Informations Ouvrières N° 846 semaine du 22 au 28 mai 2008
Où le gouvernement puise-t-il une telle audace ?
15 mai au soir : alors que la grève a été massive, tout particulièrement parmi les enseignants des écoles primaires et maternelles, Sarkozy annonce une loi remettant en cause le droit de grève de ces derniers.
Trois jours plus tard, le Premier ministre a annoncé, en plus de cette loi, que le Parlement en adoptera deux autres : une loi instaurant le travail forcé obligatoire pour les chômeurs, dynamitant à terme toutes les garanties collectives des salariés (au nom de l’« offre raisonnable d’emploi ») ; une loi contraire à la loi de 1884 sur la liberté syndicale, soumettant la reconnaissance de la représentativité syndicale au bon vouloir de chaque patron, entreprise par entreprise (1) ; et la loi contre le droit de grève.
A quoi s’ajouteront au second semestre 2008, précise Fillon : les contre-réformes frappant l’assurance maladie, le logement social, les minima sociaux, la politique familiale… Sans oublier le passage, par simple décret, aux 41 annuités pour une retraite à taux plein !
Tout travailleur se pose la question : où le gouvernement Sarkozy-Fillon puise-t-il une telle audace, au moment même où sa politique est rejetée massivement dans tout le pays ?
Ajoutons que le gouvernement veut faire passer aussi la réforme des institutions.
Parmi les modifications proposées : la réduction de toute la vie politique à deux grands partis, le renforcement des pouvoirs du président et… l’inscription dans la Constitution de l’obligation de non-déficit dans le budget de l’Etat comme dans celui de la Sécurité sociale !
Aux directives de l’Union européenne — dont la transposition, rappelons-le, occupe près de 90 % des votes du Parlement — s’ajouterait désormais la camisole enfermant constitutionnellement tout gouvernement, présent ou à venir, dans les critères du pacte de stabilité européen gravés dans la Constitution !
Qui dicte cette contre-réforme ?
« Paris s’efforce de donner des gages à Bruxelles », explique La Tribune (19 mai). « A compter du 1er juillet, la France prend la présidence de l’Union européenne », rappelle Le Parisien, qui précise : « Pas question pour Nicolas Sarkozy (…) de risquer le reproche d’un certain laxisme en matière de finances publiques. »
Que répond « l’opposition » à cette contre-réforme institutionnelle en cours ?
« Si le gouvernement veut faire passer sa réforme, il le peut en accédant à nos demandes », déclare le secrétaire national du PS chargé des institutions (2), qui se félicite d’avoir déjà obtenu des « corrections » positives. Il fait des offres de service : « Réformer les institutions mérite (…) un grand accord républicain (…). Tout reste possible. »
Tout reste possible… pour adopter une Constitution encore plus réactionnaire, plus antidémocratique, plus soumise que jamais aux ordres de Bruxelles et de la Banque centrale européenne ?
N’est-ce pas cette soumission des dirigeants du PS au carcan de l’Union européenne qui explique l’assurance du gouvernement ? N’y voit-il pas la garantie qu’il peut poursuivre sur la voie destructrice sur laquelle il est engagé ?
Au point qu’avec arrogance le ministre Woerth déclare — sans être contredit — que « si la réforme des institutions échouait (…), cela voudrait dire que la gauche voterait contre les réformes qu’elle a appelées de ses vœux depuis des années » (3).
L’attitude vis-à-vis de l’Union européenne détermine le positionnement de tout parti. Ne pas remettre en cause les institutions de Maastricht-Lisbonne, c’est renoncer à la démocratie. C’est tourner le dos aux exigences portées par les luttes de classe en cours.
On a vu la position des dirigeants du PS.
Les dirigeants du PCF, eux, organisaient ce week-end une « rencontre européenne » pour « réinventer la gauche en Europe ». Cinq pages de compte rendu dans L’Humanité : aucune remise en cause de l’Union européenne, de la Banque centrale européenne, de ses directives. Seul un syndicaliste allemand évoque-t-il timidement la nécessité de « s’attaquer à l’orientation actuelle de l’Europe » : mais peut-il y en avoir une autre ?
[modération] (calomnie contre un dirigeant d'extrème-gauche)
Par sa contre-réforme constitutionnelle, le gouvernement en fait lui-même la démonstration : on ne peut satisfaire aux exigences ouvrières et populaires sans s’engager sur la voie de la rupture avec l’Union européenne. Ni Union européenne ni réforme des institutions ! Rupture avec Maastricht-Lisbonne, Assemblée constituante pour redonner à la nation les moyens de décider souverainement de son avenir, de rétablir les droits bafoués et de jeter les bases d’une authentique union libre des peuples libres d’Europe !
Telle est la proposition du parti ouvrier authentique qui verra le jour en juin prochain.
Daniel Gluckstein
(1) Loi issue de la position commune Medef-CGPME-CGT-CFDT.
(2) Interview donnée au Journal du dimanche (28 mai 2008).
(3) Le Parisien (18 mai 2008).
(4) Lire page 5.