Education: ablation de postes et syndicats sous an

Message par Barikad » 22 Sep 2004, 09:07

a écrit :Le ministre devrait annoncer 55OO postes d'enseignant en moins dans le secondaire.
Education: ablation de postes et syndicats sous anesthésie

Par Emmanuel DAVIDENKOFF
mercredi 22 septembre 2004 (Liberation - 06:00)



et le piège se referma. En présentant aujourd'hui le budget 2005 de l'Education, François Fillon va activer une machine infernale pour les syndicats enseignants et, peut-être, pour l'école en général. Pour la troisième année consécutive, l'Education nationale va en effet supprimer des postes. Sauf coup de théâtre, le ministre devrait officialiser 5 500 suppressions de postes d'enseignants dans les collèges et les lycées (3 400 titulaires et 2 100 non-titulaires) et 800 suppressions de postes de personnels administratifs. A quoi il faudra ajouter, hors budget mais bien visible sur le terrain, quelques suppressions liées au «plan de retour à l'équilibre» engagé voici trois ans (l'Education doit «rendre» aux Finances les postes qu'elle dépensait en sus de son budget). Côté créations de postes : 1 000 dans le primaire, soumis à une forte hausse démographique, dont 300 pour Mayotte ; et 1 000 dans le supérieur, annoncés l'été dernier à l'issue du mouvement des chercheurs. Enfin, bien réels même s'ils sont dans un angle mort budgétaire, des milliers de précaires restent sur le carreau, puisque les rangs des vacataires ont été décimés.

Finesse. François Fillon ne devrait pas trop jouer sur les mots. S'il a indiqué dimanche sur Europe 1 que «le budget de l'Education augmentera», il admet qu'il n'avait pas le choix : «Le budget de l'Education est constitué pour l'essentiel de dépenses de personnel. Ces dépenses augmentant mécaniquement (...), le budget augmente.» Tout au plus tentera-t-il de convaincre que les lendemains chanteront en annonçant «une augmentation significative du nombre de places mises aux concours» d'enseignement. Colossale finesse : le ministère devrait ouvrir environ 14 000 postes aux concours du second degré contre 13 000 cette année ; mais ils seront loin de compenser les 18 500 départs à la retraite prévus l'année où les impétrants prendront leurs fonctions. Cette «augmentation» est donc annonciatrice de 4 000 ou 5 000 suppressions supplémentaires au budget 2006 (le différentiel recrutements-départs). Du jamais vu.

Pourtant, ces annonces ne devraient pas susciter de réactions massives sur le terrain. Parce que les répercussions locales de la rigueur, pour inconfortables qu'elles soient, restent peu spectaculaires : remplacements plus longs à pourvoir, options supprimées, classes dédoublées en moindre quantité... Mais aussi parce que rarement l'ancienne «forteresse» syndicale enseignante n'a été aussi fragilisée (même si l'éducation reste nettement plus syndiquée que les autres secteurs). Pour des facteurs conjoncturels d'abord. Le retour de bâton consécutif au mouvement social du printemps 2003 (retraites et décentralisation) et aux élections 2004 se fait lourdement sentir. «Les collègues se disent que rien ne sert à rien : qu'on fasse grève ou qu'on vote, rien ne change», constate un syndicaliste. Plus encore que les ponctions salariales qui, pour certains, se sont étalées quasiment toute l'année dernière, c'est cet autisme gouvernemental qui inciterait les enseignants à hiberner jusqu'en 2007. D'autant que les syndicats sont eux aussi tenus responsables de n'avoir pas su conduire la mobilisation vers une issue favorable.

Leur capacité à construire un rapport de forces se heurte aussi à des raisons structurelles, dont les conséquences pourraient être lourdes alors que le gouvernement doit présenter d'ici la fin de l'année une nouvelle loi d'orientation sur l'éducation. Depuis des années, les syndicats perdent des adhérents par milliers, faute d'avoir su attirer les jeunes. Cauchemar des organisations : les jeunes enseignants qui adhèrent pour raisons utilitaires pendant deux ou trois ans et disparaissent dans la nature. Cette question est névralgique : les 23-30 ans représentent 12 % des enseignants ; mais ils seront 40 % en 2012. Et ce n'est pas gagné : quand le Snes-FSU a dépouillé son enquête sur les critiques des enseignants à l'égard des syndicats, il a pu vérifier que ces derniers étaient vus comme de grosses machines lointaines, au fonctionnement flou, émettant des messages peu clairs.

En sommeil. Même la montée d'un farouche antilibéralisme dans le monde enseignant ne semble pas offrir, pour l'instant, de débouchés opérationnels : les coordinations qui le portent se mettent en sommeil entre deux mouvements et, dixit un ancien responsable du Snes-FSU, «on sent bien une politique libérale pilotée au niveau européen ou mondial mais elle est perçue comme une chape de plomb impossible à remuer avec les moyens habituels du syndicalisme». Et comme le politique est également impuissant à structurer un discours collectif susceptible de donner sens aux missions des enseignants...

Résultat : seul le plus petit dénominateur commun des moyens fédère encore les organisations. Là réside le ressort d'un piège qu'elles se sont, pour partie, tendues à elles-mêmes. Car les syndicats sont pris à leur propre jeu : la populaire équation «démographie en hausse égale nécessité de recruter plus» a aisément été retournée par le gouvernement depuis que la démographie baisse dans le secondaire. Difficile pour les organisations d'expliquer que la nécessité de recruter tient également à la nature du projet éducatif, aux inégalités entre les régions, à la richesse de l'offre éducative, etc. D'autant qu'il faudrait qu'elles se mettent d'accord sur ces questions. Or le divorce entre les dogmes des appareils et la réalité du terrain stérilise les discours ­ exemple typique : le collège unique au Snes-FSU, critiqué sur le terrain, défendu au «sommet».

La droite semble donc avoir les mains libres pour parachever le programme qu'on lui a longtemps prêté : supprimer des postes et casser les syndicats. A moins que l'atonie actuelle soit de celles qui précèdent les grandes tempêtes... Ou que Fillon remette les organisations dans le jeu pour se prémunir du pire danger pour un ministre : n'avoir aucun interlocuteur pour apaiser un éventuel mouvement.
Barikad
 
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