par emma-louise » 23 Jan 2003, 03:33
Contre la politique de droite qui se met en place, il faut réunir toutes les forces se réclamant de la gauche.
Lois sécuritaires et liberticides, expéditions coloniales, menaces de guerre impériale, diminution des indemnisations des chômeurs, projet de Sécurité sociale à deux vitesses et préparation de l'attaque contre nos retraites : le gouvernement de droite mène bien une politique brutale de régression sociale. Une politique... de droite, en quelque sorte ! Et qui appelle une riposte des syndicats, des associations, des partis de gauche, dans l'unité la plus large, sans exclusive, pour agir ensemble. Parce que c'est la condition du succès.
Dès septembre dernier, la LCR s'est adressée dans ce but à l'ensemble des forces de gauche. Les réponses des partis de l'ex-gauche plurielle ont tardé ou furent dilatoires. Ne mésestimons pas une difficulté réelle : les députés socialistes ont évidemment quelque mal à s'opposer frontalement aux lois Sarkozy qui, en grande partie, prolongent lois et projets du gouvernement Jospin. De même qu'il est sûrement difficile de se faire aujourd'hui le défenseur zélé des services publics, lorsque l'on a autant privatisé ! Si les partis de la gauche traditionnelle sont largement aux abonnés absents, c'est aussi parce qu'ils préparent leurs congrès. Sonnés par leur défaite, ils n'ont retenu qu'une vieille leçon : les congrès se gagnent à gauche. Quitte à dire l'inverse de ce qu'ils ont fait pendant cinq ans et à faire porter le chapeau à leurs leaders "disparus", Jospin, Hue, Voynet. Mais en bornant quand même avec soin les limites à ne pas dépasser. Si les dirigeants de la gauche défaite ont laissé sans réponse nos propositions de rencontres et d'actions communes, par contre ils parlent beaucoup de nous ! De Hollande à Mamère, d'Emmanuelli à Mélenchon, en passant par les orphelins de Robert Hue, c'est la mode automne-hiver : "Besancenot sectaire", "impasse de la gauche protestataire", "la LCR refuse de mettre les mains dans le cambouis". J'en passe. De quoi prendre la grosse tête ! Sommes-nous devenus si attractifs pour le peuple de gauche que l'urgence soit d'établir absolument ce curieux "cordon sanitaire" ?
Précisons donc. Tout d'abord, nous sommes favorables à l'action unitaire contre l'offensive de la droite. Sans préalable. Les appréciations forcément différentes que les uns et les autres tirent du gouvernement Jospin ne constituent pas un obstacle pour agir aujourd'hui ensemble. Deuxièmement : protester contre l'injustice d'un système qui menace de nous écraser est légitime. Mais notre contribution au débat politique ne s'arrête pas là. Lors de la campagne présidentielle, j'ai fait de nombreuses propositions : sur l'emploi (interdiction des licenciements), sur la répartition des richesses, sur les services publics, sur la démocratie. Entre autres. Pourquoi ne pas en débattre ? Troisièmement : certes, nous ne saurions participer à des gouvernements de gauche qui géreraient le système économique et les institutions actuelles. C'est même pour ces raisons que nous avons combattu le gouvernement Jospin.
"Lever méfiances ou raideurs
réclamera un épisode fondateur sur fond d'importants mouvements sociaux."
Mais, contrairement aux accusations répétées, la LCR est bien candidate à exercer des responsabilités au sein d'un gouvernement de transformation radicale de la société qui appliquerait effectivement un programme de rupture anticapitaliste. Défendre des propositions pendant une campagne électorale et puis participer à un gouvernement qui ferait le contraire, ce n'est pas le genre de la maison.L'année dernière, nous proclamions : "Nos vies valent plus que leurs profits." Aujourd'hui, on peut ajouter : nos convictions valent plus que quelques sièges de députés ou quelques strapontins gouvernementaux. Bref, une autre manière de faire de la politique !
Front antilibéral ? Pôle de radicalité ? De la part de personnalités, des rangs du PC ou des Verts, des appels se sont multipliés, témoignant d'une soif de reconstruire. Mais quel sens auraient des coalitions au contenu indéfini, sinon que d'entretenir la confusion ? N'oublions pas que le bilan du gouvernement Jospin est aussi celui des Verts et du PCF... Car, décidément, il existe bien deux gauches. L'une, la gauche autrefois baptisée "plurielle", a été gagnée au social-libéralisme. C'est le bilan de cette "gauche de marché" qui a été sanctionné le 21 avril dernier. L'autre gauche, la "gauche de la radicalité", est aujourd'hui fragmentée. Associative, syndicale et politique, elle est de toutes les initiatives altermondialistes, dans les mobilisations féministes et écologistes, aux côtés des salariés contre les licenciements, avec les chômeurs comme avec les sans-papiers, contre les menées guerrières impériales. Réunie dans les luttes, cette gauche est forte d'un potentiel aujourd'hui éparpillé : organisations révolutionnaires, militants écologistes, communistes et socialistes ne se reconnaissant plus dans la politique menée par leur parti et, surtout, cette myriade de militants syndicaux et associatifs qui font, vraiment, de la politique.
Le souci légitime du respect de leur autonomie provoque parfois des crispations à l'égard de formations politiques. Un débat décomplexé s'est cependant ouvert à Florence lors du Forum social européen. Constat : s'il y a disjonction, ce n'est pas entre "gauche sociale" et "gauche politique", entre "mouvement social" et partis politiques, mais entre gauche libérale et gauche radicale. Rassembler cette gauche radicale, construire une nouvelle force anticapitaliste, écologique et féministe, un débouché politique de référence pour le mouvement social, est depuis longtemps l'objectif de la Ligue. Cela commence par l'action et par le débat politique sur le fond. Les réponses prendront du temps, mais les questions sont simples. Donner la priorité aux besoins sociaux ou respecter les privilèges conférés par la propriété privée ? Mener une politique écologique de développement soutenable ou s'incliner devant les logiques du profit ? S'appuyer résolument sur les mobilisations sociales ou se glisser voluptueusement dans la vie politique institutionnelle ? En fait, s'agit-il de gauchir un peu le discours à des fins internes et électorales ou de faire, enfin, du neuf et du radical ?
Cette perspective dépasse bien évidemment la question du renforcement de la Ligue, dont on comprendra, cependant, que nous nous en réjouissions. Des convergences existent. Divergences, méfiances ou raideurs subsistent. Les lever réclamera de nombreuses confrontations pratiques et, selon toute vraisemblance, un épisode fondateur, sur fond d'importants mouvements sociaux, dégageant suffisamment l'horizon pour que chacun considère que ses propres traditions et identités, forgées par son histoire particulière, se trouvent dépassées par les nécessités du moment. Autant nous n'entendons pas servir de béquille de gauche à une alliance sans perspective anticapitaliste, autant il y a urgence à mener, dans des cadres unitaires les plus larges, les combats nécessaires du moment. Ils constitueraient, d'ailleurs, de premiers tests pratiques dans l'action, plus révélateurs que de longs discours, d'éventuelles futures convergences. Mais nous sommes également prêts à débattre avec toutes les forces se réclamant des gauches : sur les luttes à mener, sur le bilan du gouvernement Jospin, sur les perspectives d'une gauche de rupture, d'une "gauche de gauche".
Alors, rouges, verts, noirs ou arc-en-ciel, au-delà des drapeaux, avançons. Dans l'action. Et discutons. Pour agir. D'autant que les échéances de 2003 – luttes sociales à commencer par les retraites !!!!!! Olivier Besancenot, porte-parole de la LCR