Cette histoire est très compliquée. Voici un article de Colette Braeckmann, spécialiste de la question qui a écrit un livre et de nombreux articles dénonçant le röle de l'impérialisme français au Rwanda (publié sur son blog.)
Cette article aide un peu à comprendre le contexte. Une partie des militaires, des services secrets et des politiciens (notamment proches de Mitterrand et de son fils "Papamadi") sont mouillés dans le génocide du Rwanda. Péan et le juge Bruguières ont volé à leur secours en essayant de mettre le génocide sur le dos de Kagamé. D'où la rupture diplomatique entre la France et le Rwanda. Mais Sarko et Kouchner voudraient rétablir les relations avec Kagamé pour ne pas laisser la place aux rivaux anglo-américains... Dans cette affaire, Péan a été aidé et/ou manipulé (avec son accord car ce n'est pas un crétin) par le clan anti-Kagamé qui redoute qu'un compromis avec le Rwanda ne se fasse sur son dos, par exemple en sacrifiant quelques complices des génocideurs. Le rapport publié par le Rwanda est en effet terrible et très précis : il cite nommément des officiers français. La validité de l'essentiel de ce rapport diffusé à l'échelle internationale est très difficile
à nier pour l'Etat français.
Par ailleurs, la multiplication des scandales s'inscrit peut-être aussi dans le cadre de réglements de comptes droite-gauche, voire une partie de la droite contre Kouchner. Autre attaque du même genre : hier dans
le Parisien une enquête annoncée en première page sous le titre : "Qui finance Ségolène Royal ?".
Les déballages sordides ne font que commencer...
a écrit :
Désireux d’immoler Kouchner Péan fait flèche de tout boisposté le 3 février 2009 |
In cauda venenum. Pierre Péan a gardé pour la fin de son livre le coup de Jarnac destiné à Bernard Kouchner, qu’il accuse de conflits d’intérêts : des informations selon lesquelles, entre 2002 et 2007, le père des French Doctors se serait livré à de lucratives activités de consultant dans le domaine de la santé. Alors qu’il présidait un groupement d’intérêt public, Esther, un outil d’intervention de la France en matière de santé publique, spécialisé dans la coopération en matière hospitalière, M. Kouchner, qui avait été ministre de la santé dans le dernier gouvernement de gauche, avait débordé dans le privé. Au nom de deux sociétés, Africa Steps et Imeda, gérées par deux de ses proches, il a dispensé de coûteux conseils à deux présidents africains plus connus pour être des piliers de la Françafrique que des obsédés de la santé publique, le président du Gabon Omar Bongo et son beau-père le président du Congo Brazzaville Denis Sassou Nguesso, qui auraient commandité des rapports pour un montant de 4,6 millions d’euros.
A la lumière de l’Angolagate, qui montre jusqu’où peut aller la collusion entre le monde politique, une société privée (Total) et un gouvernement étranger et se souvenant du rapport ramené de Birmanie par le même Kouchner (rémunéré par Total) dans lequel il exonérait la junte des accusations de travaux forcés dont elle faisait l’objet, les révélations de Pierre Péan ne font que confirmer ce que l’on savait déjà : la tendance très française de la confusion des genres et du conflit d’intérêt, plus particulièrement lorsqu’il s’agît de l’Afrique.
Auparavant, ce n’est pas au bistouri, mais avec une dague que Pierre Péan a pris plaisir à dépiauter la politique des bons sentiments menée par le fondateur de Médecins sans frontières, du Biafra jusqu’au Kosovo. Ce texte pamphlétaire mais bien documenté fera réfléchir tous les partisans du droit d’ingérence car il montre les coulisses de l’histoire : Kouchner, jeune médecin à Cochin se fait connaître au Biafra où, en réalité, la France de Foccart et de Total soutenait la rébellion contre le pouvoir central du Nigeria (déjà une guerre pour les ressources…), il débarque en Somalie en coltinant des sacs de riz et en regardant les caméras bien en face, il amène François Mitterrand à Sarajevo et retourne l’opinion à l’avantage des Bosniaques et des Croates…Au passage, Péan analyse la « méthode Kouchner », qui a fait école: jouer sur les medias, (le couple Kouchner Ockrent est devenu emblématique), éveiller des émotions fortes sans hésiter, lorsqu’il le faut, à utiliser ce mot définitif, qui clôt tout débat, qu’il s’agisse du Kosovo ou du Darfour « génocide »…Et compter aussi le relais de quelques « grandes voix », quelques «témoins privilégiés », Bernard Henri Levy, André Glucksmann, Pascal Bruckner…A première vue, on pourrait croire que Péan le justicier s’est ému de la dérive pro américaine du Ministre des Affaires étrangères de la France (la couverture du livre le montre pratiquement dans les bras de George Bush), de sa propension belliciste et pro israélienne aux côtés des néo conservateurs, qu’il s’agisse de l’Iran ou de l’Irak, qu’il s’est indigné de voir Mme Kouchner (la reine Christine…) être parachutée à la tête de l’Audiovisuel extérieur de la France avec un salaire mensuel de 40.000 euros- c’est cependant de manière très injuste qu’il nie les qualités professionnelles de notre compatriote-.
Mais le véritable ressort de l’ouvrage n’est pas la vertueuse indignation : c’est entre gens du même monde que les coups sont les plus bas. Si le polémiste fait feu de tout bois pour dresser un bûcher à la personnalité préférée des Français, c’est parce que Kouchner aurait pactisé avec un homme désigné comme l’ennemi juré sinon de la France en tous cas de Péan et de ses amis : le président du Rwanda, Paul Kagame. Il s’agît là d’une lutte de clans : le ministre français des affaires étrangères et le président Sarkozy (peut-être parce qu’ils s’inscrivent dans la ligne des Américains, peut-être parce qu’ils pratiquent la realpolitik) souhaitent normaliser les relations avec le Rwanda, rompues depuis qu’en 2006 le juge Bruguière a délivré neuf mandats d’arrêt contre Kagame et d’autres personnalités du régime. Un tel virage suscite l’indignation des milieux militaires et du renseignement tandis que des proches de feu François Mitterrand dénoncent la trahison. Lorsqu’il s’est agi de chercher des flèches pour transpercer Kouchner, Péan n’a pas du chercher trop loin…