Gérard SCHIVARDI répond au questionnaire que la CONVERGENCE NATIONALE DES COLLECTIFS DE DEFENSE ET DE DEVELOPPEMENT DES SERVICES PUBLICS a adressé à tous les candidats.
"POUR DÉFENDRE LES SERVICES PUBLICS PEUT-ON NE PAS ROMPRE AVEC L'UNION EUROPÉENNE ?"
www.schivardi2007.comwww.parti-des-travailleurs.orgCONVERGENCE NATIONALE DES COLLECTIFS DE DEFENSE ET DE DEVELOPPEMENT DES SERVICES PUBLICS
QUESTIONNAIRE
Adressé aux candidat-e-s aux élections présidentielles dans le cadre des Etats généraux du service public le 10 mars à Paris
1/ SERVICE PUBLIC FRANÇAIS ET DIRECTIVES EUROPEENNES
Comptez-vous agir pour une autre orientation en Europe et œuvrer pour une législation européenne favorable aux services publics, reconnaissant également aux Etats membres le droit de protéger leurs services publics du dumping social ?
Gérard Schivardi : Je crois qu’il faut être très précis. Le cadre même de l’Union européenne et de ses traités est antinomique à la possibilité de préserver les services publics. En effet :
- L’article 3 des traités de Maastricht et d’Amsterdam portant sur les principe stipule que l’Union européenne est « un régime assurant que la concurrence n’est pas faussée dans le marché intérieur ».
- L’article 87 stipule : « Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun (…) les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d’Etat sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence.»
- Or ce que l’Union européenne appelle les « aides d’Etat », ce sont notamment les subventions d’Etat sans lesquelles les services publics ne peuvent ni assurer leur mission ( péréquation, égalité des droits des citoyens, etc.), ni faire face à la concurrence d’entreprises privées introduites en vertu de la libre concurrence.
- C’est pourquoi je me prononce pour la rupture avec l’Union européenne, ce que les réponses aux questions suivantes que vous posez vont permettre d’étayer.
2/ SERVICES PUBLICS A RECONQUERIR.
Comment comptez-vous agir pour stopper cette politique de casse des services publics ? Entre autres exemples :
à propos de l’énergie, quelle est votre position sur la restitution à EDF et à GDF du monopole de la production, du transport, de la distribution et de la vente d’électricité et de gaz ?
Gérard Schivardi : Je suis évidemment favorable au retour au monopole tel que vous le définissez et je préfère utiliser la formule de renationalisation d’EDF et GDF qui est plus nette. Cette exigence est totalement contradictoire aux directives européennes N° 2003/54 et 2003/55 qui prônent l’ouverture complète à la concurrence des marchés de l’énergie. Je crois que si l’on veut parler sérieusement du retour au monopole d’EDF-GDF, il faut citer précisément la directive 2003/55 qui stipule : « Les Etats membres (…), dans le respect du principe de subsidiarité, veillent à ce que les entreprises de gaz (…) soient exploitées conformément aux principes de la présente directive en vue de réaliser un marché du gaz concurrentiel. » (article 3).
La remise en cause du monopole de GDF est directement l’application de cette directive européenne exigeant l’ouverture des marchés.
Je vous signale d’ailleurs que le 12 décembre 2006, la Commission européenne a engagé des poursuites contre 16 Etats membres de l’Union européenne, dont la France, accusés « de violation des directives de 2003 sur l’ouverture des marchés du gaz et de l’électricité ». La Commission européenne met en particulier en cause la prérogative des Etats de fixer les tarifs, jugés trop bas pour être rentables pour les multinationales du secteur. C’est pourquoi la Commission de Bruxelles a dénoncé « La persistance de tarifs de fourniture réglementés » du gaz et de l’électricité.
Et le 10 janvier 2007, la Commission européenne a proposé ce qu’elle a appelé « un paquet intégré de mesures dans le domaine de l’énergie » qui se traduit notamment par l’exigence de « dissocier les activités de production et de distribution de gaz et d’électricité » (Le monde, 12 janvier). C’est à dire le démantèlement des monopoles.
C’est pourquoi, je le répète, on ne peut se prononcer sérieusement pour le retour au monopole d’EDF et GDF, et donc pour leur renationalisation, sans exiger l’abrogation des directives européennes de 2003, et pour cela, la rupture avec l’Union européenne.
sur la Poste, vous engagerez-vous :
a) à garantir la péréquation, le prix unique du tarif du timbre, sur tout le territoire, les DOM-TOM, pour tous les envois relevant du service universel ;
8) à supprimer toute possibilité pour La Poste de modifier son régime de distribution et de collecte en raison de circonstances liées à la géographie et aux infrastructures ;
c) à exiger de La Poste une reconstitution de ses services financiers en leur assignant des missions claires de service public dans le domaine du crédit et des prestations bancaires ?
Gérard Schivardi : Je partage bien évidemment vos trois exigences. Mais là encore, on ne peut dissocier votre demande légitime de la qualification précise des exigences de Bruxelles. En effet, deux directives européennes successives 97/67/CE et 2002/39/CE ont ouvert à la concurrence l’acheminement des plis postaux à partir de 350 g, puis de 100g, puis de 50 g depuis le 1er janvier 2006. Et le 18 octobre 2006, la Commission européenne a présenté sa proposition de troisième directive européenne postale, qui, déclare-t-elle, « vise à ouvrir totalement à la concurrence les marchés des services postaux de l’UE d’ici à 2009. »
La Commission européenne précise d’ailleurs : « Les bureaux de poste pourraient être remplacés par des agences postales franchisées, moins coûteuses dans certaines régions (…). Les modalités d’accès au service postal universel pourraient évoluer dans certains cas (…) par l’assouplissement des horaires d’ouverture. » Et en vertu de cette troisième directive européenne postale, c’est le prix unique du timbre qui est en même temps remis en cause par Bruxelles.
Je me suis permis ces quelques rappels car je ne pense pas qu’on puisse défendre valablement le service public de la poste sans exiger l’abrogation des directives européennes postales et pour cela, la rupture avec l’Union européenne.
- sur les Télécommunications pensez-vous :
a) qu’elles représentent un secteur stratégique pour la vie économique et sociale d’un pays et qu’à ce titre, leur développement, les choix d’investissements doivent être décidés par l’autorité publique ?
8) que celle-ci doive également encadrer les tarifs et les services de base comme installation de matériel, services après vente …
Gérard Schivardi : Je partage le fait que les télécommunications doivent redevenir un service public. Mais une fois encore il me semble nécessaire de préciser car c’est certainement le secteur qui a connu le plus de directives européennes successives allant dans le sens de la privatisation. Je n’en évoquerai que les principales : La 90/388/CEE en vertu de laquelle France Télécom est devenu un établissement public autonome assujetti aux règles commerciales et non plus administratives, la 95/62/CE qui a abouti à transformer France Télécom en société anonyme (le gouvernement Jospin a d’ailleurs introduit en Bourse 21% du capital de France Télécom en octobre 1997). La 96/19/CE qui a ouvert à la concurrence privée les appels longue distance et internationaux. La 98/10/CE et la 2002/77/CE qui ont ouvert à la concurrence le téléphone de base.
J’ajoute à cela que le 13 décembre 2006 la Commission européenne a saisi la Cour européenne de Justice contre la France « pour contester le mécanisme de désignation du service universel en France » La Lettre quotidienne L’Expansion.Com a précisé ce dont il s’agit : « La directive de 2002 prévoit que les Etats s’assurent qu’aucun opérateur ne soit exclu a priori de la procédure, or la loi française permet au gouvernement de ne désigner qu’un seul opérateur — en l’occurrence France Télécom — pour fournir le service universel dans tout le territoire. » Ce qui a été jugé inacceptable par la Commission de Bruxelles.
Vous comprendrez aisément qu’on ne peut poser le problème de la reconquête du service public de France Télécom, ce qui signifie pour moi sa renationalisation, sans exiger l’abrogation des directives européennes et plus généralement la rupture avec les prérogatives exorbitantes de la Commission européenne inscrites dans les traités.
Plus généralement, sur quelles privatisations de services publics accomplies ou en cours décideriez-vous de revenir (énergie, poste, autoroutes, SNCF …)
Gérard Schivardi : Je suis pour la renationalisation et la reconquête de tous les services publics sans exception.
Etes-vous d’accord sur une critique du désengagement de l’Etat, et sur le refus des réductions des budgets publics ? Si oui, comment les articulez-vous avec votre conception du pouvoir régional ? (exemple concret : que pensez-vous du retour des personnels TOS à l’Etat ?)
Gérard Schivardi : Partisan de la République une et indivisible, je suis contre toute notion de « pouvoir régional ». Le transfert de compétences aux régions n’a qu’un but : permettre le désengagement de l’Etat avec pour conséquence la remise en cause de l’unité de la République et de l’égalité en droits des citoyens. Quant au désengagement de l’Etat, il me semble nécessaire de préciser quelle en est la cause. Là encore, on ne peut dissimuler que c’est directement l’application des traités de Maastricht et d’Amsterdam, et en particulier de l’article 104 qui stipule : « Les Etats membres évitent les déficits publics excessifs ».
C’est en application de cet article du traité que depuis des années et des années on assiste à un désengagement financier de l’Etat, à une asphyxie de tous les budgets publics, à des fermetures de milliers de classes, de maternités, de services d’urgence, etc. C’est pourquoi je suis pour le retour des personnels TOS à l’Etat, comme d’ailleurs des personnels des routes, de l’équipement, et de tous les autres personnels qui ont été transférés aux collectivités locales.
3/ SERVICES PUBLICS A DEVELOPPER.
Quelles mesures prendrez-vous pour accroître leur rôle dans la mise en œuvre d’un développement solidaire de la société assurant l’égalité de traitement des citoyen-ne-s sur tout le territoire ?
Etes-vous prêt à réorienter les règles de gestion les soumettant actuellement aux critères financiers ? A développer les coopérations public-public en prenant appui sur les complémentarités entre les services de l’Etat et ceux des collectivités territoriales.
Quelles créations de nouveaux services publics envisagez-vous ?
Gérard Schivardi : Le point de départ pour réfléchir à tout développement nouveau de services publics est d’abord de rompre avec le Pacte de stabilité et les critères de convergence fixés par le Traité de Maastricht, et notamment celui imposant que les déficits publics ne dépassent pas 3 % du PIB. Tant qu’on ne sortira pas de ce carcan toute autre discussion me semble vaine.
4/ FINANCEMENT DU SERVICE PUBLIC - REDISTRIBUTION DES RICHESSES.
- Pensez-vous que le financement du service public soit la raison de l’importance du déficit public ? Et comptez-vous agir pour de nouveaux moyens de financement des services publics ?
Comment comptez-vous mettre les collectivités locales en mesure d’assumer financièrement les missions de service public qui sont de leur ressort ?
Gérard Schivardi : Je récuse le carcan de la notion même de déficit public. Les finances publiques sont asphyxiées par les réductions successives des impôts et notamment de l’impôt sur les sociétés. Le service public ne doit pas répondre à d’autres considérants que la satisfaction des besoins de la population, et donc pour ce faire ne doit pas être soumis à des critères financiers de rentabilité. Voilà pourquoi pour moi il faut sortir du carcan dicté par Maastricht sur les déficits publics.
5/ SERVICE PUBLIC ET STATUT DES AGENTS.
Comptez-vous retirer pour l’ensemble des Services publics toutes les mesures entraînant une régression des moyens matériels et humains, tout en reconnaissant les missions spécifiques de la Fonction publique appuyée sur le respect des statuts, des métiers et des personnels ?
Gérard Schivardi : Je suis pour le retour plein et entier au statut de la Fonction publique, car il ne saurait y avoir de véritable service public sans que les personnels reconquièrent pleinement leur statut. Ce qui intègre pour moi comme exigence le retour aux 37,5 annuités pour tous pour les retraites, pilier du statut, dont je regrette que vous ne parliez pas.
6/ SERVICE PUBLIC ET DEMOCRATISATION.
- Etes-vous d’accord pour reconnaître de nouveaux droits pour les salariés comme pour les citoyens ?
partagez-vous la nécessité de faire vivre, à tous les niveaux, des commissions des services publics associant les élus, les représentants des salariés et des usagers ? Ces commissions réunies régulièrement (au moins deux fois dans l’année) devraient disposer de véritables prérogatives concernant le fonctionnement et l’évaluation des services publics.
Gérard Schivardi : Avant d’envisager de nouveaux droits il me semble prioritaire de garder ceux qui existent et de reconquérir ceux qui ont été perdus. Concernant l’évaluation des services publics dont vous parlez, je récuse l’idée même d’en appeler sous forme institutionnelle à des représentants des « usagers ».
Ce n’est ni à un parent d’élève de dire aux enseignants comment instruire, ni à un usager de transport de dire à un conducteur de train ou de bus comment il doit procéder.
La condition pour que les citoyens puissent être satisfaits du fonctionnement de leurs services publics, c’est, je le répète, l’abrogation de toutes les directives européennes de privatisation, et pour cela, la rupture avec l’Union européenne.