Communiqué collectif/
  « Cap Anamur », cap au pire :
  l'Europe contre l'asile se fait sous nos yeux
**Le 11 juillet 2004, le /Cap Anamur/, bateau d'une ONG allemande, est 
autorisé « /pour raisons humanitaires/ » à entrer dans le port de Porto 
Empedocle (Sicile) : soit vingt jours après avoir sauvé les 37 passagers 
(36 Soudanais du Darfour et 1 Ethiopien) d'un bateau pneumatique en 
perdition dans les eaux internationales entre la Libye et l'île de 
Lampedusa. Les autorités italiennes lui interdisaient leurs eaux 
territoriales depuis le 1er juillet.
Les réfugiés sont transférés pour identification au CPT d'Agrigente 
(l'un de ces non-lieux d'enfermement des étrangers) et risquent 
l'expulsion ; le capitaine, l'officier en second et le président de 
l'ONG sont arrêtés pour avoir « /favorisé l'immigration illégale/ » (art 
12 de la loi Bossi-Fini). Le bateau est mis sous séquestre. La police 
fait courir le bruit que les réfugiés sont ghanéens et non pas 
soudanais, allégation immédiatement démentie par plusieurs religieux 
présents à bord, et non moins immédiatement reprise par la télévision 
italienne et certains médias européens, qui s'étaient jusque là 
désintéressés de l'affaire.
Roberto Castelli, ministre de la Justice, déclare, dans une paranoïa 
nationaliste somme toute en accord avec l'air du temps, qu'il est facile 
de feindre l'urgence pour tester la capacité de résistance des pays 
européens.
Par ce refoulement aux frontières maritimes, l'Italie a bafoué ses 
obligations internationales (violation de la Convention de Genève, 
principe de non-refoulement selon lequel quiconque se présente à une 
frontière a droit de présenter une demande d'asile). Elle a aussi tordu 
dans son sens le règlement Dublin II : afin de déterminer l'Etat 
compétent pour l'examen de la demande d'asile, il aurait d'abord fallu 
que la demande ait été déposée dans un Etat de l'UE. Et, dans cet Etat - 
l'Italie -, le Parlement doit adopter une loi sur l'asile qui n'est donc 
pas en vigueur. Il a ainsi délégué à la police l'admission à la 
procédure d'asile des réfugiés contraints à l'immigration clandestine.
L'Italie s'est ensuite livré à un obscène jeu de « patate chaude » avec 
l'Allemagne et Malte (où le /Cap Anamur/ s'était arrêté), chacun se 
renvoyant la responsabilité, tandis que des vies étaient en péril 
(matériel et psychologique) et que la Convention de Genève, la Charte de 
Nice et la Constitution italienne étaient niées. C'est tout juste si ces 
trois Etats membres de l'UE, avec le silence complice des institutions 
européennes, ont consenti à évoquer l'« /urgence humanitaire/ », tout en 
précisant qu'il leur était impossible d'y répondre sous peine 
d'instaurer un « /dangereux précédent qui ouvrirait la voie à de 
nombreux abus/ ». C'est dire assez que, dans cette gestion policière 
qu'est devenue la politique d'asile, les hommes et les femmes n'existent 
pas.
Le HCR, l'ONU et le Vatican s'étant tardivement émus, l'accostage fut 
finalement autorisé en Sicile, ce qui permit à l'Allemagne de se retirer 
du jeu en rejetant toute la responsabilité de l'accueil et de l'examen 
de la demande d'asile sur l'Italie.
Le gouvernement italien utilise maintenant la doxa européenne, 
assimilant à la criminalité organisée le fait de sauver des vies en mer, 
et considérant les réfugiés comme des terroristes potentiels.
En Italie, les ONG, les associations, les activistes, la société civile, 
présents dès le premier jour, ont lancé des appels, informé, mobilisé, 
proposé la création de commissions /ad hoc/, et préparent un recours 
auprès la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH).
C'est cette mobilisation et les droits des réfugiés et des migrants que 
les associations et militants européens doivent soutenir et relayer, en 
dénonçant à leur tour une politique européenne de déni du droit qui, ne 
visant qu'à dissuader par la force les réfugiés, transforme les 
frontières de l'UE en cimetières.
Paris, le 16 juillet 2004
 
*Signataires :* Act Up-Paris, CEDETIM, Cimade, Collectif de soutien des 
exilés, Coordination nationale des sans-papiers, Droit au logement, 
Droits devant, Fasti, Gisti, LCR, Ligue des droits de l'homme, Mrap, 
Réseau chrétien-immigrés, Syndicat de la magistrature, Union syndicale G10
			
		