a écrit :Des heures sup' contre les RTT
Bercy veut baisser les charges au risque d'aggraver le déficit de la Sécu.
Par Hervé NATHAN
lundi 12 juillet 2004 (Liberation - 06:00)
Il y a donc une méthode Sarkozy pour sortir des 35 heures : payer moins cher. Le ministre d'Etat l'avait laissé entendre devant les petits patrons de la CGPME le 30 juin, lorsqu'il avait proposé de détaxer les heures supplémentaires. Dans le Monde de ce week-end, il se montre plus précis : «Il existe une marge pour augmenter les salaires sans renchérir le coût du travail : en diminuant les charges sociales sur les heures supplémentaires (...). Ces baisses de charges permettront de financer des augmentations de salaires pour ceux qui travailleront plus.»
Faux débat. Le ministre de l'Economie sort ainsi d'un faux débat sur la RTT. Le problème des patrons n'est plus, en effet, d'assouplir les textes Aubry : cela a été fait par la loi Fillon de 2003. Les grandes entreprises ont accès à un contingent de 180 heures supplémentaires voire davantage. Les petites moins de 20 salariés sont restées aux 39 heures. En revanche, les employeurs sont demandeurs d'une diminution du prix de la main-d'oeuvre. La proposition Sarkozy y répond puisque les heures sup' ne coûteraient pas plus cher que des heures «normales» grâce aux exonérations de cotisations.
L'apparente simplicité de la proposition masque une réalité : les salariés financeraient eux-mêmes les heures de travail supplémentaires par une baisse de leurs salaires indirects collectifs (retraite et maladie). Au passage, le ministre ne craint pas de remettre en cause une constante des politiques de droite comme de gauche depuis plus de dix ans : la baisse des charges (15 milliards d'euros par an) qui est censée favoriser la création d'emplois, et non pas servir à revaloriser les salaires. D'ailleurs, l'emploi ne semble plus être une des priorités de Sarkozy pour qui «l'un des principaux problèmes de l'économie française c'est l'insuffisance du pouvoir d'achat des salariés».
Quoiqu'il s'en défende, la piste ouverte par le ministre est lourde de dangers financiers pour la Sécurité sociale. Plutôt que d'embaucher, ce qui a pour effet d'élargir l'assiette des cotisations salariales, les patrons augmenteraient les horaires avec des charges diminuées. A l'heure où la Sécu affiche un déficit de plus de 15 milliards d'euros, et où le vieillissement de la population engendre des besoins de financement croissant, le jeu est plus que dangereux.
Vie. L'apprenti sorcier de Bercy y ajoute son volet idéologique avec la notion de «libre choix» : chaque année, chaque salarié pourrait opter pour un horaire de 35 heures ou davantage afin de «vivre sa vie comme [il] l'entend, gagner sa vie en fonction de ses efforts». Si l'on reconnaît bien là le thème, cher à la droite, de la revalorisation de la valeur travail, on s'éloigne de la réalité des entreprises où ce sont les employeurs qui fixent la durée du travail en fonction de leurs besoins, rarement en tenant compte des désirs des salariés.