discours de Bernard Thibault

Message par Valiere » 01 Oct 2004, 20:52

a écrit :COMITE CONFEDERAL NATIONAL  29 et 30 septembre 2004
INTERVENTION DE  BERNARD THIBAULT – SECRETAIRE GENERAL DE LA CGT


Comme la convocation du CCN vous l’indiquait, Frédérique DUPONT aura la charge de vous présenter le rapport sur le contexte de cette rentrée et l’état de mise en ¦uvre des dispositions arrêtées fin août. Je me concentrerai, par conséquent, sur le premier point à l’ordre du jour.

Au 47ème congrès, les syndicats ont pris d’importantes décisions concernant l’organisation et le fonctionnement de la CGT.

Après avoir réaffirmé leur démarche solidaire pour de nouvelles conquêtes sociales, après avoir reconnu la nécessité et exprimé leur ambition de « franchir des seuils » pour contribuer au renouveau du syndicalisme, les délégués réunis en congrès ont adopté deux résolutions portant sur l’organisation.

L’une intègre une Charte de la vie syndicale et engage à poursuivre les réflexions sur les transformations de la CGT ; l’autre doit nous conduire à un nouveau système de répartition des cotisations syndicales et à « l’élaboration d’un nouveau système de reversement des cotisations, simple, transparent, efficace et structurellement solidaire ». Ces deux « chantiers » sont indissociables et doivent être menés de concert.

A mi mandat, il est nécessaire que le CCN évalue l’état de mise en ¦uvre de ces décisions, et ce pour deux raisons majeures :

… D’abord parce que les décisions de congrès sont faites pour entrer dans la vie, il n’est pas superflu de le rappeler.

… Ensuite parce que les considérations qui ont conduit à prendre ces dispositions sont plus que jamais d’actualité. Je dirais même que l’expérience de ces derniers mois valide fortement la justesse de ces résolutions.

Qu’il s’agisse du contexte dans lequel nous assumons nos responsabilités, qu’il s’agisse des mutations du salariat, du travail, des entreprises, qu’il s’agisse de nos capacités de mobilisation pour les revendications, tout confirme et amplifie le besoin de passer des projets à la réalisation.

C’est le sens des décisions que nous avions prises ensemble lors du précédent CCN concernant le nouveau système de répartition des cotisations.

Force est de constater que l’implication de nos syndicats dans « l’exercice blanc », destiné à mesurer l’impact financier pour chacun du nouveau mécanisme, est très insuffisante ; trop peu d’organisations ont commencé à débattre concrètement de la répartition de la cotisation au sein de leur département ou profession ainsi que du nouveau dispositif de reversement des cotisations.

La question centrale à laquelle vous allez devoir répondre aujourd’hui, est double :

… Quelles décisions et dispositions devons nous prendre afin que l’ensemble de la CGT change de braquet pour opérer son renforcement et procéder à ses réformes internes,

… Comment les organisations confédérées, dont vous êtes les dirigeants, vont s’investir sur ces deux tâches essentielles ?

Nous ne nous posons pas ces questions parce que nous serions aux abois ; au contraire, nos potentialités sont réelles et se confirment, mais nous sommes loin d’en tirer pleinement avantage.

Ce n’est pas plus pour faire mode, ou par souci de donner des gages à ceux qui affectent de voir la CGT immobile. Pour un observateur attentif et quelque peu objectif, si quelqu’un aujourd’hui a pris le parti de « se bouger » et non de gesticuler, c’est bien la CGT !

La question de la réforme des organisations et structures du syndicalisme pour plus d’efficacité est posée à toutes les organisations syndicales en France, mais aussi en Europe et dans le monde. Au vu des débats qui se tiennent chez nombre de nos voisins, je me dis que nous avons eu bien raison de la prendre à bras le corps et que tout justifie de nous y consacrer pleinement. D’une certaine façon nous construisons le syndicalisme de transformation sociale de demain et cela dans un monde en pleine évolution pour ne pas dire en pleins bouleversements.

Nous avons besoin de renforcer et de transformer la CGT parce que notre syndicalisme est face à des enjeux considérables.

Nous en avons pris davantage la mesure au fil des derniers mois.

Si nous avons pu apprécier à plusieurs reprises que la parole de la CGT pouvait avoir une influence notable dans le débat d’idées, nous avons aussi constaté, en permanence, que le rapport de force global demeurait la condition fondamentale pour peser sur les événements.

Les solidarités ne sont pas spontanées, alors que le sentiment d’une certaine fatalité reste prégnant. Ces derniers mois ont également confirmé une autre évidence : pour mobiliser et compter il faut exister, c’est à dire être organisé sur les lieux de travail et coordonné au plan professionnel et interprofessionnel.

Les confrontations nationales, sur les retraites d’abord puis sur la Sécurité Sociale pour laquelle notre pétition a finalement recueilli plus d’un million de signatures, ont prouvé que la mobilisation était possible. Elles ont d’abord mis en lumière le besoin d’un immense travail d’information, d’élaboration de propositions alternatives pour y parvenir. Elles ont ensuite montré les efforts considérables qu’il convient de faire pour que l’ensemble des forces de la CGT s’impliquent sur des objectifs communs. Nous n’y sommes pas totalement parvenus : ces réformes ont constitué de véritables tests de nos propres capacités et de celles du syndicalisme français.

On ne peut rassembler que ce qui existe, et encore à la condition que la recherche de la convergence et de l’intérêt commun soient des dimensions de l’action revendicative intégrées par toutes les organisations de la CGT.

Sans cette condition et cette conviction, on ne voit pas comment il pourrait y avoir une bonne perception des enjeux et une bonne assimilation des messages de la CGT. On voit encore moins comment ils pourraient être entendus et compris par des salariés placés dans une grande diversité de situations : il faut beaucoup de lucidité et de dynamisme dans nos rangs pour contrer les opérations de division ou de clivage entre catégories, entre statuts, entre générations.

Dans le contexte actuel, ce ne sont pas les seuls électriciens et gaziers qui peuvent empêcher le changement de statut d’EDF et de GDF imposé par le Gouvernement. Ce ne sont pas les seuls privés d’emploi qui obtiendront un système d’indemnisation du chômage à la hauteur des besoins. Ce ne sont pas les seuls salariés visés qui préserveront le droit de grève dans les transports. Ce ne sont pas les seuls salariés menacés de délocalisation qui peuvent défendre l’emploi.

En disant cela, il ne s’agit pas pour moi de minorer une seconde la portée des mobilisations dans lesquelles nous sommes pleinement engagés. Il s’agit de bien faire percevoir ce que nous avons à travailler pour changer la donne.

Nous ne pouvons ignorer le contexte politique dans lequel nous nous trouvons et qui, incontestablement, pèse sur les opinions.

Nous avons déjà évoqué cette spécificité française d’un Gouvernement désavoué, à deux reprises, sur sa politique économique et sociale, lors des élections régionales et européennes. La côte de popularité du Premier Ministre se maintient au plus bas niveau. Disposant d’une majorité dans les institutions il affecte de se la jouer sereine en donnant le sentiment qu’il maintient le cap de ce qu’il appelle « les réformes ». Toutefois l’épisode des pensions de réversion est venu rappeler, à lui et à quelques autres, que le fond de l’air reste très très frais !

Une partie de la droite se réorganise en préparant l’arrivée de l’homme providentiel pour l’UMP ; Nicolas SARKOZY ne cache pas que son but existentiel est de devenir l’homme providentiel pour le pays. Voilà qui annonce, à coup sûr, une accentuation délibérément libérale de la ligne gouvernementale.

A gauche, la situation continue d’être confuse.

Au fur et à mesure qu’approchent les échéances de 2007, celles-ci pèsent sur le débat politique, imposant un prisme qui brouille la vision du quotidien immédiat sans pour autant éclaircir les perspectives.

Nous sommes un syndicat, notre activité n’est pas indexée sur les échéances électorales.

Nous sommes un syndicat, nos prises de position ne sont pas suspendues aux phases et aux péripéties du débat dans et entre les partis politiques.

La CGT continuera d’avoir son expression propre sur les questions nationales et internationales. C’est pourquoi, le moment venu, nous apporterons une contribution syndicale au débat sur le projet de Traité constitutionnel européen et le référendum qui pourrait être organisé en 2005.

Nous le ferons dès lors que les syndiqués de la CGT auront eu les éléments d’information leur permettant de se forger une opinion. Nous avons déjà pris des dispositions en ce sens.

L’urgence, au plan européen, c’est de contrer la directive dite Bolkenstein sur les services, en combattant la clause dite « du pays d’origine », laquelle permettrait de court-circuiter les réglementations nationales du travail, en appliquant celles du pays où est installé le siège de l’entreprise.

L’urgence c’est de combattre le projet de directive sur le temps de travail fondé sur « l’opting-out « , c’est à dire élargissant le nombre de salariés exclus des règles sur le temps de travail, une directive qui veut également exclure du temps de travail les temps de pause ou de garde, un texte qui comporte d’autres dispositions rétrogrades.

Dans une phase où délocalisations et remises en cause des systèmes sociaux font l’actualité dans de nombreux pays de l’Union, c’est sur ses capacités à générer des mobilisations coordonnées pour l’emploi que le mouvement syndical européen est attendu.

Une autre spécificité française, c’est la division et la dispersion syndicales persistantes qui ont des effets néfastes incontestables sur les grandes réformes comme sur bien des conflits professionnels ou locaux.

S’y ajoutent des règles de négociation collective et de représentativité très peu démocratiques, qui constituent une détestable exception française en Europe. Avec la complicité de plusieurs organisations, elles continuent à miner le syndicalisme dans sa légitimité de représentation des salariés et dans sa capacité à exercer ses responsabilités sociales devant eux. L’actualité chez PERRIER, à la SNCM en fait aujourd’hui de nouveau la démonstration.

Le rassemblement des salariés pour la défense de leurs intérêts est indispensable. Cependant, les différences de conception, de stratégie syndicale demeurent. Surtout, elles sont trop souvent affirmées pour jouer sa propre partition, plutôt que mises au grand jour pour être surmontées, avec la volonté d’aller ensemble le plus loin et le plus longtemps possible.  Elles affectent l’ensemble du syndicalisme, elles compromettent durablement son efficacité et sa crédibilité.

Les rencontres bilatérales que nous avons organisées avec les autres confédérations au mois de mai ont montré les différences d’approche et de conception sur des aspects essentiels de nos interventions. Ce ne sont pas les seules directions des organisations qui construiront les réponses. Qu’il s’agisse du besoin du rapport de force au service de la négociation, de démocratie et de transparence dans la conclusion des accords, ces questions doivent être appréhendées par les salariés eux-mêmes et nous n’avons pas à craindre la confrontation des points de vue.

La responsabilité du syndicalisme c’est de tenir son poste, d’imprimer sa marque afin de défendre les salariés, de promouvoir des solutions alternatives à une régression sociale programmée.

L’important, pour nous, c’est de faire face à l’offensive généralisée du patronat contre le droit du travail en développant l’implantation et l’efficacité de notre syndicalisme.

Dans le camp adverse, celui des employeurs, le MEDEF parvient à asseoir ses orientations stratégiques en imprimant sa volonté auprès de responsables politiques qui l’écoutent avec complaisance ou avec zèle, et cèdent le plus souvent à ses volontés quand ils ne les devancent pas. Le MEDEF représente un groupe de pression puissant qui pénètre dans toutes les institutions, dans tous les cercles du pouvoir.

Refusant de contribuer à la sauvegarde des retraites, agressif sur l’UNEDIC, poursuivant son désengagement de la Sécurité sociale et réaffirmant sa convoitise sur ce qu’elle pourrait abandonner à l’assurance privée, le patronat mène une offensive violente, soutenue et de longue haleine pour l’individualisation du contrat de travail, la mise en pièces des droits sociaux.

En fait, à des degrés divers, et sans préjuger de ce que cela pourrait représenter en terme de potentiel de mobilisation, la majorité des salariés subit cette offensive généralisée du patronat. Pour y faire face ils ne peuvent guère compter que sur les forces syndicales.

Ainsi le dernier baromètre annuel que nous a fourni CSA indique que 54 % des salariés font confiance aux syndicats pour défendre leurs intérêts (ils étaient 36 % en 93). La confiance est aujourd’hui de 61 % dans la tranche d’âge des 25/34 ans.  Le niveau de confiance est sans précédent.

Le message apparaît clair. Il signifie que le syndicat est perçu aujourd’hui, majoritairement, comme le seul véritable « contre-pouvoir » sur lequel on puisse s’appuyer. Nous ne nous félicitons pas de cette solitude, mais elle nous confère une très grande responsabilité que nous n’avons pas le droit de décevoir.

N’ayons pas peur d’examiner le revers de la médaille : 45% des salariés ne font pas ou peu confiance aux syndicats. Il y a du pain sur la planche, mais l’expérience des dix dernières années nous autorise à penser que nous avons encore une marge de progrès, à condition de faire ce qu’il faut. Car il faut faire beaucoup pour gagner la confiance et encore plus pour la conserver.

Toujours selon l’enquête CSA, les attentes des salariés à l’égard des syndicats sont très fortes. Celles vis-à-vis de la CGT le sont encore plus. Quand on est en tête du peloton, comme l’est aujourd’hui la CGT, on ne peut pas se permettre de traîner les pieds, encore moins de freiner des quatre fers !

Nos forces organisées, c’est à dire à la fois la quantité globale de syndiqués, la représentativité dans chacune des catégories de salariés, la densité et la répartition géographique, la qualité des liens et de l’activité qui les réunit, ne sont pas à la hauteur des attentes exprimées à notre égard.

Les défis auxquels sont confrontés nos sociétés en France et en Europe sont majeurs, les attentes des salarié(e)s sont considérables, nos objectifs revendicatifs ambitieux mais nous ne sommes pas équipés syndicalement pour y faire face. Le décalage est même croissant entre la réalité de nos formes d’organisation et de fonctionnement et ce qui est nécessaire pour concrétiser de nouvelles solidarités et de nouvelles conquêtes sociales. Nous ne pouvons pas espérer contenir l’offensive patronale, et encore moins gagner du terrain si nous restons figés dans la situation actuelle.

Acceptons ce constat comme un fait ; non pour nous paralyser mais pour réagir en conséquence.

Les documents qui vous ont été envoyés en préparation de ce CCN nous fournissent une photographie de notre organisation. Il faut l’apprécier au regard de nos objectifs revendicatifs.

Par exemple, comment construire avec tous les salariés le Nouveau Statut du Travail Salarié et une Sécurité Sociale Professionnelle avec un tel déficit d’organisation dans le secteur privé ?

Depuis 1968, nous ne nous sommes interrogés que deux fois sur l’évolution des structures de la CGT : en 1980 et en 1995, au 45ème congrès, à l’occasion de l’adoption des nouveaux statuts.

Les questions qui nous préoccupent aujourd’hui sont demeurées sans réponses suffisantes alors que, dans la même période, le monde du travail s’est profondément transformé.

Je ne veux pas abuser des chiffres mais quelques-uns parlent plus que de longs discours :

- depuis 1968, la part du salariat dans la population active n’a fait que progresser,

- si le nombre d’actifs est passé de 21 millions à 26 millions aujourd’hui c’est parce que 5 millions de femmes supplémentaires ont accédé au travail,

- les femmes, premières victimes de la précarisation et des bas salaires, sont présentes en nombre dans les secteurs des services, de la santé, du commerce, de l’éducation… ; des secteurs où notre implantation syndicale reste extrêmement faible.

Autres données :

- En 20 ans,  le nombre de demandeurs d’emploi a plus que doublé, le nombre de CDD a été multiplié par 3 pour atteindre le million, les emplois intérimaires atteignent les 500 000.  Sept millions de salariés changent chaque année de situation.

- Plus de 65% d’une classe d’âge entrant dans la vie professionnelle a le niveau du Bac, sans aucune répercussion dans les qualifications et les salaires, et l’emploi précaire est devenu presque la norme pour l’embauche des jeunes…

- Le nombre d’ingénieurs, cadres et techniciens a doublé de 1975 à 1999 pour atteindre les 8 millions. La progression est aussi réelle chez les employés (8 millions également)

- Les retraités qui représentaient 10% de la population en 1950, sont passés à 20% aujourd’hui soit 12 millions et, du fait de l’allongement de la vie dont on ne se plaindra pas, ils atteindront les 30% en 2020.

- Le champ fédéral du commerce atteint aujourd’hui les 5 millions de salariés soit 20% du total et un tiers des salariés du privé. Tout ça pour pas moins de 80 conventions collectives et….26 000 syndiqués à la CGT.

- Plus de la moitié des salariés du pays sont employés dans les 51 premières zones d’emploi sur les 378 recensées sur le territoire national par l’INSEE.

Le monde du travail change et l’entreprise change aussi et là encore de façon très rapide.

Le mouvement de concentration auquel nous avons assisté au cours des dernières années s’est doublé d’un phénomène de filialisation ou de généralisation de la sous-traitance en cascade, ce qui explique la progression du nombre de petites et moyennes entreprises dans la dernière décennie.

53 % des salariés travaillent dans les entreprises de moins de 50 salariés.

Les périmètres et l’organisation des grands groupes sont devenus insaisissables et fluctuent au gré des achats et des cessions.

Tous ces bouleversements justifient et nécessitent une modification de nos structures syndicales et de nos méthodes de travail.

Agir sur nous même, sur notre implantation et nos modes de fonctionnement est une condition nécessaire au renforcement du syndicalisme et aussi un des plus puissants facteurs pour son rassemblement.

Le taux de syndicalisation reste désespérément faible en France. Même si la force du syndicalisme ne se résume pas strictement au nombre de syndiqués, un taux de syndicalisation toutes organisations confondues inférieur à 9% des salariés (et de l’ordre de 4% pour la CGT) est un handicap considérable pour toute la société.

Si l’on ajoute un déséquilibre important dans la syndicalisation selon les secteurs, on perçoit mieux que c’est le rapport de force en général et pour tous qui s’en trouve affecté.

Les chiffres qui vous ont été fournis sont éclairants : grosso modo, 1% de syndiqués CGT actifs dans la construction et le commerce, entre 2 et 3% dans la métallurgie, l’agroalimentaire…Le déséquilibre existe aussi entre secteur privé et secteur public ou à statut. Le premier représente à peine plus de 40% de nos syndiqués alors qu’il concentre plus de 60% des actifs salariés.

En s’appuyant sur les premiers résultats de nos outils de connaissance des syndiqués, en cours de mise en place et qui porte sur un tiers des adhérents, on peut déjà mettre en évidence certains décalages « sociologiques »: 27% de nos syndiqués sont des femmes, 60% ont plus de 40 ans….

Un salarié sur deux ne dispose d’aucune représentation et si les politiques antisyndicales du patronat y sont pour beaucoup, notre syndicalisme, par ses déficits d’organisation, y est sans doute aussi pour quelque chose. Selon l’INSEE, 20% seulement des entreprises de moins de 50 salariés ont un délégué syndical. Les délégués syndicaux CGT sont présents dans 18% des entreprises toutes tailles confondues et nous « couvrons » 42 % du total des salariés.

Résumons notre situation par quelques chiffres.

Globalement près de 700 000 syndiqués – dont je rappelle que la cotisation ne parvient pas forcément à la Confédération.  80% d’actifs et 20% de retraités, environ 60 000 chez les ingénieurs cadres et techniciens, et quelques milliers parmi les privés d’emploi.

Nous recensons 16 682 syndicats CGT de salariés actifs selon les données du 47ème congrès. 2 477 syndicats ont plus de 50 adhérents. Ils regroupent 355 000 syndiqués actifs soit 66% du total de nos syndiqués.  Mais 10 921 syndicats de moins de 20 adhérents regroupent 82 000 syndiqués.

Lors de notre dernier congrès, nous nous sommes donné l’objectif d’atteindre le million de syndiqués. Cet objectif est pertinent, il l’est même encore plus que l’an dernier. Mais soyons francs nous sommes loin du compte et pour tout dire nous ne décollons pas ! Certes, nous avons sur les 3 dernières années une croissance du nombre de bases nouvelles et sur le premier semestre 2004 nous avons un peu plus de 30 000 adhésions nouvelles, soit le double de l’an dernier. Mais, à ce rythme là, nous n’arriverons pas à notre objectif et le nombre de syndiqués restera, au mieux, stable.

En résumé, nous n’avons pas inversé la tendance. Et pourtant nous avons du potentiel, les 1 000 adhésions, reçues directement à la Confédération par Internet durant le premier semestre, en sont un signe parmi d’autres. Mais, en matière de syndicalisation, l’Internet ne fait pas le printemps…

A côté de ceux-là, ce sont des centaines de milliers de salariés qui ont toute leur place à la CGT aujourd’hui.

L’idée selon laquelle nous ne pesons que pour ce que nous sommes n’est pas pleinement intégrée. De plus, il ne suffit plus d’être fort dans une entreprise voire dans une branche professionnelle pour gagner des avancées sociales, il faut être fort partout.

Comme je l’ai déjà dit à plusieurs reprises, en matière de syndicalisation il nous faut « changer de braquet ». Il nous faut construire autre chose dans lequel chaque organisation, chaque syndicat, et le plus grand nombre de syndiqués qu’ils soient du secteur public ou du privé se sente partie prenante.

Je propose donc au CCN de décider de la mise en place d’un Plan National de Syndicalisation pour que celui-ci soit opérationnel dès les premiers jours de janvier 2005.

Elaborer un tel plan, nécessite un engagement des UD et des Fédérations pour  identifier les cibles c’est-à-dire les zones, les sites, les secteurs, les entreprises où nous allons concentrer des moyens militants, définir des objectifs à atteindre, mettre en place des procédures de suivi et d’évaluation de nos résultats.

Nous aurons jusqu’à la fin de l’année pour élaborer ce plan et cela dans une vraie concertation et complémentarité de toutes les organisations de la CGT. Dans les moments importants nous avons toujours su nous organiser en conséquence par exemple lors des dernières élections prud’homales.

Aujourd’hui est un moment important !

L’adoption par le CCN du principe de ce plan, sera un engagement de chacun de contribuer à sa mise en place et à sa réussite.

Pendant les trois mois qui viennent nous arrêterons aussi les axes d’une campagne de communication nationale digne de ce nom. La communication confédérale a déjà engagé quelques réflexions prospectives à ce sujet, mais ce sont aussi les moyens de communication des fédérations, régions, unions départementales, locales et des syndicats qui devront se mobiliser.

Faire adhérer à la CGT, c’est une chose, permettre à chaque syndiqué d’être organisé dans la CGT est une autre histoire.

Les « syndiqués isolés », voilà une curieuse catégorie à laquelle, avec les années, nous semblons nous être habitués. Cela n’a aucun sens, c’est même antinomique avec l’idée même de syndicalisme qui renvoie à la solidarité, à l’action collective, à l’échange, bref tout ce qui, par définition, ne peut pas se faire seul !

C’est la raison pour laquelle je propose que le CCN, s’appuyant sur la résolution du congrès qui a décidé d’impulser la création et la coordination de syndicats de site ou de zone, décide aujourd’hui de mettre en place, pour le début de l’année, des syndicats locaux multiprofessionnels en sachant s’inspirer des expériences locales déjà en cours.

Ces syndicats seront destinés à permettre aux syndiqués pour l’instant isolés de disposer d’une organisation locale. Ils pourront être la structure d’accueil des nouveaux adhérents provenant soit des petites entreprises ou d’entreprises où nous n’avons pas la capacité de faire vivre un vrai syndicat.

Nous devrons être en mesure de préciser les modalités de mise en place de la carte permanente pour les champs d’expérimentation retenus par la Commission exécutive : les saisonniers, les camarades du commerce, les retraitables.

Il faut changer de braquet, disais-je, mais il faut changer de braquet partout. C’est vrai pour le CoGiTiel. Aujourd’hui, 91 UD sur 96 et 17 fédérations sur 32 sont « adhérentes » au CoGiTiel, mais seulement 121 507 syndiqués sont « entrés » dans le CoGiTiel, soit à peine 18% du total de nos syndiqués.

Dans notre charte de la vie syndicale nous affirmons que « la formation syndicale, sociale et économique est un droit » et nous avons notamment décidé de « créer les conditions pour que tout nouvel adhérent à la CGT acquière dès son adhésion les connaissances et les savoir-faire nécessaires pour participer à la vie syndicale ».

Le groupe de travail « Formation » a présenté ses propositions au CCN de janvier dernier. Sous son impulsion, des avancées ont été réalisées, par exemple un livret d’accueil est maintenant disponible et nous progressons sur les contenus et les modalités des stages. Mais, là comme ailleurs, c’est le rythme qu’il faut accélérer.

Si cet objectif n’est pas atteint, c’est la réalité et la pérennité de la démocratie interne au sein de notre organisation qui peuvent en être affectées. Pensons au renouvellement de nos compétences et à la transmission de nos savoir-faire alors que 80 000 syndiqués de la CGT vont partir en retraite dans les toutes prochaines années.

Quelques mots sur la N.V.O.

La NVO est mieux appréciée par les militants.

Depuis le 47ème congrès, la situation est stabilisée 40 000 abonnés pour une moyenne de diffusion de 55 000 numéros. Cependant, rapporté aux engagements que nous nous étions fixés il y a trois ans et demi, l’écart demeure avec l’objectif d’une diffusion moyenne de 70 000 exemplaires.

Il est encourageant de souligner que, sur 1 500 abonnements réalisés par an, plus de 90 % des lecteurs restent fidèles. C’est un progrès.

Mais seuls 6 % de nos syndiqués sont abonnés. Le taux varie de 1 à 10 % suivant les régions, les professions.

Nous pouvons changer de braquet dans la diffusion du journal en l’adossant au plan national de syndicalisation.

Vous l’avez compris, avec ce plan national de syndicalisation, il s’agit d’établir des priorités, nous concentrer sur l’essentiel, créer les conditions de la compréhension entre les militants et de la synergie entre toutes les organisations de la CGT.

Cet effort de déploiement et de densification de notre présence et de notre action pour être durable doit s’inscrire dès maintenant dans une perspective plus vaste.

Cet effort doit être l’occasion d’une remise à niveau et d’une refonte de nos structures et de nos modes de fonctionnement. Je suis en effet persuadé que la définition et la mise en ¦uvre de notre plan national de syndicalisation, nous obligeront dès maintenant à intégrer cette nécessité, à innover dans nos modes d’échange et de travail et à en tester la validité.

La constitution de syndicats multiprofessionnels, que j’ai évoquée précédemment, en est un bon exemple. Il y en aura d’autres.

Il n’y a pas d’activité syndicale performante sans la prise en compte de la réalité et de l’évolution des rapports sociaux, sans la prise de conscience de ce que, tant pour la confrontation des idées que la coordination et la conduite de l’action, le choix d’une organisation syndicale ouverte à tous les salariés dans un cadre confédéré implique des structures adaptées, des comportements ouverts, des objectifs partagés, des règles de vie acceptées et respectées.

Il s’agit de réfléchir aux modes d’organisation qui nous permettront d’améliorer de façon très sensible nos facultés de réactivité et d’anticipation, nos capacités de pénétration et d’intervention dans les entreprises et dans les territoires, notre force de conviction dans le débat public.

Il s’agit de nous donner les moyens d’honorer les attentes qui nous sont adressées, d’être à la hauteur de nos ambitions et de tenir nos promesses.

Oui ou non, voulons nous être des artisans déterminés et convainquants de la mobilisation et de l’unité de tous les salariés, des organisateurs opiniâtres et méthodiques des convergences revendicatives ?

Oui ou non, avons nous l’objectif et voulons nous nous donner les moyens de modifier le rapport de force, de peser sur les évolutions économiques et sociales, de leur donner un sens en les structurant autour des valeurs de solidarité et de justice sociale ?

Sous l’impulsion du MEDEF, qui y voit un moyen puissant de déroger et de contourner les syndicats, la négociation des garanties collectives au niveau branches et interprofessionnel perd du terrain au profit de la négociation entreprise par entreprise, tandis que le dialogue social territorial prend une nouvelle dimension, en s’élargissant à de nombreux acteurs de la société. Cette évolution s’inscrit dans la mise en concurrence des salariés et des territoires voulue par les employeurs, et le plus souvent soutenue par les gouvernements et les instances européennes.

Pour faire vivre un syndicalisme solidaire, il devient de plus en plus urgent de redéfinir une démarche cohérente alliant territoires et professions dans le contexte d’aujourd’hui.

Notre réflexion et notre action doivent être alimentées par la connaissance des besoins des salariés et de la population, enracinées à la fois dans le monde réel des entreprises et dans celui de l’organisation institutionnelle des territoires, en croisant des politiques de filière avec des approches territoriales allant du niveau local au niveau national, européen et international.

Etre en capacité de construire des programmes revendicatifs avec les salariés dans chaque entreprise et sur chaque site, avoir un comportement rassembleur avec les autres syndicats ou le monde associatif, rendre compte de l’avancement de la réflexion ou du contenu des négociations, voilà les bases d’une stratégie revendicative cohérente, conforme aux orientations de la CGT et capable de déboucher sur des mobilisations efficaces.

Pour cela nous devons explorer de nouveaux modes d’organisation, d’échange et de fonctionnement de nos organisations professionnelles et territoriales, pour répondre aux besoins des syndicats de la CGT, des syndiqués et des salariés.

Par exemple, les salariés des groupes donneurs d’ordres et ceux qui sont dans les industries sous-traitantes, ont besoin de confronter leurs vécus et leurs expériences, et de proposer ensemble des objectifs revendicatifs solidaires. Sans cette rencontre et ce travail, est-il possible de casser les oppositions résultant d’une mise en concurrence orchestrée par les directions d’entreprise ?

Là, comme ailleurs, nos formes d’organisation et nos modes de fonctionnement doivent être conçus pour favoriser la solidarité.

C’est dans cette direction qu’il nous faut maintenant progresser. Les journées de Courcelles, auxquelles un grand nombre d’entre vous a participé, poussaient dans ce sens.

Je perçois bien des difficultés à mettre ces questions à l’ordre du jour de nos directions syndicales et plus encore à en faire l’affaire des syndiqués.

Et pourtant cela demeure une question stratégique de première importance. Les premiers responsables de chacune des organisations de la CGT doivent désormais être à l’initiative dans l’impulsion de la réflexion, dans l’impulsion de ce que nous avons besoin de modifier.

Cela fait maintenant trop longtemps que les constats se multiplient sans qu’ils donnent lieu à des mesures concrètes nous permettant d’orienter nos moyens sur nos priorités.

Le temps est venu de clarifier les missions, le rôle et les moyens consacrés à chacune des structures de la CGT avec le double objectif de répondre aux besoins d’organisation d’un plus grand nombre de salariés dans la CGT et de promouvoir un syndicalisme interprofessionnel favorisant les convergences et le rassemblement dans les mobilisations et l’action.

Je connais le poids des habitudes ou de l’histoire, les refuges parfois un peu faciles qu’elles procurent, les nombreuses réticences qu’elles alimentent, aboutissant au statu-quo.

Je suis, pour ma part, convaincu qu’une attitude qui serait jugée trop timorée par ceux qui font la CGT se retournerait contre l’organisation toute entière. Nous n’avons pas le droit de prendre cette responsabilité. Nous perdrions une part de crédibilité si nous étions trop timides à préparer l’avenir.

Ce sont bien les directions syndicales et les syndiqués d’aujourd’hui qui vont faire la CGT de demain. Personne d’autre ne le fera à notre place.

La première phase du débat national ouvert il y a un an par le CCN a permis de cerner quelques questions de fond auxquelles il faut maintenant apporter des réponses collectives.

Qu’il s’agisse du syndicat, de l’union locale, de l’union départementale, du comité régional, de la fédération professionnelle, il n’y a pas d’organisation de la CGT qui peut s’exonérer de la réflexion et de la construction de l’outil syndical conforme à nos ambitions revendicatives.

N’attendons pas que des considérations matérielles et financières s’imposent brutalement à nous. En disant cela je ne suis pas pour évacuer ces dimensions. Au contraire, nous devons aussi les avoir à l’esprit.

Est-ce superflu de s’interroger sur la meilleure utilisation du potentiel militant et financier dont nous disposons ?

Est-ce déplacé de considérer qu’en certains endroits les moyens absorbés pour le fonctionnement interne des structures de la CGT ne sont pas proportionnels au service rendu ?

Doit-on laisser, au nom du fédéralisme, chaque organisation être livrée à elle-même pour résoudre cette adéquation, ou s’engage-t-on ensemble dans une vraie  réflexion stratégique dans laquelle chaque organisation de la CGT y verra plus clair dans sa mission singulière au sein de la maison commune CGT ?

Il n’appartient pas plus à la direction confédérale qu’au secrétaire général d’imposer quoi que ce soit dans ces domaines.

Le seul outil à ma disposition c’est la force de conviction et, à travers ce CCN, j’aimerais convaincre que nous sommes – que nous le voulions ou non – engagés dans une course de vitesse.

Le temps qui s’écoule, sans réaction appropriée de notre part, devient préjudiciable à toute la CGT et, plus globalement, à l’efficacité de notre démarche.

Commençons, partout où cela n’a pas été fait, par inscrire ces questions à l’ordre du jour de nos réunions d’organisations.

Au vu de l’expérience et des enseignements tirés par les commissions qui ont animé la première phase du débat, il est proposé au CCN de prolonger et d’adapter leur mandat.

Trois commissions, avec votre accord, seraient ainsi mises en place :

… L’une sur le syndicat
… Une seconde sur l’organisation territoriale de la CGT
… La troisième sur l’organisation professionnelle de la CGT.

Il va sans dire qu’il faudra veiller à la cohérence et à la complémentarité de ces trois commissions.

Celles-ci alimenteront la réflexion  et puiseront les opinions dans l’ensemble des organisations de la CGT. Elles seront chargées de présenter des suggestions et des orientations lors d’un CCN fin 2005.

Nous évaluerons ensemble où nous en sommes et ce qu’il conviendra alors de mettre en forme dans la phase de préparation du prochain congrès confédéral que nous pourrions envisager de réunir dans le dernier trimestre 2006.

Voilà, chers camarades, les réflexions dont je souhaitais vous faire part pour un débat que j’espère fructueux.

Pour matérialiser nos décisions, un projet de délibération vous sera soumis dans la journée.
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Valiere
 
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Message par com_71 » 02 Oct 2004, 00:07

Juste une allusion à Perrier
(B. Thibaut a écrit :L’actualité chez PERRIER, à la SNCM en fait aujourd’hui de nouveau la démonstration.

Un vrai scandale !
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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com_71
 
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