par Front Unique » 03 Nov 2007, 11:20
Informations Ouvrières N° 818 - L'éditorial du 1er novembre 2007
De quoi ont-ils peur ?
Du peuple et de la démocratie
Signant le traité européen de Lisbonne, le président Sarkozy a confirmé son intention : il n’y aura pas de référendum. Le 29 mai 2005, c’est pourtant le peuple français qui, par référendum, avait rejeté le traité constitutionnel. La démocratie n’exige-t-elle pas de respecter le vote souverain du peuple ? Un sondage indique que 61 % des Français sont favorables à la convocation d’un référendum pour ou contre la ratification du traité de Lisbonne (1).
Comment comprendre que ceux qui nous gouvernent aient tellement peur d’un référendum ?
Comment comprendre que le premier secrétaire du Parti socialiste, François Hollande, déclare : « Si la gauche était venue au gouvernement, elle aurait convoqué un référendum, mais le président a dit qu’il ne le ferait pas. J’en prends acte et je le déplore » ? Face à un véritable viol de la démocratie, peut-on se contenter de « prendre acte » ? Peut-on se contenter de « déplorer » ?
Chacun le comprend : si référendum il y avait sur le traité de Lisbonne, il y aurait débat sur ce traité. Les projecteurs seraient braqués sur son contenu. Et sous le feu des projecteurs, il apparaîtrait ceci : « Les propositions institutionnelles du traité constitutionnel (celui de 2005) (…) se retrouvent intégralement dans le traité de Lisbonne, mais dans un ordre différent. »
Cela, ce n’est pas nous qui le disons, mais l’ancien président Giscard d’Estaing, « père » du traité rejeté en 2005 et favorable au traité de Lisbonne (2). Giscard d’Estaing ne fait que rejoindre ici ce qu’écrivait le journal du capital financier Les Echos la semaine dernière, expliquant que le traité de Lisbonne consistait à « présenter le même texte sous une autre forme » (3).
Oui, si référendum il y avait, nul ne pourrait empêcher les projecteurs d’éclairer ce fait : le « nouveau » traité de Lisbonne n’est que la réplique du traité constitutionnel rejeté en 2005.
Si référendum il y avait, nul ne pourrait empêcher le débat politique de mettre en évidence que toutes les attaques qui amènent ouvriers, employés, jeunes, chômeurs, retraités, paysans, mères de famille, internes à se dresser pour leurs revendications trouvent leur origine dans les dispositions des traités européens que le traité de Lisbonne prétend graver dans le marbre.
Par exemple, les mesures qui viennent d’être annoncées sur les retraites (liquidation des régimes spéciaux et passage à 41 annuités) sont la stricte application du sommet de Barcelone, en mars 2002, qui a exigé des Etats de l’Union européenne qu’ils augmentent « d’ici 2010 d’environ 5 ans l’âge moyen effectif auquel cesse dans l’UE l’activité professionnelle » (lire page 2).
Même chose pour les franchises sur la Sécurité sociale : elles visent à faire payer les malades pour respecter les exigences de l’Union européenne sur les déficits publics.
Même chose pour le blocage des salaires, qui dresse contre lui à Air France, dans la fonction publique, dans le privé, des travailleurs de plus en plus nombreux, et dont la source est le pacte de stabilité instauré par le traité de Maastricht et aggravé par le traité de Lisbonne.
C’est de cela qu’ils ont peur. Ils ont peur que l’inévitable débat politique, préalable à un référendum, amène le peuple français à prendre conscience des enjeux et à rejeter une nouvelle fois, en 2008, ce qu’il a déjà rejeté le 29 mai 2005.
C’est du peuple qu’ils ont peur. C’est de la démocratie qu’ils ont peur. La démocratie dans la forme et aussi dans le contenu, c’est-à-dire la défense, la reconquête de tout ce qui a été arraché par le combat démocratique et ouvrier depuis deux siècles.
Pour notre part, nous pensons que la démocratie, c’est que le peuple doit décider.
La démocratie, c’est qu’il y ait référendum.
La démocratie, c’est l’unité pour le rejet du traité de Lisbonne.
La démocratie, c’est une fois pour toutes sortir des institutions antidémocratiques, d’exploitation, d’oppression et de régression de l’Union européenne.
Daniel Gluckstein
(1) Le Parisien, 29 octobre 2007.
(2) Le Monde, 27 octobre 2007.
(3) Les Echos, 23 octobre 2007.