Sept adolescents racontent leur "chasse aux pédés"

Message par faupatronim » 07 Oct 2004, 14:36

(Le Monde @ 7 octobre 2004 a écrit :Sept adolescents marseillais ont raconté aux policiers leur "chasse aux pédés"


Ces jeunes gens ont été mis en examen pour avoir roué de coups, dans la nuit du 13 au 14  août, David Gros, un étudiant de 27  ans.

Marseille de notre correspondant




Le plus jeune n'a que 14 ans, le plus âgé 20 ans. Sept adolescents marseillais ont été mis en examen, le 29 septembre, pour violences volontaires ayant entraîné une interruption temporaire de travail supérieure à huit jours, en réunion, avec armes et en raison de l'orientation sexuelle de la victime.  Ce cumul de circonstances aggravantes leur fait encourir dix ans d'emprisonnement.

Aussitôt après leur interpellation, ces collégiens et lycéens, issus de milieux sans difficultés sociales, ont avoué avoir pris part au lynchage de David Gros, un étudiant de 27 ans, roué de coups et laissé pour mort sur un lieu de rencontres homosexuelles, dans la nuit du 13 au 14 août (Le Monde du 21 août).

Trois d'entre eux, âgés de 16 ans, et un quatrième, âgé de 17 ans, sont incarcérés au quartier des mineurs de la maison d'arrêt d'Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône). Tous habitent la résidence Etienne-Milan - où se sont passés les faits - et le parc Saint-Giniez voisin, des groupes d'immeubles au cœur des beaux quartiers de Marseille, entre le Stade-Vélodrome et les plages du Prado. Leurs récits aux enquêteurs accréditent le caractère homophobe de ce déchaînement de violences.

Cette nuit d'août, sur un terrain de sport, le groupe d'adolescents tue le temps en fumant du cannabis et en vidant une bouteille de whisky. Jusqu'à ce que l'un d'eux propose "d'aller à la chasse aux pédés".

Patrick, le plus âgé - il n'a pas été placé en détention provisoire parce que lui n'a pas cogné -, a expliqué à la juge d'instruction, Carine Bargoin, que "ça se pratique dans le quartier, mais jamais de façon aussi grave". Des pierres jetées sur les voitures des homosexuels, par exemple.

Les adolescents sont tapis dans les buissons "pour surprendre" David Gros et son ami, Alain. "Qu'est-ce que vous foutez là ? Ici, c'est notre cité !" Le groupe est menaçant. L'un tient son casque de scooter à la main, un autre a récupéré deux bâtons dans des poubelles. David prend peur et part en courant à travers les immeubles. Cinq cents mètres plus loin, il est pris au piège dans une ruelle fermée par un grillage. "Sale pédé, on va te refaire la gueule !", entend-il avant de perdre connaissance sous la violence des coups de casque, de poing et de pied.

"C'était exagéré", a convenu devant la juge d'instruction le plus jeune, celui qui avait "suivi pour voir". Lors de ce passage à tabac, l'effet de groupe a joué indéniablement. Guillaume a "bien pensé tout arrêter mais il y avait les copains". Seules les convulsions secouant David ont fait cesser le déferlement de coups. "J'ai cru qu'il était mort. On a pris peur", a déclaré Jérôme. "On a arrêté parce qu'il respirait mal", selon un autre.

Tous affichent le même mobile. "Nous avons décidé de leur faire peur. Ça ne me dérange pas qu'ils soient homos, mais ils le font salement", s'est ainsi justifié Kévin, élève dans un lycée hôtelier. "Leur faire peur pour qu'ils ne reviennent plus dans le quartier", selon Patrick. Justiciers d'une cité exaspérée par la présence nocturne d'homosexuels, d'échangistes, un peu plus loin, dans les allées du parc Borély, et de prostituées, sur les allées du Prado.

"Le problème n'est pas nouveau, commente Dominique Tian, maire (UMP) des 6e et 8e arrondissements. Il y a quelques années, les riverains me rapportaient des préservatifs à la mairie." L'agacement des résidents d'Etienne-Milan a fini par déteindre sur ces jeunes gens, avancent déjà leurs avocats, esquissant ainsi des arguments de défense.

Le groupe d'adolescents est décrit par la police comme "une bande de pénibles", connue pour des délits sans gravité et une consommation immodérée de cannabis. Jusqu'à vingt joints par jour pour Jérôme - celui qui a avoué le coup de casque -, un collégien déscolarisé, incontrôlable au point que ses parents, divorcés, avaient appelé à la rescousse un juge des enfants.

Les mâchoires fracturées en quatre endroits, la pommette et le nez fracassés, David Gros doit encore, près de deux mois après les faits, garder la bouche scellée par des élastiques. Après s'être alimenté à l'aide d'une paille glissée dans l'espace d'une dent cassée, le jeune homme peut désormais avaler une nourriture un peu plus solide.

Son avocat, Me Alain Molla, se félicite d'"une nouvelle donne : une vraie détermination de la police et de la justice, la mobilisation des mouvements gays, qui ont coopéré à l'enquête, et le courage d'une victime qui parle à visage découvert". "La honte, qui était l'alliée des homophobes, ne fonctionne plus."

Luc Leroux

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