Portrait de Leung Kwok-hung, député de HongKong

Message par emman » 03 Déc 2004, 11:08

C'est assez vieux et c'est à la sauce Libé donc c'est un peu dur de se faire une véritable opinion...

a écrit :
LA LONGUE MECHE


Leung Kwok-hung, 48 ans. Elu député à l'assemblée autonome de Hongkong, ce fan chevelu du Che fait tache dans un paysage politique qui ne connaît pas la rébellion.

Par Pierre HASKI


le casier du député, dans le vieux bâtiment colonial du Parlement de Hongkong, porte une petite plaque de cuivre avec l'inscription : «Honorable Leung Kwok-hung»... L'intéressé ne peut s'empêcher de sourire chaque fois qu'il en ouvre la porte. «Honorable» n'est pas le premier mot qui lui viendrait à l'esprit pour se décrire : les Hongkongais le connaissent plutôt sous son surnom, Long Hair. Leung Kwok-hung a sans doute les cheveux les plus longs de l'ancienne colonie britannique revenue à la Chine populaire en 1997.

Son élection à l'Assemblée du territoire autonome, en septembre, a créé la surprise. Cet agitateur professionnel de 48 ans, plus connu pour avoir brûlé le drapeau de la Chine communiste que pour un quelconque électoralisme, a réuni sur son nom un vote protestataire inattendu dans ce temple de la finance et du grand business. Une élection confortable s'inscrivant dans la foulée des grandes manifestations en faveur de plus de démocratie qui ont secoué le territoire depuis dix-huit mois.

Pas un jour, depuis, sans que le nouvel élu ne défraye la chronique. Lorsqu'il arrive, en retard, ce jour-là à une réunion du Conseil législatif (Legco), les caméras de télévision se tournent aussitôt vers lui. Tout le monde veut vérifier que «Long Hair» porte toujours son autre signe distinctif: un éternel T-shirt à l'effigie de son héros, Che Guevara. Il vénère le révolutionnaire qui a préféré la guérilla perpétuelle à l'exercice du pouvoir. Il s'est même lancé sur ses traces il y a quelques années, à Cuba, en Argentine et en Bolivie...

La veille, «l'honorable Leung Kwok-hung» avait eu un clash avec la présidente du Parlement à propos du code vestimentaire de l'Assemblée. Rien n'y a fait, Long Hair n'a pas cédé, et, le Che sur la poitrine, il est reparti à l'assaut de l'establishment : lors d'une audition du patron des transports publics, il l'a accusé d'être un «monstre assoiffé d'argent» en raison des tarifs pratiqués. Ce député d'un quartier populaire qui brise pour la première fois les convenances de cette société trop polie s'attire ainsi la sympathie du public.

Son anticonformisme en a fait un véritable héros populaire au moment où Hongkong redoute d'être mis au pas par Pékin. Prendre un taxi avec Long Hair en donne la mesure. Le chauffeur le reconnaît et alerte aussitôt tout son réseau par radio : «Devinez qui j'ai dans ma voiture», lance-t-il sur les ondes... S'ensuit un dialogue entre le député et les chauffeurs, et, au bout du compte, une invitation à dîner avec eux !

Leung Kwok-hung n'est pas un nouveau venu sur la scène politique. Dès 12 ans, il revendique un engagement militant, à l'époque maoïste et dirigé contre le colonialisme britannique et la classe dirigeante hongkongaise. Un choix qu'il explique simplement. Son père les avait abandonnés quand il avait 6 ans, et sa mère, originaire d'un village chinois près de Canton, était femme de ménage à Hongkong, élevant seule son fils dans des conditions d'extrême pauvreté. «C'est pour cela que je suis devenu maoïste», explique cet homme aujourd'hui la bête noire d'une Chine qui se réclame toujours du Grand Timonier, même si elle a tourné le dos à son idéologie.

Lycéen, Leung Kwok-hung a effectué un premier voyage en Chine, dans un camp de vacances maoïste. «J'ai été très impressionné, je pensais que c'était génial, que c'était la solution pour le peuple. J'étais trop jeune pour comprendre ce qui se passait réellement.» La désillusion est progressive, passe par la fréquentation d'étudiants hongkongais ayant vécu Mai 68 en France ou le mouvement antiguerre du Vietnam sur les campus américains, pour s'achever à la mort de Mao en 1976. «Le ciel s'est alors écroulé. J'ai dit adieu au maoïsme dont j'ai compris l'échec, et il appartenait à notre génération de susciter une alternative.» Il se dit depuis trotskiste, sans trop insister. Long Hair n'appartient toutefois pas à un milieu où la révolution est un passe-temps agréable. Il lave des autobus la nuit pour pouvoir militer le jour. Il suit de près toutes les évolutions de la Chine : la fin de la bande des Quatre au lendemain de la mort de Mao, le mur de la Démocratie de 1979, l'ascension de Deng Xiaoping, et, moment décisif, le mouvement démocratique de la place Tiananmen et son écrasement dans le sang en 1989. Leung Kwok-hung crée avec des amis le Groupe d'action du 5 avril qui organise le soutien aux étudiants de Pékin et au nom duquel il vient de se faire élire.

En Occident, il ferait figure de soixante-huitard attardé avec ses T-shirts Che Guevara, ses cheveux attachés jusqu'au milieu du dos, son paquet de tabac Drum à rouler, son minuscule appartement dans une HLM d'un quartier populaire de Kowloon où il vit seul, sans enfant, après un mariage rapidement dissous... Volontiers dragueur, un visage un peu ravagé par les abus de toutes sortes, mal réveillé au milieu de la matinée, il tranche avec l'image plutôt aseptisée de l'ancienne colonie britannique.

Leung Kwok-hung se définit lui-même comme un «symbole de résistance de la société aux establishments de toute sorte». Aussi bien au pouvoir des tycoons, ces milliardaires hongkongais qui contrôlent toute l'économie, qu'à celui de Pékin qui, depuis la rétrocession en 1997, s'efforce de dompter une terre désormais chinoise mais encore un peu trop rebelle.

Le passage des protestations de rue à l'enceinte du Parlement constitue pour lui aussi une véritable révolution. «Je ne sais pas ce que je vais faire de cette victoire, confie-t-il. C'est étrange, un peu irréel.» Craint-il la «récupération bourgeoise» ? «Je suis trop vieux pour ça», dit-il. Pour éviter les trop grandes tentations, il a renoncé aux trois quarts de son salaire pour en faire don à son organisation et n'a pas l'intention de déménager dans les beaux quartiers.

Pour l'heure, il a franchi tous les obstacles. Le premier était sa prestation de serment de fidélité à la république populaire de Chine. Ne pouvant en modifier les paroles, il l'a prononcé de manière saccadée, jurant fidélité à la république, au peuple et à la Chine, pas à l'institution communiste... Et il portait ce jour-là un T-shirt avec l'inscription : «Ne pas oublier le 4 juin», le jour de l'entrée des chars sur la place Tiananmen en 1989. Il a amorcé une nouvelle bataille sur sa tenue, voulant d'abord gagner le droit de s'habiller comme il l'entend avant de décider, volontairement, de renoncer à exhiber constamment l'effigie du Che...

Long Hair se sait condamné : «Ils vont chercher à me piéger pour m'exclure au plus vite», dit-il, réaliste. «Ils», ce sont les autorités hongkongaises pro-Pékin qui supportent mal son défi permanent, mais aussi les opposants démocrates, trop polis, trop raisonnables, agacés par ce trublion. Le South China Morning Post, le grand quotidien libéral anglophone de Hongkong, l'appelle déjà à «arrêter son théâtre» pour devenir un député comme les autres. Ce Robin des Bois mâtiné de trotskisme irrite autant qu'il suscite l'admiration.

«L'honorable» Leung Kwok-hung, lui, savoure chaque instant de cette folle aventure, avec le regard pétillant du gamin qui sait qu'il fait des bêtises.
emman
 
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