Mouvement contre la réforme sociale

Message par Nestor Cerpa » 02 Oct 2004, 16:04

a écrit :Mouvement de masse contre la " réforme " sociale

Par Daniel Berger*


Au cours du mois d’août un mouvement contre la " réforme des allocations-chômage " s’est développé telle une onde d’explosion. Entre le 2 et le 30 août le nombre de manifestants a augmenté de 600 (dans une ville) à 140 000 (dans près de 200 villes). A la fin août — pour un petit moment — le mouvement semble ne plus grandir, mais il est loin d’être essoufflé.


Selon le ministère de l’économie, la réforme sociale doit économiser 4,6 milliards d’euros et toute modification des mesures décidées par " la grande coalition " (comme nous désignons le cartel des partis SPD – CDU, quelquefois avec le FDP) mettrait en danger le pacte de stabilité (Maastricht). Rien que les dernières baisses de taxes des riches coûtent 4 milliards d’euros…. Économiser ces sommes-là se fait traditionnellement sur le dos de la classe ouvrière.


Mais l’objectif central est tout de même situé sur un autre terrain et il est double :


1. D’après le Financial Times Deutschland du 16 août 2004 le patronat fera entre 9 et 10 milliards d’euros d’économies au cours de 2 ans (2005 – 6) grâce aux réformes sociales.


2. Avec la réforme du marché du travail organisé par le gouvernement toute la grille des salaires est minée et leur baisse générale est accélérée.


Comme toutes ces mesures s’ajoutent aux expériences de 15 ans de " transformations " de l’Allemagne de l’Est (avec un taux de chômage permanent de 20 %) la colère a atteint un niveau explosif. C’est pour cela qu’il ne fallait qu’un signal de démarrage et le mouvement éclatait comme une bombe en plein été ! Depuis le 2 août chaque lundi des masses descendent dans la rue. A la fin août ils étaient 120 000 à 140 000 en Allemagne de l’Est et 5 000 en Allemagne de l’Ouest.


Deux faits inquiètent " cabinet et capital " (le gouvernement et la bourgeoisie au sens strict du terme) : l’acharnement des manifestants (à remarquer à travers les cris hurlés, les slogans scandés, les banderoles hissées) et le fait que des " constats " néolibéraux (traditionnellement acceptés) sont progressivement mis en question, au moins par une minorité importante de la population. La conviction " TINA " (" there is no alternative ") qui doit nous faire taire est pour la première fois ébranlée à un niveau de masse.


Cela se traduit aussi au niveau électoral : le niveau d’abstentions monte, les partis de la " grande coalition " (SPD ou CDU au gouvernement — selon les régions — avec chaque fois l’autre parti en position " d’opposition " officielle) perdent et le parti réformiste PDS gagne considérablement dans les sondages. Les résultats dans les élections communales et régionales (dans quelques Länder) de cet automne vont certainement confirmer cette tendance.

Première réactions

Tout cela leur fait tellement peur que les premières reculs du gouvernement (également en plein été) sont éclairants :


— Les chômeurs de longue durée n’auront pas de " mois nul " en janvier 2005. Ce premier mois d’application de la réforme devait se solder par une grande économie pour le budget fédéral puisque les allocations devaient être versées seulement à la fin du mois.


— Les épargnes des mineurs de moins de 14 ans ne seront plus comptées comme richesse à valoriser et comptabilisées avec les allocations-chômage que lorsqu’elles excèdent 4 100 euros (le seuil étant originairement prévu à 750 euros).


— Puis la dernière décision de la grande coalition : l’introduction d’une nouvelle assurance – payée uniquement par les salariés – pour les prothèses dentaires est reportée.


Ces mesures reviennent à 1,2 milliard d’euros d’économies de moins que prévu, donc déjà une certaine somme sauvée pour la classe ouvrière (au moins pour le moment).


Bien que l’essentiel des réformes ne soit pas touché, l’expérience est faite que " se défendre, ça paye ! "


Quelles forces politiques dans le mouvement ?


Le fait qu’il n’y ait pas de force révolutionnaire crédible aux yeux au moins d’une partie non négligeable des masses pèse lourd et cela à plusieurs niveaux :


Les expressions spontanées pendant les manifestations sont très souvent mêlées avec beaucoup de sentiments et ressentiments naïfs, peu réfléchis et quelquefois xénophobes. En Allemagne de l’Est surtout la gauche radicale, voire révolutionnaire est extrêmement faible. Ce n’est que dans une minorité de villes qu’il est possible de faire des propositions qui aident à éviter toutes sortes de culs-de-sac.


Et au niveau électoral aucune force de gauche radicale crédible ne peut se présenter et utiliser ce forum pour faire une critique d’ensemble et esquisser une alternative. Les votes vont donc aller d’une part au PDS, bien que ce parti se soit déjà pas mal discrédité, d’autre part aux fascistes (voir plus bas). Le PDS fait partie des gouvernements dans les Länder Berlin et Mecklenburg-Vorpommern et applique — logique infernale du crétinisme parlementaire — la politique néolibérale d’austérité. Surtout à Berlin des syndicalistes ont manifesté à plusieurs reprises par milliers contre la politique d’austérité du gouvernement SPD-PDS. Mais pour le moment le PDS est le seul des partis connus qui se soit explicitement prononcé contre Hartz IV.


Il y a une autre formation politique qui va profiter de ce " climat de changement ", à savoir la WASG (" alternative électorale pour la justice sociale ") qui va se constituer en tant que parti dans les mois qui viennent (1). C’est une formation, qu’on peut caractériser comme la " nouvelle vieille " social-démocratie. Des cadres de l’appareil syndical (surtout IG Metall) conjointement avec d’autres forces traditionnellement réformistes (du journal " Sozialismus " et quelques intellectuels) ont pris l’initiative il y a quelques mois d’appeler à la formation d’une " alternative électorale " (déçus qu’ils sont de la politique de Schröder).


Déjà cette dénomination mais surtout les textes programmatiques préparatoires à la fondation officielle pendant l’hiver 2004-2005 indiquent l’orientation : ces forces désirent avoir une social-démocratie traditionnelle réformiste, ne se considèrent pas anticapitalistes, cherchent à éradiquer les déformations néolibérales et rétablir un " équilibre " social tel qu’ils le voyaient sous le gouvernement Brandt au début des années 1970.


L’ancien chef du SPD, Oskar Lafontaine, s’oriente vers ce parti en fondation. Lafontaine voudrait être exclu du SPD. Mais le SPD — réticent à produire un martyr — n’a pas l’intention (du moins pour le moment) de le faire. La nouvelle formation, désireuse de reconstituer " une vraie social-démocratie " (donc un parti réformiste mais non anticapitaliste), pourrait devenir une vraie concurrente pour le SPD et ramasser entre 5 % et 10 % des voix.


Les forces d’extrême droite vont certainement également profiter de la situation actuelle. Déjà elles se mêlent aux manifestants. Dans la plupart des cas la gauche a réussi à les expulser ou à les faire expulser. Mais cela reste un problème au moins aussi longtemps que de plus grands succès ne seront pas acquis. Si cela " traîne ", si le mouvement piétine, l’extrême droite pourra séduire pas mal de gens en leur faisant croire que la solution serait : " Du boulot pour les Allemands ! " (ce qui signifie en conséquence " Etrangers dehors !")


De toute façon le climat actuel est aussi propice pour les fascistes. Les élections régionales de cet automne démontreront sans doute une recrudescence des voix pour le NPD et la DVU qui d’ailleurs se sont mis d’accord pour présenter des candidatures complémentaires, non concurrentes.

Le rôle des syndicats

Les directions syndicales sont très mal à l’aise puisqu’elles ont enregistré défaite après défaite (la bataille pour les 35 heures en Allemagne de l’Est se soldait par une catastrophe en 2003, dans plusieurs konzerns la durée de travail est prolongée, quelquefois même sans paiement, etc.) et si elles trouvent mauvaises les " réformes sociales ", elles n’aiment pas mobiliser contre leur " partenaire " traditionnel, le SPD.


Maintenant avec un vrai mouvement contre la loi Hartz la preuve est faite qu’on peut lutter, et qu’on peut réussir (au moins partiellement). La passivité des directions syndicales (et le fait d’être lié à un parti néolibéral) a accéléré la perte d’adhérents ces derniers temps.


Le débat sur l’introduction d’un salaire minimum est éclairant. Le mouvement social soutient à fond cette demande mais les directions syndicales sont contre : cela leur enlèverait prétendument leur fonction de négociateur des conventions collectives. En réalité un salaire minimum acceptable dévoilerait à quel niveau très bas se trouvent nombre de contrats de salaires (120 professions gagnent moins de 6 euros de l’heure, le plus bas étant à 4,32 euro). Seulement 70 % des gens en Allemagne de l’Ouest et 55 % en Allemagne de l’Est travaillent sur la base d’un contrat salarial négocié avec les syndicats. Et parmi les salaires non soumis aux contrats négociés avec les syndicats certains n’atteignent pas 4 euros de l’heure.


L’offensive du gouvernement visant à forcer les chômeurs de longue durée à travailler pour 1 euro par heure (au-delà de ce montant leur salaire est déduit des 345 euros d’aide sociale par mois) a pour effet de baisser le niveau général des salaires.


Comme le chef de la commission pour les réformes sociales, Rürup, l’a dit, introduire un salaire minimum renverserait toute la réforme du " marché du travail ". C’est juste. Et c’est précisément pour cela que les révolutionnaires ne s’engagent pas seulement à fond pour l’abolition de Hartz IV et de toutes les autres lois et mesures de l’Agenda 2010 (le projet néolibéral du gouvernement Schröder) mais luttent aussi pour l’introduction d’un salaire minimum qui permette de mener une vie digne. Le mot d’ordre qui nous unit avec une partie grandissante du mouvement social est donc : " Voici les termes de notre agenda : 30-10 ; 30 heures par semaine sans perte de salaire et avec embauche proportionnelle ainsi que salaire minimum à10 euros de l’heure ".


le 1er septembre 2004


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* Daniel Berger, militant de l’IG Metall, est membre de la direction de la Ligue socialiste révolutionnaire (RSB, Revolutionare Sozialistische Bünd), une des deux fractions publiques de la section allemande la IVe Internationale (l’autre étant l’isl, internationale sozialistische linke, gauche socialiste internationale).


1. Voir à ce sujet Inprecor n° 492/493 de mai 2004 p. 3-14 et Inprecor n° 495/496 de juillet-août 2004 p. 9-11.
Nestor Cerpa
 
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Message par alex » 04 Oct 2004, 13:49

(daniel berger @ a écrit :Et au niveau électoral aucune force de gauche radicale crédible ne peut se présenter et utiliser ce forum pour faire une critique d’ensemble et esquisser une alternative.


S'il faut attendre d'être crédible pour se présenter aux élections et profiter de ce forum pour défendre ses idées, l'absence des révolutionnaires dans le débat politique électoral risque de durer longtemps :cry3:
alex
 
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