Une biographie de Kerry

Message par pelon » 26 Juil 2004, 16:53

a écrit :
John Kerry, aristocrate de gauche
LE MONDE | 26.07.04  •  MIS A JOUR LE 26.07.04 | 13h52
Fils de diplomate, remarié à une riche héritière, le candidat démocrate à la Maison BLanche a tout du privilégié. Ses convictions, pourtant, sont plus profondes qu'il n'y paraît.

Le problème de John Kerry, ce n'est pas qu'on ne le connaît pas, c'est qu'on le connaît trop." "Encore un de ces riches élitistes de gauche du Massachusetts qui prétend être un homme du peuple ! Impayable !" "Il se présente comme un candidat populiste. Sa première femme venait d'une grande famille de Philadelphie, qui pèse 300 millions de dollars. Sa seconde femme est une héritière des cornichons et du ketchup." "Pour se défendre de l'accusation d'être distant, Kerry cite l'écrivain français André Gide : "N'essayez pas de me comprendre trop vite !" Pas de problème ! Nous n'avons jamais entendu parler d'André Gide."

Dans la campagne pour l'élection présidentielle du 2 novembre, les caricatures volent bas. Les polémistes de droite n'ont pas à envier l'ardeur des "Bush-haters" ("haïsseurs de Bush") de gauche. Pour les rédacteurs de publicités télévisées, les chroniqueurs radio ou les sites Internet républicains, John Kerry représente tout ce qu'un conservateur américain déteste. Il appartient à la haute société de Nouvelle-Angleterre, il a vécu en Europe, il est cultivé, de gauche, catholique de la tendance tolérante. Qui plus est, il siège au Sénat depuis presque vingt ans, et les "politiciens de Washington" ont, par définition, mauvaise réputation. Il a même fini par devenir ami avec l'autre sénateur du Massachusetts, Edward Kennedy, parangon de la gauche démocrate la plus traditionnelle, certains diraient sectaire.

Naturellement, les caricatures ont raison. Elles sont même au-dessous de la vérité. Il est difficile d'imaginer un homme politique plus compliqué que John Forbes Kerry. Sa naissance, déjà, est un défi aux idées reçues. Son père était un diplomate au patronyme irlandais, de confession catholique, formé aux universités Yale et Harvard.

Richard Kerry n'a jamais dit à son fils ce que celui-ci a appris par un article du Boston Globe en 2003 : ses grands-parents étaient des juifs d'Europe centrale, convertis au catholicisme en 1902 et arrivés aux Etats-Unis en 1905. Fritz Kohn a emprunté le nom d'un comté d'Irlande pour devenir Frederick Kerry. Avec sa femme, Ida, il s'est installé à Chicago, puis à Brookline, dans le Massachusetts. Après deux faillites, Frederick Kerry n'en a pas supporté une troisième et s'est tiré une balle dans la tête, dans les toilettes d'un hôtel de Boston, en 1921.

La mère de John Kerry, Rosemary Forbes, appartient à l'une des familles les plus anciennes de cette grande bourgeoisie de Boston surnommée "les brahmanes", tant elle forme une caste sûre de sa valeur et de sa place dans la société. Les Forbes se sont enrichis dans le commerce avec la Chine - celui de l'opium, entre autres - et possèdent des terrains à Cape Cod, lieu de villégiature des fortunes de Nouvelle-Angleterre.

Le père de Rosemary avait épousé une descendante de John Winthrop, qui fut, au début du XVIIe siècle, le premier gouverneur du Massachusetts. Ces Forbes-là vivaient en Bretagne, à Saint-Briac-sur-Mer. John et Margaret Forbes avaient onze enfants, et c'est à Saint-Brieuc, où il étudiait la sculpture, pendant l'été 1938, que Richard Kerry a rencontré celle qui est devenue sa femme, trois ans plus tard. Pilote d'essai de l'armée de l'air, Richard Kerry a été hospitalisé, pour une tuberculose, dans le Colorado. John est né, à Denver, le 11 décembre 1943.

Pourtant, bien qu'apparentés à la plus ancienne aristocratie de ce pays qui ne connaît pas les titres de noblesse, le futur sénateur, ses deux sœurs et son frère n'ont pas été élevés dans le luxe. Leur famille maternelle était une branche modeste de la tribu Forbes, et leur père était un diplomate de niveau moyen, qui n'a jamais atteint le rang d'ambassadeur.

Quand John, après un séjour dans une pension suisse, est entré au collège Saint Paul, dans le New Hampshire, sa scolarité a été payée grâce à la générosité d'une grand-tante. A Saint Paul, il était doublement isolé, catholique dans un milieu anglican - la religion des grands bourgeois anglophiles du Nord-Est - et impécunieux parmi des jeunes gens aux poches pleines, assurés de leur avenir et qui trouvaient un peu étrange de travailler autant qu'il le faisait. "Il était très pugnace", a raconté un de ses condisciples, Danny Barbiero, lui aussi atypique dans cet établissement. Et d'ajouter : "Ce n'était pas cool de l'être, à Saint Paul. Vous n'aviez pas à l'être. Vous aviez un droit de naissance."

Le jeune Kerry s'impose par l'effort. Il est bon élève. Il brille au hockey sur glace, dans une équipe dirigée par Robert Mueller, aujourd'hui directeur du FBI. Il fait du théâtre et joue - ou prétend jouer, il y a débat sur ce point... - de la guitare basse dans un groupe de rock. Il écrit dans le journal de l'école, où, en mai 1962, deux mois après les accords d'Evian, qui ont mis fin à la guerre d'Algérie, il publie un curieux poème sur de Gaulle et le déclin de l'empire français.

Il drague les filles, parmi lesquelles une demi-sœur de Jackie Kennedy, ce qui lui vaut d'assister à la régate de l'America Cup, au large de Rhode Island, sur le même voilier que le président des Etats-Unis. Il commence peut-être, alors, à se croire un destin. En tout cas, quand il entre, la même année, à Yale, il se sent chez lui, dans cette université prestigieuse, et tient des discours de plus en plus catégoriques sur la politique nationale et internationale.

Partisan enthousiaste de John Kennedy, il devient président de la Yale Political Union, association d'étudiants qui organise des débats politiques. Il est initié, aussi, à la mystérieuse Skull and Bones Society ("Société des crânes et des os"), cette confrérie de Yale à laquelle ont appartenu les deux George Bush et qui, comme toutes les sociétés secrètes, excite les imaginations. En fait, on y est coopté pour ses mérites, qu'ils soient scolaires, sportifs ou de camaraderie. Y être admis est, à la fois, un rite de passage - le nouvel arrivant doit, notamment, raconter en détail sa vie sexuelle depuis l'enfance - et une voie de socialisation. Sur les quinze membres de Skull and Bones qui ont obtenu leur diplôme de sortie en 1966, quatre se sont engagés dans les forces armées. Bien qu'il ait passé une grande partie de son temps, pendant sa dernière année à Yale, à s'initier à l'aviation, avec son camarade Frederick Smith, futur fondateur de Federal Express, John Kerry a choisi la marine plutôt que l'armée de l'air.

L'influence de son père, qui s'était engagé lui-même à la fin de ses études, semble avoir été grande, mais ambiguë. Richard Kerry a quitté le Foreign Service en 1962, las de ses lourdeurs bureaucratiques et amer de ne pas avoir vu ses qualités reconnues. Dans un entretien au Boston Globe, en 1996, il a expliqué qu'il considérait la guerre du Vietnam comme "une grave faute politique", mais que son fils voulait "brandir le drapeau"et qu'il était "très immature à cet égard".

En octobre 1965, John Kerry a remis au vice-président Hubert Humphrey, de passage à New Haven, dans le Connecticut, où se trouve l'université Yale, une pétition condamnant les manifestations contre la guerre. Pourtant, sept mois plus tard, choisi pour prononcer le discours de fin d'année universitaire, le jeune engagé critique la politique du président Lyndon Johnson. "Nous n'avons pas réellement perdu le désir de servir. Nous nous interrogeons sur les racines de ce que nous servons", dit-il.

L'hésitation de John Kerry face à la guerre du Vietnam semble annoncer celle dont il a fait preuve, près de quarante ans plus tard, au sujet de l'Irak. Lui qui s'était prononcé, au Sénat, en 1991, contre la première guerre du Golfe, a longtemps tergiversé avant de voter, en octobre 2002, la résolution autorisant George Bush à employer la force contre Saddam Hussein.

Un an plus tard, il a refusé le collectif budgétaire de 87 milliards de dollars destiné à couvrir les dépenses militaires et l'occupation du pays. Dans une déclaration dont les républicains n'ont pas fini de se délecter, il a expliqué qu'il avait "voté pour avant de voter contre". "En effet, c'est beaucoup plus clair comme ça", ironise le vice-président, Richard Cheney, de réunion publique en dîner de collecte de fonds. Le sénateur a voulu dire qu'il soutenait le projet, avec un amendement démocrate prévoyant de réduire les baisses d'impôts sur les hauts revenus, et qu'il a voté contre après que cet amendement eut été rejeté par les républicains.

La question n'est pas là, évidemment. Elle est de savoir si, trois ans après les attentats du 11 septembre, alors que leurs forces sont engagées en Afghanistan et en Irak, et face à une menace terroriste qui n'a pas diminué, les Américains peuvent s'en remettre à un homme qui paraît craindre de faire la guerre.

A ce doute sur sa détermination, John Kerry répond en invoquant, inlassablement, ses états de service au Vietnam. Il y a été blessé plusieurs fois, il y a abattu au moins un ennemi, il y a sauvé des camarades, il en est revenu décoré. "Cela fait trente-cinq ans que je démontre ce qu'est ma politique", déclare-t-il dans l'hebdomadaire The New Yorker(daté 26 juillet). Il a approuvé les interventions dans les Balkans, décriées, à l'époque, par les républicains. Il a soutenu les actions menées en Haïti et à Panama. "Je suis clair, dit-il, sur ma volonté d'employer la force, si nécessaire, pour protéger nos intérêts dans le monde et, évidemment, la sécurité de notre pays." A ses yeux, l'Irak n'est pas un bourbier dont il faudrait sortir au plus vite et à tout prix, mais une erreur à réparer.

A la fin des années 1960 et au début des années 1970, John Kerry dirigeait les Vietnam Veterans Against War, les anciens combattants opposés à la guerre. "C'est un fumiste, non ?", demandait Richard Nixon, élu président, en 1968, en promettant de mettre fin à la guerre et qui l'a prolongée pendant sept ans. Témoignant au Sénat, avec l'aide d'Edward Kennedy, et à la télévision, le lieutenant Kerry a dénoncé, en 1971, les "atrocités" que cette guerre faisait commettre aux soldats américains.

Une des clés de sa pensée se trouve peut-être dans le livre que son père a publié en 1990, The Star Spangled Mirror ( Le Miroir étoilé). Richard Kerry y dénonçait les fautes que peut commettre l'Amérique quand elle se persuade de sa supériorité et de sa mission civilisatrice. John Kerry ne partage pas le radicalisme de son père, mort en 2000, mais il ne cesse de reprocher à George Bush d'avoir mené "la politique étrangère la plus arrogante, la plus inepte, la plus brutale et la plus idéologique de l'histoire moderne". Il croit à la nécessité des interventions humanitaires, mais, dans le grand débat américain sur ce que doit être la politique des Etats-Unis vis-à-vis du reste du monde, il se situe du côté des "réalistes", qui donnent la priorité aux alliances et à l'équilibre des puissances, contre les "idéalistes", qui prêchent la diffusion de la démocratie.

Son mariage, en 1970, avec Julia Thorne, sœur d'un de ses camarades de Yale, s'est achevé, en 1988, par un divorce. Sept ans plus tard, le sénateur du Massachusetts a épousé Teresa Heinz, veuve d'un de ses anciens collègues, le républicain John Heinz, mort dans un accident d'avion. Héritière des conserves Heinz, Teresa Kerry gère une immense fortune, et le sénateur mène grande vie, avec elle et leur famille recomposée, de leur maison de Boston à celle de Georgetown, quartier chic de Washington, de l'île de Nantucket aux pistes de ski de l'Idaho, d'une propriété à Pittsburgh, en Pennsylvanie, berceau de la famille Heinz, à un chalet à Aspen, dans le Colorado.

Cela n'empêche pas le candidat démocrate de faire partie de ces privilégiés qui pensent que l'Amérique a du chemin à faire pour tenir ses promesses en matière de justice, d'équité et de solidarité. Pour George Bush, c'est "toujours le même vieux pessimisme". Pour John Kerry, c'est "la confiance dans ce dont ce pays est capable".

Patrick Jarreau
• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 27.07.04
pelon
 
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Message par Valiere » 26 Juil 2004, 18:09

C'est parti : le Monde commence, Libé va faire de même puis le PS et même le PCF pour nous présenter Kerry comme un homme de gauche alors qu'il ne s'agit que l'autre outil dont dispose la bourgeoisie...
Il faudra que l'on soit clair et qu'aucun soutien ne soit porté au nom de la classe ouvrière à tel ou tel candidat bourgeois.
Valiere
 
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Message par pelon » 26 Juil 2004, 18:51

(Valiere @ lundi 26 juillet 2004 à 19:09 a écrit : C'est parti : le Monde commence, Libé va faire de même puis le PS et même le PCF pour nous présenter Kerry comme un homme de gauche alors qu'il ne s'agit que l'autre outil dont dispose la bourgeoisie...
Il faudra que l'on soit clair et qu'aucun soutien ne soit porté au nom de la classe ouvrière à tel ou tel candidat bourgeois.
Oui mais l'article du Monde, même tendancieux, devrait suffire à faire comprendre que c'est homme là est un ennemi et pas "le moindre mal".
pelon
 
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Message par Valiere » 26 Juil 2004, 19:43

Je ne le nie pas mais il s'agit du premier jet...On critique un peu ... Avant le passage au : "mieux vaut kerry que Bush".. puis l'éloge
Valiere
 
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