a écrit :M. Koizumi remanie son gouvernement pour privatiser la PosteLE MONDE | 28.09.04 | 14h53
Le premier ministre japonais entend imposer une réforme impopulaire à sa majorité récalcitrante.
Tokyo de notre correspondant
En remaniant son cabinet, lundi 27 septembre, le premier ministre japonais, Junichiro Koizumi, a voulu raffermir l'autorité de son gouvernement, entamée par le revers des élections sénatoriales de juillet, et montrer qu'il entend poursuivre, contre vents et marées, l'impopulaire privatisation des services postaux dont il a fait son cheval de bataille.
Plus que le changement de titulaire à la tête du ministère des affaires étrangères, c'est la création d'un portefeuille spécial pour la réforme de la Poste, confié au puissant ministre de la politique économique et budgétaire, Heizo Takenaka, qui retient l'attention. La composition du cabinet suscite l'irritation des "barons" du Parti libéral-démocrate (PLD). Beaucoup de commentateurs sont sceptiques sur les capacités du nouveau gouvernement à surmonter ce regain d'opposition.
La nomination de Nobutaka Machimura, ancien ministre de l'éducation, à la tête de la diplomatie japonaise, en remplacement de Yoriko Kawaguchi, ne semble guère destinée à donner plus de relief à une politique étrangère qui restera sous la tutelle du premier ministre et, par conséquent, ancrée dans un pro-américanisme réaffirmé par M. Koizumi devant l'Assemblée générale des Nations unies.
Le remplacement à la tête de l'Agence de défense du jeune "faucon" Shigeru Ishiba par un ancien fonctionnaire du ministère des finances, Yoshinori Ono, 68 ans, témoigne également du souci du premier ministre d'avoir la haute main sur le renforcement des capacités militaires japonaises. Tokyo, qui a déployé pour la première fois depuis 1945 des troupes à l'étranger (550 soldats sont stationnés dans le sud de l'Irak), est en train de repenser son système de défense. Tant M. Machimura que M. Ono partagent la position proaméricaine du premier ministre : "En d'autres termes, on ne doit attendre aucun infléchissement dans le domaine de la diplomatie ou de la défense", estime Jiro Yamaguchi, professeur de sciences politiques à l'université de Hokkaido.
MENACE DE DISSOLUTION
En matière économique, l'équipe, dont la "cheville ouvrière" est le ministre de la politique économique et budgétaire, M. Takenaka, reste en place. Le ministre des finances, Sadakazu Tanigaki, et le ministre de l'économie et de l'industrie, Shoichi Nakagawa, conservent leurs portefeuilles. Outre ses fonctions actuelles, M. Takenaka se voit confier le dossier de la privatisation de la Poste. Considérée comme la plus grande banque du monde, la Poste japonaise détient, avec quelque 355 000 milliards de yens (2 640 milliards d'euros) d'épargne et d'assurances-vie, un capital convoité par le secteur bancaire. La privatisation de la Poste, qui, selon le plan décidé de manière autoritaire par le gouvernement, devrait être divisée en quatre entités, suscite une vive opposition au sein de la majorité gouvernementale.
Le premier ministre essaie de circonvenir une fronde qui risque de bloquer l'adoption des lois nécessaires à la privatisation en nommant des fidèles aux postes-clefs du parti. Il profite de l'affaiblissement du clan le plus puissant du PLD, celui de l'ex-premier ministre Ryutaro Hashimoto, pris dans un scandale, mais il s'est séparé d'une étoile montante de la droite, Shinzo Abe, qui a quitté les fonctions de secrétaire général du parti gouvernemental pour assumer la responsabilité de la défaite aux élections sénatoriales. Afin de "tenir" les députés, M. Koizumi fait planer la menace d'une dissolution au début de 2005.
Philippe Pons