a écrit :COMMUNIQUE A LA PRESSE, le 25 avril 2008
Banalisation de la barbarie par « l’université de la mode » de Lyon II
Regards de Femmes distribuera mardi 29 avril, à 8h00, devant le Grand Amphi, 18 quai Claude Bernard, Lyon 7°, des réactions à la tenue du colloque organisé par « l’université de la mode » de l’Université Lyon II : « Les voiles dévoilés : pudeur, foi, élégance.»
La mièvrerie du titre banalise une violence extrême à l’égard des femmes, ici et ailleurs, aujourd’hui comme hier, contraire aux principes universels de dignité des êtres humains.
Associer le voile à la « pudeur » et à la « foi » assigne les femmes à être soumises aux volontés des dieux, exprimées depuis des millénaires, par des hommes et pour des hommes. C’est occulter les aspects sociopolitiques, discriminatoires et barbares de cet enveloppement.
L’affichage ostensible du marquage archaïque possessionnel et obsessionnel du corps féminin, clame, plus qu’un discours, le contraire de l’égalité femmes-hommes. Le voile des femmes, stigmate de discrimination, de séparation, de fantasmes sexuels considère les femmes comme propriétés de leur mari, de leur famille ou de leur dieu et intouchables pour les autres.
La stratégie patriarcale de prise de contrôle sur le corps des filles par l’obéissance à un code vestimentaire céleste de bonne conduite ne peut être cautionnée par l’Université. Alors que le voile et les signes religieux sont les emblèmes des attaques contre la laïcité et la neutralité des services publics.
En ce 40° anniversaire de mai 68, qui a initié un mouvement international de libération des femmes dans le monde, il est paradoxal que l’Université Lyon II cautionne les tentatives politiques de théocrates patriarcaux pour enfermer les femmes, afin que même dehors elles montrent qu’elles sont la possession de leur famille.
Comment ne pas penser aux femmes qui seront fouettées, violées, lapidées, égorgées parce qu’elles refusent de porter ce signe « d’élégance », au moment où des personnes auront l’impudence de débattre « doctement » à « l’université de la mode » ?
Remise en cause de la mixité scolaire
La mixité filles et garçons est le préalable indispensable à la mixité sociale, au respect de l'Autre, dissemblable mais égal en droit...et en devoir.
Cela s'apprend sur les bancs de l'école où les élèves partagent les savoirs, les cultures, les jeux et les nourritures.
L'apartheid sexué est une régression fondamentale. Encore une autre attaque insidieuse par ce que j'appelle "les nouveaux costumes des phallocrates"
Voici la tribune de Bariza Khiari, parue dans le Monde datée du 23 avril
Michèle Vianès
Point de vue
Ecole : la mixité en danger, par Bariza Khiari
LE MONDE | 22.04.08 | 13h46 • Mis à jour le 22.04.08 | 13h46
Une fois de plus, l'Europe a bon dos. Au nom d'une prétendue directive européenne, le gouvernement français vient de faire adopter par le Parlement, dans un texte de loi destiné à lutter contre les discriminations, une disposition remettant en cause la mixité à l'école. Aucun ministre de l'éducation, aussi réactionnaire fût-il, n'aurait eu "l'audace" d'inscrire dans nos textes, ne serait-ce que par voie de circulaire, la possibilité d'organiser "des enseignements par regroupement des élèves en fonction de leur sexe" sans s'exposer à la foudre des organisations laïques et des syndicats de l'enseignement.
Les directives européennes, que nous avons à transposer dans notre droit national, sont pour la plupart d'inspiration libérale et il nous a souvent fallu batailler ferme pour préserver en France nos spécificités. Or, dans le cas qui nous occupe, l'Europe n'est pas en cause. Aucune des directives européennes à transposer dans ce texte ne touche au champ de l'enseignement, qui reste une compétence strictement nationale.
Dès lors, le gouvernement a menti au Parlement en affirmant, à la tribune de l'Assemblée, que cette dérogation à la mixité à l'école était une exigence de la Commission européenne et qu'on ne pouvait donc s'y soustraire. Au Sénat, tous les groupes parlementaires ainsi que la délégation aux droits des femmes étaient d'accord pour supprimer cette disposition. Or, contre toute attente, le 9 avril, lors de la discussion du texte en séance publique, le gouvernement a maintenu sa position, ordonnant à sa majorité de se plier. Cet épisode parlementaire en dit long sur la liberté de parole et d'amendement de la majorité et augure mal de la façon dont on entend donner plus de pouvoir au Parlement. Il révèle aussi l'influence grandissante des intégristes de tout poil au sein du pouvoir d'Etat.
La mixité est un acquis fragile. Parmi ses détracteurs, trois arguments sont invoqués. Le premier, d'ordre pédagogique, met en évidence le frein que peut constituer la mixité aux performances respectives des filles et des garçons. Le second, d'ordre social, souligne la montée des violences dans les établissements, et notamment des violences sexuelles. Le troisième, que l'on peut classer, faute de mieux, dans la catégorie "morale", déplore l'indécence qu'il y aurait à suivre, pour les garçons et les filles, des cours en commun. La délégation aux droits des femmes du Sénat s'était saisie de cette question en 2004. Elle avait conclu que les réponses aux problèmes soulevés se trouvaient non pas dans la ségrégation, mais dans la formation des enseignants, l'encadrement éducatif, le contenu des manuels scolaires et surtout dans la volonté politique d'accompagner les jeunes femmes dans des choix d'orientations professionnelles dont elles ont tendance à s'auto-exclure.
CONSERVATISME LIBÉRAL
Au-delà de la valeur émancipatrice de la mixité, l'apprentissage du vivre-ensemble commence dès l'école. C'est aussi à ce titre que la mixité est un principe à préserver. Cette remise en cause est une disposition sortie de nulle part et que personne n'a le courage de revendiquer. Rien ne permet d'expliquer la présence de cette mesure alors que tous les protagonistes du débat parlementaire souhaitaient la voir disparaître. Son adoption ne constitue pas un faux pas ou un cafouillage. Au contraire, cette attaque contre la mixité semble issue d'une volonté déterminée, mais non avouée. Elle s'inscrit dans le conservatisme libéral qui caractérise la pensée de M. Sarkozy.
Après avoir affirmé la supériorité du curé sur l'instituteur dans la transmission des valeurs ; après avoir voulu imposer les statistiques ethniques, instrument fort utile pour gommer la question sociale et renvoyer les causes de la délinquance à l'origine ; en donnant maintenant la possibilité de déroger au principe de mixité dans l'éducation, on s'en prend une fois de plus à notre modèle laïque et républicain.
Avec tant d'autres Européens fervents, j'ai combattu les dérives libérales et parfois conservatrices de l'Europe ; là, je ne laisserai pas dire que c'est la faute à Bruxelles ! Laïcité, égalité, mixité... ce continuum, socle de notre modèle républicain ne cesse de subir des attaques comme si, à la tête de l'Etat, on était en train de mettre en place les éléments d'une reconfessionnalisation de la société française.
Bariza Khiari est sénatrice socialiste de Paris