Informations Ouvrières N° 810 - L'éditorial du 6 septembre 2007
Deux voies
“Le Président de la République pourrait demander aux syndicats de plancher sur de nouvelles taxations pour la Sécu (1). »
Voilà l’essentiel du programme du gouvernement Sarkozy-Fillon : les syndicats devraient procéder eux-mêmes aux « réformes ».
Réunis à La Rochelle, les dirigeants du Parti socialiste leur font écho (lire page 7).
Que chaque travailleur, chaque jeune, chaque retraité réfléchisse à ce qu’on lui présente comme vérité d’évangile : il faut ré-for-mer.
En particulier, réformer le financement de la Sécurité sociale, qui ne peut plus exister comme avant (2) !
Ce n’est pas la première fois que les travailleurs entendent ce discours.
En 1991, la « réforme » Rocard instaurait l’impôt CSG (contribution sociale généralisée) et les exonérations de cotisations pour les patrons.
En 1995, la « réforme » Juppé instaurait un « budget carcan » de la Sécurité sociale cadré par le pacte de stabilité de Maastricht.
En 2004, la « réforme » Douste-Blazy finalisait le principe de l’enveloppe fermée des dépenses de santé.
Toutes ces « réformes » ont pour effet que les travailleurs se soignent de moins en moins.
Peut-on ici parler de réformes, c’est-à-dire de « changements qu’on apporte dans l’espérance d’obtenir de meilleurs résultats » (3) ?
Il s’agit, en vérité, de contre-réformes.
Et il en faudrait de nouvelles ?
Pourquoi ?
Jusqu’à quand ?
On nous dit que, sans « réforme » du financement, la Sécurité sociale est menacée de faillite, qu’elle ne pourrait plus rembourser les soins, que la recherche sur la maladie d’Alzheimer ou le cancer serait impossible.
Cet argument ne tient manifestement pas debout.
D’où vient la « crise » de la Sécurité sociale ? D’où vient le prétendu déficit ?
Des exonérations accordées aux patrons : plus de 20 milliards d’euros cette année, plus de 200 milliards d’euros depuis 1991.
Des « réformes » Juppé et Douste-Blazy instaurant « l’enveloppe fermée » conforme aux critères de Maastricht.
Ce n’est pas d’un manque de réformes dont souffre la Sécurité sociale, c’est d’un trop plein de contre-réformes.
Qu’on abroge les contre-réformes appliquées depuis 1991 et, en particulier, qu’on rende à la Sécurité sociale les 200 milliards d’euros d’exonérations : il n’y aura alors plus de « déficit », plus de crise de la Sécurité sociale.
Abroger les contre-réformes : est-ce possible ?
Non, répondent l’Union européenne et tous ses partisans.
Non, répondent les fonds de pension nord-américains, qui lorgnent sur la masse financière de la Sécu pour l’ouvrir à la spéculation.
Non, répondent les capitalistes, pour qui la Sécu imposée en 1945 par l’action de la classe ouvrière est une anomalie qu’il faut éliminer.
Abroger les contre-réformes : est-ce possible ?
Oui, c’est possible et nécessaire, répondent les travailleurs, car la Sécurité sociale, conquise par la lutte de classes en 1945, est la propriété collective de toute la classe ouvrière.
Travailleurs et jeunes sont en présence de deux voies.
La voie de la « réforme » de la Sécurité sociale et de son financement. Quelles que soient les propositions et les intentions, s’engager dans cette voie, c’est s’engager dans la voie imposée par Bruxelles et la classe capitaliste, dans le seul but de détruire.
Ou bien la voie de l’abrogation des contre-réformes Rocard, Juppé, Douste-Blazy. C’est la voie du retour des 200 milliards d’euros à la classe ouvrière, la voie du retour à la Sécurité sociale de 1945, l’abrogation des franchises, des déremboursements, etc.
Telle est la voie ouverte par l’appel du comité provisoire pour un parti ouvrier, qui n’hésite pas, dans ce but, à prôner la sortie de l’Union européenne.
N’est-ce pas le seul moyen d’agir pour l’unité et l’indépendance de la classe ouvrière et de ses organisations ?
Daniel Gluckstein
(1) Le Journal du dimanche, 2 septembre 2007.
(2) Le même discours vaut pour les « réformes » des retraites, des statuts, du Code du travail, du droit de grève, etc.
(3) Dictionnaire Le Robert.