par Front Unique » 06 Nov 2008, 23:50
Informations ouvrières n° 21 Semaine du 6 au 12 novembre 2008
L'ÉDITO PAR DANIEL GLUCKSTEIN
Une victoire ?
LE gouvernement a-t-il renoncé à privatiser La Poste ? Après les déclarations du
conseiller de Sarkozy, Guaino, et du ministre Chatel, le Parti communiste français, ce 2 novembre, se « félicite de cette formidable victoire ». Besancenot salue « une première victoire sociale ». Parlant au nom du « Comité national pour le
référendum », Jacques Lemercier estime que « ça va dans le sens de ce qu'on
souhaite ».
Une victoire ? Quels sont les faits ?
Compte tenu de la crise, l'ouverture du capital à La Poste « n'est pas d'actualité », a expliqué Luc Chatel, conscient du manque de capitaux disponibles pour l'opération.
Mais il a ajouté : « Il n'en demeure pas moins que La Poste a besoin d'argent (…) pour se préparer à l'ouverture à la concurrence en 2011. » Donc, le cap de la privatisation est maintenu. Et Chatel de préciser : « C'est la commission Ailleret qui nous dira fin décembre quelles sont ses propositions de financement pour La Poste. » Ainsi, le gouvernement reconnaît que tout dépend de la commission Ailleret. Nous l'avons dit et répété dans ces colonnes : isolé et en crise, le gouvernement Sarkozy- Fillon ne peut faire passer ses contre-réformes qu'à condition d'y associer les représentants des organisations qui se réclament de la classe ouvrière et de la démocratie. C'est ce qu'ils appellent « l'unité nationale ».
La preuve : il aura suffi que, dans les jours précédents, la fédération Force ouvrière de la communication (suivie par les fédérations CFTC et SUD) suspende sa participation à la commission Ailleret pour que le gouvernement fasse ces
déclarations qu'il veut rassurantes (1).
Seulement voilà : une porte est soit ouverte, soit fermée. Si elle est un peu fermée, c'est qu'elle est restée ouverte. De même un service ne peut-il être à la fois public et privé. S'il est partiellement privé, c'est qu'il n'est plus public.
A quelles conditions le service postal redeviendra-t-il intégralement service public ? A condition que son financement soit totalement public, qu'il ait comme seule mission de satisfaire aux besoins du public et non pas la rentabilité financière, que les personnels relèvent du statut de la fonction publique, et enfin, surtout, que La Poste reste un monopole de service public. Car, sans monopole, un service public, confronté à la concurrence de groupes privés, est tenu de s'aligner sur les règles du privé, sauf à disparaître.
D'où l'importance de la proposition de loi, désormais soutenue par 4 200 élus, et qui formule cette exigence : retour au monopole. Hostile à cette proposition, le député socialiste européen, Gilles Savary, déclare : « Si l'Assemblée nationale refusait de transposer une directive, en particulier la directive postale (…), ce seraient les principes généraux des traités de l'Union qui s'appliqueraient et qui pourraient être opposables devant un tribunal. » Si l'on comprend bien : le député socialiste Savary, qui affirme être hostile à la privatisation, propose d'appliquer les directives qui imposent la privatisation, car sinon, ce serait pire ! Nous suggérons au député socialiste Savary de tirer de son exposé des faits (indiscutables) la conclusion inverse : si, pour préserver le monopole de service public, il n'est pas d'autre choix que d'abroger les directives et de remettre en cause le carcan de l'Union européenne, pourquoi ne pas s'orienter dans cette voie ? Et, pour commencer, pourquoi ne pas, en bloc et une fois pour toutes, quitter la commission Ailleret ?
(1) Le 4 novembre, la CFTC et la fédération FO Com annoncent réintégrer la commission Ailleret.