article de libé
a écrit :Un chômeur sur deux a moins de 24 ans
Le BIT publie un rapport alarmant sur le chômage des jeunes dans le monde.
Par Christian LOSSON
jeudi 12 août 2004 (Liberation - 06:00)
es jeunes sont-ils les sacrifiés de la mondialisation ? Jamais le chômage ne les a autant frappés, jamais leur exclusion d'un travail décent n'a été si évidente. Près de la moitié de la planète des sans-emploi a moins de 24 ans, estime un rapport publié hier par le BIT (Bureau international du travail), à la veille de la Journée internationale de la jeunesse, ce 12 août. Les 15-24 ans représentent 88 des 186 millions de personnes officiellement au chômage. Soit 47 %, alors qu'ils ne constituent que 25 % de la population active (personnes âgées de 15 à 64 ans).
Le chômage mondial des jeunes a atteint 14,4 % en 2003, une hausse de 26,8 % par rapport à 1993. Dans le même temps, le nombre des 15-24 ans a grimpé de 10,5 %, à 1,1 milliard d'individus, mais le nombre d'emplois qui leur est offert n'a augmenté que de 0,2 %. «Ils sont les premiers à perdre leur emploi et les derniers à en trouver un, estime Isabelle Guillet, l'une des rédactrices du rapport. En période de crise, ils sont encore plus vulnérables que les personnes les plus âgées.»
Les jeunes, première variable d'ajustement des employeurs ? C'est l'avis du BIT, qui rappelle que ces chiffres ne décrivent qu'une réalité partielle du travail des jeunes. «Sur les 550 millions de travailleurs pauvres qui n'arrivent pas à se maintenir avec leur famille au-dessus du seuil de pauvreté de 1 dollar par jour, 130 millions sont des jeunes qui doivent lutter pour survivre», via le travail informel. Là, ils sont souvent astreints à des horaires lourds, des salaires de misère et des conditions infernales. «Le taux de chômage n'est qu'un indicateur spécifique aux pays industrialisés, mais ne raconte en rien la réalité du mauvais emploi des jeunes dans beaucoup de pays du Sud, où vivent 85 % des jeunes de la planète», rappelle Isabelle Guillet. Leur taux de chômage (officiel) y est 3,8 fois plus élevé que celui des adultes 2,3 fois pour le Nord.
Ce rapport écorne un peu plus les belles intentions proclamées en 2000 par près de 200 chefs d'Etat et de gouvernement. Tous avaient, lors de leurs engagements sur les Objectifs du millénaire, décidé notamment de «formuler et d'appliquer des stratégies qui donnent aux jeunes partout dans le monde une chance réelle de trouver un travail décent et utile». Un échec qui fait dire à Juan Somavia, directeur général du BIT : «Nous gaspillons une part importante de l'énergie et des compétences de la jeune génération la plus instruite que le monde ait jamais connue.» S'attaquer à la vulnérabilité des jeunes sur le marché du travail a certes un coût. Mais moindre que le bénéfice d'une réduction de moitié de ce chômage, qui ferait gagner, selon le rapport, «4 % au PIB mondial». Mieux : en Afrique subsaharienne, la création d'emplois productifs pour les jeunes rapporterait entre 12 et 19 % du PIB actuel de la région la plus pauvre du monde.