a écrit :Interview de 2002 (dans Tetu ou Gay Pied, je ne sais plus)
POSITION D'ARLETTE LAGUILLER (Lutte Ouvrière)
Depuis 1974, elle est de toutes les batailles présidentielles. L’éternelle candidate de LO n’est plus considérée comme folklorique depuis le 5,3 % qu’elle obtint en 1995…
Pensez-vous que les questions liées à l’homosexualité font partie du champ politique naturel de votre organisation ?
Nous n’avons pas un programme spécifique vis-à-vis des homosexuels. Militant pour une société débarrassée de l’exploitation et des multiples formes d’oppression qu’elle entraîne, nous sommes, bien sûr, solidaires de tous ceux qui sont opprimés à un titre ou à un autre dans la société, ou simplement marginalisés. Mais nous consacrons l’essentiel de nos activités à faire prévaloir les intérêts politiques de la classe ouvrière, c’est-à-dire de tous ceux qui n’ont que leur force de travail pour vivre.
Existe-t-il des réticences à Lutte Ouvrière à propos d’un engagement en faveur des revendications homos ?
Nous sommes sans réserve du côté des minorités homosexuelles lorsqu’elles subissent une oppression. Nous ne militons pas spécifiquement sur ce terrain mais, par exemple, mes deux camarades élues au Parlement Européen et moi-même, nous votons toutes les résolutions qui protestent contre les discriminations dont les homosexuels font l’objet, et qui élargissent leurs droits (ce qui était, par exemple, en débat lors de la session de septembre à Strasbourg, consacrée à l’élargissement de l’Union Européenne).
Votre programme pour la présidentielle de 2002 évoque-t-il les homosexuel(le)s ? Si oui, de quelle façon ?
Je vous renvoie à ma réponse à votre première question. Nous militons dans la perspective d’une transformation radicale des structures économiques et sociales par la suppression de la propriété privée des moyens de production et, par là-même, de la dictature de fait qu’exercent sur l’économie mondiale et, partant, sur la société et sur la politique, un nombre restreint de groupes industriels et financiers qui mènent le monde à la catastrophe. Nous avons la conviction qu’on ne pourra véritablement parler de libertés, aussi bien collectives qu’individuelles, que dans une société débarrassée de cette dictature-là. Et mon programme s’adresse à tous ceux qui s’estiment victimes de discriminations du fait de leur situation sociale, de leur nationalité, de leur origine, de leur sexe ou de leur sexualité.
Etes-vous favorable à une égalité complète et totale des couples homos et hétéros et à la création du mariage homosexuel ? Pensez-vous que l’adoption puisse être ouverte aux couples de même sexe ?
Nous ne sommes pas les défenseurs du couple et de la famille tels qu’ils existent aujourd’hui et, à plus forte raison, des institutions, église, mairie, etc, chargées de les légitimer ou de les sanctifier.
Nous ne savons pas et nous ne pouvons pas savoir comment les hommes et les femmes de demain vivant dans une société vraiment égalitaire concevront leur sexualité et/ou leur vie de couple. Tout au plus pensons-nous que, dans l’éducation des enfants dont la responsabilité est laissée aujourd’hui aux couples, la collectivité assumera une part plus grande. Et encore une fois, si changement il doit y avoir, ce n’est pas simplement en intégrant à la notion de famille actuelle celle constituée par des couples homosexuels mais en changeant bien plus profondément les relations sociales.
Pour aujourd’hui, nous connaissons tous des exemples de couples parentaux traditionnels qui ne sont pas en situation d’assumer convenablement l’éducation de leurs enfants pour des raisons de difficultés matérielles ou morales. Et, d’ailleurs, une situation matérielle aisée ou une sexualité hétérosexuelle ne sont certainement pas une garantie de la capacité d’un couple à assumer l’éducation de leurs enfants ou de ceux qu’ils adoptent. Nous pensons que le problème de l’adoption est un problème complexe qui ne peut se régler, dans le cas des familles hétérosexuelles comme homosexuelles, qu’au cas par cas.
Ma réponse peut vous paraître ne pas respecter la forme conventionnelle que vous avez donnée à vos questions mais c’est la seule façon pour moi de vous exposer mon point de vue sur les problèmes que vous soulevez. Cette position de fond ne m’a pas empêchée de soutenir des mesures comme le PaCS.
Pensez-vous que la procréation médicalement assistée doive être accessible aux lesbiennes ?
Je suis évidemment pour le droit des femmes (quelle que soit leur sexualité) à décider elles-mêmes d’avoir ou non un enfant et de la manière dont elles le souhaitent. Cela dit, je pense qu’il y a suffisamment d’enfants orphelins à adopter.
Etes-vous favorable à une loi contre l’homophobie ?
Je ne suis évidemment pas défavorable à une loi contre l’homophobie, même si je sais, comme pour le racisme, l’antisémitisme ou l’inégalité homme/femme, que faire reculer ces fléaux ne dépend pas d’une loi. Faut-il un texte spécifique ? Je pense que c’est aux organisations de défense des homosexuels de dire ce qui leur paraît le plus efficace. Mais, comme toujours, ce qui fera évoluer les choses, c’est leurs propres luttes et leurs propres mobilisations.
Beaucoup de salariés rencontrent des problèmes dans le cadre de leur travail à cause de l’orientation sexuelle ou de problèmes de santé. Quelles sont vos propositions concrètes dans ce domaine ?
Je pense que tous les salariés rencontrent des problèmes du fait de l’exploitation capitaliste. Ces problèmes sont, bien sûr, aggravés s’il s’y ajoute une discrimination liée à l’homophobie ou à des problèmes de santé, ceux-ci ne touchant évidemment pas que les homosexuels. Mes camarades et moi-même militons quotidiennement pour que, dans les entreprises, les travailleurs s’organisent pour faire respecter leurs droits en matière de salaire, de conditions de travail, sans que puissent intervenir des discriminations. Là encore, les revendications sont à établir avec les intéressés pour être ensuite défendues le plus collectivement possible.