Comprendre Vladimir Poutine

Message par Barikad » 24 Sep 2004, 23:46

Objectivement, un bonaparte serait necessaire pour le developement du capitalisme en Russie. Poutine n'a certes pas l'envergure necessaire, mais c'est le propre de la bureaucratie de produire des etres mediocres (a commencer par Staline lui meme). Il est l'heritier de cette tradition, mais ne peut pas réellement s'appuyer sur un appareil d'etat efficace pour mener cette mission (Qu'on songe à l'etat de l'ex Armée-Rouge par exemple qui faisait trembler le monde il ya si peu de temps).
Je ne vois pas d'autre avenir qu'un renforcement des tendances autoritaires du pouvoir russe, et le bonaparte aux petits pieds pourrait bien devenir un bonaparte aux talonx de fer.
Les conditions d'une telle evolution existent elles ? J'avoue que je l'ignore totalement, mais j'ai le sentiment que mon raisonement se tient.
Barikad
 
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Message par pelon » 24 Sep 2004, 23:58

(Barikad @ samedi 25 septembre 2004 à 00:46 a écrit : Objectivement, un bonaparte serait necessaire pour le developement du capitalisme en Russie. Poutine n'a certes pas l'envergure necessaire, mais c'est le propre de la bureaucratie de produire des etres mediocres (a commencer par Staline lui meme). Il est l'heritier de cette tradition, mais ne peut pas réellement s'appuyer sur un appareil d'etat efficace pour mener cette mission (Qu'on songe à l'etat de l'ex Armée-Rouge par exemple qui faisait trembler le monde il ya si peu de temps).
Je ne vois pas d'autre avenir qu'un renforcement des tendances autoritaires du pouvoir russe, et le bonaparte aus petits pieds pourrait bien devenir un bonaparte au talon de fer.
Les conditions d'une telle evolution existent elles ? J'avoue que je l'ignore totalement, mais j'ai le sentiment que mon raisonement se tient.
Oui, il pourrait et c'est une possibilité importante. Mais pour le moment il n'a pas pris beaucoup de décisions favorisant le développement du capitalisme.
pelon
 
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Message par Pascal » 26 Sep 2004, 20:25

(Barikad @ vendredi 24 septembre 2004 à 22:29 a écrit :Est ce que l'on peut parler, selon vous, de bonapartisme concernant Poutine el pouvoir en place au Kremlin ?

Je ne pense pas.

Je pense que Poutine est un dirigeant qui, en Russie, tente de réaliser une synthèse entre les intérêts de la vieille bureaucratie et ceux de la nouvelle bourgeoisie naisante, ces "nouveaux russes" ou oligarques.

D'un côté, il ouvre, en partie, la Russie au capital occidental. Il a une façon assez diplomatique de gérer ses relations avec les USA ou les Etats de l'Union Européenne, a signé des accords pour permettre aux bourgeois occidentaux d'exporter leurs déchets nucléaires et leur armes atomiques vétustes pour être recyclés en Russie, ou permis l'achat des terres des kolkhozes par de riches étrangers...

De l'autre, il tente d'empêcher que certains secteurs stratégiques passent aux mains de multinationales (cf : l'affaire Ioukos, où il s'agit de faire en sorte que l'appareil d'Etat conserve un certain contrôle sur l'industrie pétrolière), et a fait passer aussi quelques réformes symboliques pour faire plaisir aux nostalgiques de l'époque soviétique (réintroduction du drapeau rouge dans l'armée, reprise avec de nouvelles paroles de l'hymne soviétique...).
Pascal
 
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Message par Barikad » 27 Sep 2004, 10:09

Pour info: dossier de liberation:

a écrit :Russie
Poutine asphyxie la démocratie

Sous couvert de lutte contre le terrorisme, le président russe multiplie les mesures liberticides et les restrictions à la presse.

Par Véronique SOULE
lundi 27 septembre 2004 (Liberation - 06:00)


trois semaines après la prise d'otages sanglante de Beslan, les signes d'une reprise en mains politique se multiplient en Russie. Après l'annonce d'une centralisation autoritaire du pouvoir par le président Vladimir Poutine, les députés s'apprêtent à voter une série de textes législatifs renforçant le contrôle des citoyens et de leurs déplacements et accroissant le pouvoir des services de sécurité. Menacée par de nouvelles restrictions, la presse, où subsistent encore quelques îlots de liberté, ne cache plus son inquiétude (lire page 6).

Propagande. Vendredi soir à Moscou, lors de sa cérémonie annuelle de remise des prix, l'Académie de télévision a récompensé trois émissions de la chaîne NTV réputées pour leur indépendance de ton et récemment supprimées : le programme d'informations Namedni (la Veille), celui d'analyses Krasnaïa Strela (Flèche rouge) et le talk-show Sloboda Slova (Liberté de parole). L'Académie a aussi décerné un prix spécial à Leonid Parfionov, présentateur vedette de Namedni, limogé l'été dernier pour avoir voulu diffuser l'interview de la veuve d'un dirigeant séparatiste tchétchène. Après avoir remercié pour cette «petite couronne sur la tombe de Namedni», Parfionov a indiqué qu'il est au chômage et pense s'inscrire à l'agence pour l'emploi. «C'est une forme de protestation plus efficace que des tentatives de faire adopter une déclaration», a expliqué le président de l'Académie, Vladimir Pozner, allusion à la lettre signée par une trentaine de journalistes qui dénoncent la censure à la télé. «On tente de nous imposer une ligne officielle à la place de l'actualité, de la propagande à la place des discussions libres», souligne le texte, publié vendredi par plusieurs journaux, dont Kommersant et les Izvestia, et l'hebdomadaire Moskovskie Novosti.

Mercredi, la Douma (Parlement), docile alliée de Poutine, avait adopté un texte «sur la sécurité nationale face au terrorisme international». Il prévoit notamment de revoir la législation «sur la liberté de mouvement des citoyens et le choix du lieu de résidence» et évoque des «mesures spéciales» pour la délivrance des passeports et visas. Le régime de la propiska ­ l'enregistrement sur son lieu de résidence ­ pourrait être durci. On évoque aussi des limitations au travail des journalistes. A la tribune, le président de la Douma, Boris Gryzlov, a accusé les chaînes de télé de «s'être complu à montrer des images de morts» à Beslan. Vendredi, Poutine a lui-même appelé les médias à «définir des règles pour se transformer en un instrument effectif de lutte contre le terrorisme».

Gouverneurs nommés. Le 13 septembre, le chef de l'Etat avait déjà annoncé plusieurs mesures destinées à renforcer la «verticale du pouvoir». Les gouverneurs régionaux, élus jusqu'ici au suffrage universel, seront nommés par le Kremlin avant d'être avalisés par les parlements locaux. Les députés, dont une partie concourait dans des circonscriptions, seront maintenant tous élus sur des listes à la proportionnelle, ce qui devrait éliminer les personnalités trop fortes. «Beaucoup d'autres pays démocratiques nomment ainsi leurs gouverneurs», a argüé Poutine.

«La Russie a fait son choix il y a dix ans. Elle veut être et sera un pays démocratique à économie de marché, à orientation sociale» : s'exprimant vendredi devant un congrès mondial d'agences de presse, Poutine s'est voulu rassurant à l'égard des pays occidentaux. «Il n'y a pas de changement de cap», a-t-il martelé, évoquant l'incompréhension à l'Ouest de «ce qu'est la Russie moderne». Mais pour certains analystes et la maigre opposition qui subsiste, sous couvert de la «guerre totale» déclarée à la Russie par le «terrorisme international», Poutine aurait saisi l'occasion pour prendre des mesures que de toute façon il s'apprêtait à prendre. Pour illustrer la thèse d'un retour en arrière, le quotidien Moscow Times révélait vendredi que dix gouverneurs venaient de s'inscrire au parti pro-Kremlin Russie unie, et qu'une vingtaine d'autres attendaient leur tour. Montrer sa loyauté au Kremlin est le moyen de survivre, comme au bon vieux temps...

(avec AFP)



a écrit :Russie. Iouri Levada, l'un des pères de la sociologie russe, menacé par le pouvoir:
«Le président demeure très populaire»


Par Lorraine MILLOT (à Moscou)
lundi 27 septembre 2004 (Liberation - 06:00)


iouri Levada, 74 ans, est un des pères de la sociologie russe. Victime lui aussi de la reprise en main lancée par le Kremlin, il a dû abandonner l'institut de sondages Vtsiom qu'il avait fondé en 1998 et qui est passé l'an dernier sous le contrôle de proches du pouvoir. Son équipe l'a suivi au sein d'un nouvel institut Vtsiom-A appelé Centre Levada.

Que signifient les réformes annoncées par Poutine comme la suppression de l'élection des gouverneurs au suffrage universel et celle des députés indépendants ?

Dans ces annonces, le plus important pour moi est qu'elles pourraient présager d'un changement du mode d'élection du président de la république. N'oublions pas que le second mandat de Poutine expire dans trois ans et que, selon la Constitution, il ne peut pas briguer plus de deux mandats. On peut se demander si le Kremlin ne prépare pas une façon d'éviter ce butoir pour permettre à Poutine d'effectuer un troisième mandat, voire de rester au pouvoir... jusqu'à la fin de sa campagne antiterroriste. La prochaine annonce pourrait être la suppression de l'élection présidentielle. Ce n'est bien sûr qu'une supposition, ce n'est pas irréaliste.

Pourquoi n'y a-t-il pratiquement pas de protestations de l'opinion ?

Les gens sont accaparés par leurs problèmes quotidiens, leurs emplois, leurs salaires, les prix... Les Russes aujourd'hui sont plus ou moins indifférents à la démocratie et aux questions politiques. La liberté de la presse a été réduite sans que quiconque proteste vraiment. En théorie, les gens se disent certes contre la censure. Mais concrètement, quand les libertés sont attaquées, personne n'a envie de manifester. Si on leur demande quel type de télévision ils préfèrent, les Russes répondent même celle d'aujourd'hui [où l'information est sous contrôle du Kremlin, ndlr]. Sans doute parce qu'ils apprécient les émissions de divertissement ou de sport. En second, ils placent la télévision de l'époque soviétique, et, en dernier seulement, celle de la perestroïka, où la liberté d'information était plus grande. Si maintenant on restreint la liberté de circulation dans le pays, comme il en est question, cela ne suscitera pas beaucoup de résistance. La plupart des Russes seraient très favorables à restreindre la liberté de mouvement des Caucasiens...

La démocratie n'est-elle pas une valeur qui compte en Russie ?

Ce dont la plupart des Russes se soucient, c'est d'avoir un bon chef. Un bon et grand leader qui se soucie du peuple. Le Parlement est très peu estimé. La démocratie évoque des discussions vagues et sans fin.

Et Poutine reste jusqu'à aujourd'hui ce «bon chef» ?

Il demeure très populaire, quoique sa cote ait baissé depuis un an. En décembre 2003, le niveau «d'approbation générale» [le nombre de sondés satisfaits de le voir occuper son poste de Président] était de 86 %. En ce mois de septembre, sa cote n'est plus que de 66 %. Sans doute est-ce surtout à cause du projet de suppression des avantages sociaux que le Kremlin a récemment fait adopter et qui inquiète les personnes âgées, mais cela reflète aussi son incapacité à assurer l'ordre : beaucoup de gens commencent à y voir sa responsabilité. Tout de même, un tiers des Russes n'approuve pas le travail de Poutine. Si ces gens étaient organisés, si une bonne opposition se formait...

Comment a été perçu en Russie le dénouement sanglant de la prise d'otages de Beslan ? La politique de la force choisie par Poutine pour «régler» le problème tchétchène reste-t-elle populaire ?

Après la prise d'otages de Nord-Ost, à Moscou en octobre 2002, on avait observé une augmentation du nombre de gens favorables à la guerre en Tchétchénie. Cette fois-ci, après Beslan, rien de tel. 65 % des Russes se prononcent pour des négociations de paix, tandis que 31 % seulement souhaitent la poursuite de la guerre. Mais cela fait déjà longtemps que l'opinion est contre cette guerre. Début 2000 [peu après le déclenchement par Poutine de la deuxième guerre de Tchétchénie], une majorité de Russes croyait à une victoire militaire. Mais au bout d'un an déjà, la majorité était contre la guerre. Il n'y a que 22 à 24 % de Russes qui se disent absolument hostiles à toute indépendance de la Tchétchénie et sont prêts à la guerre pour la conserver. Les autres seraient prêts à l'abandonner car ils ne veulent pas de guerre.

Poutine est populaire, mais pas sa politique ?

Il est populaire parce que les gens ne voient guère d'alternative. Après Beslan, les gens ont été tellement choqués que les autorités peuvent faire passer toutes les mesures, prétendument antiterroristes, qu'ils veulent. Mais ces réformes peuvent aussi bien annoncer la crise à venir du système Poutine. Il est facile de dire aujourd'hui : «Plus de pouvoirs pour les services de sécurité.» Mais ensuite viendra la question : quelle est l'efficacité de ce dispositif ? Or il est douteux que les mesures annoncées mènent à une meilleure efficacité... Peu à peu, les gens vont recommencer à poser des questions désagréables : comment pareils actes terroristes ont-ils pu être organisés ? Que font nos centaines de milliers de policiers, notre armée, nos généraux et nos services spéciaux ? Poutine n'arrive ni à remporter sa lutte contre le terrorisme, ni à entretenir des relations normales avec l'Occident ou avec nos hommes d'affaires, ni à maintenir l'équilibre du fédéralisme russe... Avec le temps, d'ici à un an peut-être, je n'exclus pas que l'opposition reprenne des forces. Le soutien de Poutine n'est pas très solide, il peut s'effriter.



a écrit :Russie
Les «Izvestia» sous la botte du Kremlin

Le rédacteur en chef du quotidien a dû démissionner après sa couverture «trop émotionnelle» de Beslan.

Par Lorraine MILLOT
lundi 27 septembre 2004 (Liberation - 06:00)

Moscou de notre correspondante.



on m'a expliqué que le Kremlin voulait du sang. Ma démission était exigée. Si je m'étais accroché à mon poste, le problème serait retombé sur le groupe de presse qui m'avait embauché, ou sur tout le personnel du quotidien. Je n'ai pas voulu prendre cette responsabilité, j'ai préféré partir.» Deux semaines après son renvoi brutal du poste de rédacteur en chef du grand quotidien russe les Izvestia, officiellement pour une couverture trop «émotionnelle» de la prise d'otages de Beslan, Raf Chakirov, 43 ans, raconte l'affaire avec le calme froid d'un journaliste dédié à sa mission d'information et qui, à ce titre même, n'a plus sa place aujourd'hui à la tête d'un grand quotidien russe (plus de 230 000 exemplaires tirés chaque jour). «Bien évidemment, cette histoire de photos trop émotionnelles n'était qu'un prétexte, avoue-t-il. Le fond du problème, qui a valu l'intervention du Kremlin, est ce que nous avions écrit dans le numéro du 4 septembre. En particulier le fait, constaté par un de nos envoyés spéciaux à Beslan, que des enfants étaient tombés sous le feu croisé des terroristes et des forces qui ont mené l'assaut, ou bien notre article très critique sur la façon dont les télévisions russes ont couvert l'événement.»

Entraver et éloigner. Dans ce numéro du 4 septembre, lendemain du dénouement de la prise d'otages de Beslan, qui a fait au moins 339 morts, une chronique décrivait comment CNN avait couvert en direct les événements, tandis que les télévisions russes continuaient à diffuser séries et divertissements, comme s'il ne se passait rien de spécial dans le pays. «Si nos autorités ont appris quelque chose après Nord-Ost [la prise d'otages d'un théâtre de Moscou en octobre 2002], c'est comment entraver les journalistes, les éloigner du site des événements, ne livrer qu'une maigre information officielle ou pas d'information du tout», observait très justement cette chronique. Beslan a montré le «gouffre criant», souligne Raf Chakirov, entre l'information donnée par les télévisions russes, maintenant toutes sous contrôle du Kremlin, et la presse écrite qui s'est encore permis un travail d'investigation critique. Dès le lendemain du drame, le Kremlin entreprenait de combler ce gouffre, en demandant la tête de Chakirov.

«Déjà, lors de ma nomination aux Izvestia il y a un peu moins d'un an, il était clair que tous les rédacteurs en chef des grands quotidiens russes, hormis Kommersant [un quotidien très critique qui appartient à l'oligarque exilé Boris Berezovski] doivent avoir l'aval du Kremlin, raconte ce journaliste reconnu, ancien rédacteur en chef du quotidien Gazeta et auparavant de Kommersant, jusqu'à sa reprise par Berezovski. Mais ensuite, j'avais tout à fait le droit de critiquer les décisions du pouvoir, du moment que ces critiques étaient argumentées. Notre seul interdit était de publier des photos de Poutine avec son visage de Quasimodo, montrant le Président sous un jour peu favorable.» Comme la plupart des quotidiens russes, les Izvestia appartiennent à deux oligarques russes, Vladimir Potanine, patron du groupe mixte Interros, et Vagit Alekperov, patron du groupe pétrolier Loukoïl, qui, pour la bonne marche de leurs affaires, doivent prendre garde à ne pas trop irriter le Kremlin.

Dans ce cadre défini, Raf Chakirov avait tenté depuis un an un sérieux lifting des Izvestia. «Nous voulions en faire le journal que l'on trouve sur une banquette de BMW et plus seulement dans les vieilles Pobieda [les anciennes voitures de fonction de la nomenklatura soviétique, ndlr]», résume-t-il. Le vieux quotidien de la place Pouchkine, fondé en 1917, voulait se défaire de son ton encore très officiel pour devenir le journal des nouvelles générations d'hommes d'affaires russes. Pour commencer, Raf Chakirov avait mis fin à la pratique des «articles payés» (en fait, des publicités déguisées glissées parmi les articles d'information), la plaie de la presse russe jusqu'à ce jour, qui, à son arrivée, représentaient 30 % des recettes des Izvestia. Sous sa direction, la qualité des informations publiées par le quotidien s'était nettement améliorée... jusqu'au point de devenir insupportable pour le Kremlin, à Beslan.

«Pas encore la fin de la démocratie». «Je ne pense pas que le pouvoir veuille maintenant imposer un contrôle absolu de la presse, nuance pourtant Raf Chakirov. Quelques quotidiens comme Kommersant ou Gazeta et quelques périodiques comme les Nouvelles de Moscou ou Novaïa Gazeta, qui ont un tirage limité, ne s'adressent qu'à une certaine élite, surtout à Moscou et dans les grandes villes. Ils peuvent garder leur liberté de ton. Mais ce que veut maintenant le pouvoir, c'est le contrôle de quelques grands titres comme les Izvestia ou la Komsomolskaïa Pravda, qui permettent la maîtrise du champ.» Alexeï Simonov, président de la fondation Glasnost, qui veille à la liberté d'expression, confirme : «La liberté de la presse est confinée aujourd'hui en Russie à une réserve de 750 000 exemplaires [pour 143 millions d'habitants], soit les tirages d'une petite dizaine de titres comme Novaïa Gazeta, les Nouvelles de Moscou, Kommersant...»

Renvoyé brusquement pour avoir trop bien fait son métier, Raf Chakirov n'a pas renoncé à chercher du travail en Russie. «Plusieurs projets de magazines ou d'hebdomadaires se sont lancés récemment. Ce ne sont pas de gros tirages, ils n'ont pas la même influence que les quotidiens et ils préoccupent moins le pouvoir», sourit-il, apparemment confiant de retrouver bientôt un emploi et soucieux de ne pas dramatiser la situation après les dernières mesures autoritaires annoncées par Poutine. «Non, ce n'est pas encore la fin de la démocratie en Russie, assure-t-il. Ne nous enterrez pas trop vite. Nous qui vivons ici, nous devons être optimistes.»


a écrit :Russie
Eltsine et Gorbatchev font de la résistance

Ils s'alarment des dérives du pouvoir.


Par Hélène DESPIC-POPOVIC
lundi 27 septembre 2004 (Liberation - 06:00)


les retraités du Kremlin ont mis en garde Poutine contre des réformes qui, pour lutter contre le terrorisme, annoncent un recul de la démocratie.

Boris Eltsine, le premier président de la Russie indépendante, dont la démission avait ouvert la voie à l'élection, en 2000, de Vladimir Poutine, a reconnu dans un entretien qu'il a accordé à Moskovskie Novosti qu'après Beslan, «nous ne pouvons plus nous permettre d'agir avec la mollesse, l'irresponsabilité et la négligence qui ont causé ces terribles événements». La lutte antiterroriste doit néanmoins rester dans le cadre constitutionnel, prévient l'homme qui conserve l'image de «père de la démocratie russe» en raison de son opposition au putsch conservateur d'août 1991. «Nous ne permettrons pas de renoncer à la lettre, et surtout à l'esprit de la Constitution que le pays a adoptée en 1993, ne serait-ce que parce que l'étouffement des libertés et l'amoindrissement des droits démocratiques seraient aussi une victoire des terroristes...»

Ce que Elstine ne peut pas dire, parce qu'il a lui-même choisi Poutine comme successeur et parce qu'il a, en 1994, envoyé l'armée russe en Tchétchénie, sera exprimé plus crûment dans le même journal par le dernier des présidents de l'ex-Union soviétique : Mikhaïl Gorbatchev. Le Prix Nobel de la paix, aujourd'hui âgé de 73 ans, s'inscrit en faux contre l'analyse de Poutine et les moyens choisis. «Contrairement au Président, je pense que les attaques terroristes des dernières semaines sont directement liées aux opérations militaires dans le Caucase. En 1994, pendant la première guerre de Tchétchénie, j'avais compris qu'elles auraient des conséquences catastrophiques. Il existe un besoin pressant de rechercher des solutions politiques, de négocier avec les éléments modérés de la résistance et de les isoler des extrémistes.»

Gorbatchev se montre fidèle à l'idéal de transparence qui l'anima : «Les autorités doivent s'appuyer sur la société. Comment éliminer la corruption sans un Parlement normal et une presse libre ? Sous la bannière de la lutte antiterroriste, on tente de limiter les libertés démocratiques et de priver les citoyens du droit d'exprimer leur attitude vis-à-vis des autorités par des élections libres.»


a écrit :«En Tchétchénie, la loi des armes»

Lors d'une conférence sur les droits de l'homme à Grozny, officiels et militants face à face.

Par Lorraine MILLOT
lundi 27 septembre 2004 (Liberation - 06:00)

Grozny envoyée spéciale


en plein centre de Grozny, c'est une conférence très surréaliste, rythmée par les fusillades que l'on entend encore éclater ici et là, qui s'est ouverte vendredi sous l'égide du commissaire aux Droits de l'homme du Conseil de l'Europe, Alvaro Gil-Robles, encadré des deux «chargés des droits de l'homme» du président Poutine, Ella Pamfilova et Vladimir Loukine. Assis autour d'une même table dans un bâtiment de l'administration tchétchène gardé par des miliciens armés jusqu'aux dents, une trentaine de représentants tchétchènes mis en place par Moscou se sont confrontés toute une journée à autant de militants russes des droits de l'homme qui les accusent de terribles exactions, crimes et tortures. «La Tchétchénie est encore en guerre», a lancé d'entrée la présidente du comité Helsinki, Lioudmila Alexeeva, devant ces officiels galonnés qui ont d'ordinaire pour consigne de vanter la «normalisation» jalonnée par une série de pseudo-élections depuis 2003. Et la grande dame russe des droits de l'homme, déjà dissidente à l'époque soviétique, de poursuivre : «Tout ça n'est qu'une imitation d'un processus de paix. Il n'y a pas eu de vraies élections. Ce qui règne en Tchétchénie, c'est la loi des hommes en armes. Et tant que la terreur des militaires contre la population civile ne cessera pas en Tchétchénie, la terreur contre la population civile en Russie ne cessera pas non plus, il y aura peut-être encore des Nord-Ost (le théâtre de Moscou, ndlr) et des Beslan.»

Evidences. Silence de l'autre côté de la table. Pas un officiel, pas un uniforme ne conteste l'accusation. Certains semblent même approuver silencieusement que ces évidences soient enfin dites ouvertement, et à Grozny même. Puis le président du Conseil d'Etat tchétchène, Taous Djabraïlov, chargé de représenter les autorités locales, entame un long exposé statistique de tout ce qui s'est amélioré en Tchétchénie : plus de 800 entreprises enregistrées, 100 000 tonnes de pommes de terre récoltées, de nouvelles lignes d'autobus, 20 écoles sportives qui fonctionnent... «Il y a encore des violations massives des droits de l'homme», reconnaît-il, évoquant 162 cas de civils disparus depuis le début de l'année... «Depuis trois ans, on observe une réduction de ces violations», assure-t-il.

«On ne peut pas encore parler de diminution du nombre de disparus», corrige Oussam Baïssaïev, militant de l'association Memorial, qui recueille courageusement les témoignages des familles de disparus. «Ce qui a changé depuis 2003, c'est que les forces de l'ordre ont mis fin aux "nettoyages" à grande échelle de villages entiers. Elles procèdent maintenant à des "nettoyages dits par adresse" : de véritables escadrons de la mort, masqués, se présentent de nuit à l'adresse de personnes précises pour les enlever ou directement les abattre. Résultat, on ne sait même plus quelle unité a mené l'opération, et les proches ne savent pas où chercher leurs parents.»

«Trou noir». Lors d'une visite samedi au procureur général de Tchétchénie, le commissaire Gil-Robles a pu se faire une idée concrète de l'ampleur de l'impunité. «Depuis le début de l'opération antiterroriste (le déclenchement de la deuxième guerre de Tchétchénie en octobre 1999, dans le jargon officiel russe, ndlr), nous avons ouvert 1 749 affaires pénales concernant la disparition de 2 450 personnes», explique Vladimir Tchernaïef, vice-procureur général de Tchétchénie. «Et combien de personnes ont été retrouvées ?», s'enquiert Alvaro Gil-Robles. «En 2000, sept affaires pénales ont été envoyées au tribunal... En 2003, quinze affaires. Et cette année, nous avons envoyé dix affaires au tribunal», répond le vice-procureur. «Ces chiffres sont effrayants. Cela confirme bien l'énorme trou noir dans lequel disparaissent la plupart des cas», soupirait à la sortie Gil-Robles. Résolu malgré tout à agir par le dialogue avec les pouvoirs russe et tchétchène, le commissaire a promis de revenir d'ici six mois en Tchétchénie pour tirer le bilan des efforts annoncés. En conclusion, les autorités locales ont promis de nommer «prochainement» un nouveau délégué tchétchène aux droits de l'homme.
Barikad
 
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