerait les déficits américains (10). La possibilité que certains pays mettent à exécution leurs menaces – que le Japon cède une part importante de son portefeuille de bons du Trésor américains, ou que l’Amérique prenne des mesures de rétorsion contre la Chine – vient périodiquement secouer les opérateurs des marchés financiers.

Des interventions concertées des « quatre grands » (Etats-Unis, Europe, Chine, Japon) sont susceptibles de freiner la spéculation et de réduire les turbulences, sur le modèle de l’accord du Plaza, qui avait marqué un tournant dans les relations monétaires internationales. Le 22 septembre 1985, les ministres des finances et les gouverneurs des banques centrales des pays membres du G5 (Etats-Unis, Japon, Royaume-Uni, France, République fédérale d’Allemagne) s’étaient réunis dans cet hôtel de New York et avaient décidé qu’« une nouvelle appréciation ordonnée des devises autres que le dollar était souhaitable ». Ils faisaient savoir qu’« ils se tenaient prêts à coopérer plus étroitement pour l’encourager lorsque cela paraîtra utile ». Ce langage codé fut le prélude à une baisse coordonnée du dollar, sous la houlette de M. James Baker, secrétaire au Trésor du président Reagan (11).

Un accord de ce type est aujourd’hui peu probable. L’unilatéralisme ambiant ainsi que diverses considérations « idéologiques » militent contre le principe même d’une concertation. Mais, surtout, aucun des responsables économiques actuels n’est en mesure de jouer le rôle qu’avait tenu M. Baker. Le département du Trésor jouissait, il y a vingt ans, d’un rayonnement international qu’il ne possède plus. M. Paul O’Neill, le premier titulaire du titre choisi par M. George W. Bush, a été vite limogé pour cause d’indépendance. Et, dans un livre relatant son expérience à Washington, il a décrit l’actuel président comme ignorant des réalités économiques et se comportant avec son cabinet comme « un aveugle entouré de sourds (12)  ». Depuis la guerre d’Irak, M. Bush, préoccupé par les grandes croisades pour la liberté, s’intéresse encore moins aux questions d’intendance...

Sa réélection en novembre 2004 a d’ailleurs conforté la disposition de M. Bush à ne s’entourer que de béni-oui-oui. La qualité essentielle pour une nomination politique semble être la loyauté, pas la compétence. Le secrétaire au Trésor, M. John Snow, est éclipsé dans le processus de décision par les conseillers politiques du président. Quant à M. Alan Greenspan, il entame, à 79 ans, sa dernière année de présidence de la Réserve fédérale. La bataille pour sa succession est ouverte. Les prétendants doivent réaliser l’impossible – obtenir simultanément la confiance absolue du président, ce qui les oblige à défendre avec ferveur des choix économiques difficilement justifiables, et la confiance des « marchés » (13). Devant cette sorte de vacance du pouvoir économique, ceux-là mêmes qui ont réussi à « vendre » la guerre d’Irak et à assurer la réélection du président s’efforcent de convaincre le public du bien-fondé de sa politique budgétaire et financière.

Depuis le 20 janvier 2005, date officielle de l’entrée en fonctions de la nouvelle administration Bush, les « déficits jumeaux » font l’objet d’un nouveau discours et d’une nouvelle stratégie. La politique d’indifférence calculée (benign neglect) face au dollar est allée trop loin ; un risque de chute libre du billet vert existe bien. La réduction des déficits, proclame-t-on, ne se fera plus via la dévaluation du dollar, mais grâce à une forte croissance, elle-même induite par de nouvelles baisses d’impôts. Pour le président Bush, « à long terme, la meilleure façon de réduire le déficit est de faire progresser l’économie, et nous prendrons des mesures pour permettre à l’économie américaine d’être plus forte, plus innovante et plus concurrentielle ».

« Un aveugle entouré de sourds »
Le déficit commercial est désormais interprété comme le reflet de la bonne santé relative de l’économie américaine. Il ne réclamerait donc pas d’attention particulière : aux autres, Européens en particulier, de relancer à leur tour la croissance chez eux par des baisses d’impôts et des politiques plus propices à l’investissement. Pour M. John Snow, « le déficit commercial reflète deux choses : notre économie connaît un taux de croissance rapide, plus fort que celui de nos partenaires commerciaux. Le revenu des ménages est en hausse, l’emploi est en hausse, nous avons donc plus de revenu disponible, dont une partie est utilisée pour acheter des biens à nos partenaires commerciaux (14)  ». De même, M. Alan Greenspan, qui a d’abord exprimé son dépit devant l’étendue des déficits, tient à présent un discours inverse destiné a soutenir le dollar : « La flexibilité accrue de l’économie américaine va sans doute faciliter un ajustement sans conséquence grave pour l’ensemble de l’activité économique. »

Comme durant le premier mandat Bush, la politique officielle consiste à affirmer la nécessité d’une monnaie forte, mais, cette fois, les actes visent vraiment à empêcher un nouveau plongeon du billet vert. Le 2 février 2005, le comité de politique monétaire de la Réserve fédérale a porté son taux directeur à 2,5 %. L’augmentation du rendement sur les placements aux Etats-Unis permet de soutenir le dollar face à l’euro au moment où le conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne a maintenu ses taux d’intérêt directeurs à 2 %.

Sur le plan budgétaire, le président Bush réaffirme son intention de « réduire le déficit de moitié » par une politique « de rigueur » qui doit s’étendre à tous les secteurs, hors la sécurité et la défense (laquelle obtiendra 19 milliards de dollars de plus que l’année précédente). Le projet de budget 2006 réduit drastiquement ou supprime plus de 150 programmes gouvernementaux jugés par l’administration « inefficaces, redondants ou non prioritaires ». Les programmes sociaux, en particulier ceux destinés aux enfants et aux indigents, figurent dans la ligne de mire, leur montant se trouvant même réduit d’une année sur l’autre en valeur absolue.
Mais l’échafaudage budgétaire de la Maison Blanche repose sur des hypothèses fantaisistes et exclut certaines des dépenses les plus importantes. Les opérations militaires en Irak et en Afghanistan, véritable gouffre pour les finances américaines, sont oubliées (15). Tout comme les 754 milliards de dollars sur dix ans, qui représentent le coût minimal de la privatisation partielle du système de retraites.
Dans le même temps, l’administration Bush et ses alliés parlementaires tablent sur un envol des recettes, grâce à une... diminution de la fiscalité. Le président américain a donc proposé de rendre permanentes les énormes baisses d’impôts (de l’ordre de 1 800 milliards de dollars) votées sous son premier mandat en vue de soutenir la consommation et la croissance. En 2004, les recettes fiscales n’ont déjà représenté que 16,3 % du produit intérieur brut, leur niveau le plus faible depuis 1959, contre 21 % quatre ans plus tôt, à une époque où le budget était encore excédentaire...
Pour certains responsables, et non des moindres, il est toujours plus urgent de réduire les impôts que les déficits budgétaires. Ainsi, le vice-président Richard Cheney, qui entend désormais mener à bien les grandes réformes de politique intérieure, en est convaincu : « Les déficits, Ronald Reagan l’a montré, n’ont aucune importance (16).  »

Ibrahim Warde
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