Complicité française avec le génocide au Rwanda

Message par mael.monnier » 11 Juil 2004, 21:53

a écrit :Rwanda : dix ans après, une complicité française avec le génocide
toujours occultée, malgré  les évidences

Il y a dix ans au Rwanda, la politique françafricaine touchait le fond de
l'horreur, à savoir la complicité avec le dernier génocide du XXe siècle.
Depuis, malgré les efforts des rescapés et de quelques associations qui
les soutiennent, en France, la mémoire du génocide est toujours refoulée
au prix d'un négationnisme qui ne craint pas de s'afficher sûr d'un
soutien tacite de la part de I'Etat et des grands médias français.

Alors que l'on s'apprêtait à commémorer le dixième anniversaire du
génocide perpétré par le gouvernement intérimaire rwandais dominé par le
Hutu Power à l'encontre des Tutsis et des «Hutus de l'opposition»
d'alors, le journal «le Monde» du 9 mars a fait état d'un rapport du juge
Bruguière concluant à l'implication de l'actuel chef de l'État du Rwanda,
et leader du Front patriotique rwandais (FPR) dans l'attentat du 6 avril
1994. Cet attentat avait coûté la vie au président Juvénal Habyarimana et
avait été considéré comme l'événement déclencheur du processus
génocidaire. S'il est évidemment difficile de savoir quels ont été les
auteurs réels de cet attentat ­ certaines accusations impliquent des
Belges et le FPR, d'autres des membres du Hutu Power avec des complicités
françaises ­, il est plus évident en revanche de constater que du côté du
gouvernement français, depuis l'opération Turquoise de juin 1994, on n'a
toujours pas renoncé à la raison d'État et à la manipulation médiatique
qui l'accompagne.
Depuis dix ans, toutes sortes d'arguments ou de faux-fuyants ont été
utilisés en France pour tenter d'occulter les responsabilités françaises
dans cette hécatombe.
Avant toute argumentation, il y a d'abord le silence fait de mépris à
l'égard des victimes. Alors que la plupart des responsables occidentaux
(Clinton, Koffi Annan, le premier ministre belge Verhofstadt) ont fait
leur mea culpa à propos de l'attitude de passivité des organisations
qu'ils représentent, les responsables français qui ont été le plus
impliqués, tant sur le plan diplomatique que militaire dans le soutien au
gouvernement intérimaire, n'ont jamais daigné présenter la moindre
excuse. Peut-être que ces démarches peuvent sembler inutiles et
hypocrites. Sans doute, mais cela permet aussi de situer le niveau du
mépris impérialiste de l'État français dès lors qu'il s'agit de
l'Afrique.
Un autre signe révélateur, c'est l'inaction de la justice française
lorsqu'il s'est agi de juger les génocidaires: ainsi les rares plaintes
qui ont été déposées en France se sont heurtées à des stratégies
d'obstruction manifestes, ce qui contraste avec les procès qui ont pu
avoir lieu dans plusieurs pays occidentaux, notamment en Belgique. Certes
en 1999, on a pu voir un ancien ministre du gouvernement intérimaire être
extradé depuis la France vers le tribunal d'Arusha. Mais à l'inverse, la
veuve du Président Habyarimana qui a joué un rôle essentiel dans l'«
Akazu » c'est-à-dire le groupe occulte qui organisait entre autres les
escadrons de la mort, chargés d'éliminer les opposants, semble toujours
bénéficier de la protection de la France qui avait organisé son
évacuation lors des premiers jours qui ont suivi l'attentat du 6 avril.
Un autre argument classique consiste à nier le caractère organisé des
massacres. Cette argumentation est sous-tendue par l'idée que le mot de
génocide ne peut avoir de sens en Afrique, parce qu'il ne saurait y avoir
d'autre génocide que celui perpétré par les nazis, mais plus généralement
encore parce que les Africains n'appartiennent pas au même titre que les
autres à l'humanité. C'est ce qu'exprime bien la phrase de Mitterrand
rapportée par le Figaro en 1996: « Dans ces pays-là, un génocide çà n'a
pas beaucoup d'importance ». Il y aurait donc une fatalité de la
sauvagerie sur ce continent. Le terrain en France, se prête tellement à
l'impunité verbale, que l'on peut, en parlant du Rwanda, donner dans la
provocation
négationniste la plus extrême sans crainte d'être traîné devant les
tribunaux. C'est ainsi que l'on peut dire par exemple sur un plateau de
télévision que ce sont les Tutsis qui sont les auteurs du génocide des
Hutus.
Dans la même veine, on peut aussi décrire les Hutus et les Tutsis comme
deux «races» différentes ayant des «disparités génétiques» évidentes, ce
qui nous ramène évidemment à la raciologie du XIXe siècle. La régression
et la confusion idéologique de l'époque permettent ainsi malheureusement
de réactiver le vieux fonds de racisme colonial qui n'a en fait jamais
disparu...
Enfin, à un niveau différent lorsqu'il s'agit de prendre position sur le
déroulement concret des événements, on attribuera la responsabilité
indirecte des massacres aux attaques du FPR qui auraient attiré des
représailles sur les civils Tutsis. Par la suite, le FPR parvenu au
pouvoir aurait utilisé l'argument du génocide pour légitimer son pouvoir.
Là aussi, on n'est pas obligé de prendre parti pour le FPR pour montrer
l'inanité d'un tel raisonnement: à ce compte-là, ce sont les attaques des
Alliés contre le Troisième Reich qui l'ont poussé à aller jusqu'au bout
de la « solution finale».
Enfin, une autre forme de négationnisme rampant consiste à discréditer
toute idée de justice, en mettant le doigt sur les internements
arbitraires qui seraient le fruit de règlements de compte à la suite du
retour des exilés Tutsis. Effectivement les prisons rwandaises ont compté
jusqu'à 150 000 présumés génocidaires ou complices du génocide. Il est
vrai qu'une loi sur les repentis a permis les procédures accélérées et
que dans les institutions «coutumières» (les gacaca) que l'on a mises en
place pour juger les responsables de moindre importance, on propose une
forme de « plaider coupable» en échange d'une réduction de peine. Il y a
sûrement beaucoup à dire sur le plan des droits de la défense dans ces
conditions. Mais on est mal placé pour faire la leçon aux Rwandais
lorsque l'on ne dénonce pas son propre État qui a collaboré à ce point
avec les responsables du génocide. Et que se serait-il passé si l'on
avait laissé les rescapés démunis, partagés entre la peur d'être éliminés
en tant que témoins ne devant plus survivre et l'envie de se faire
justice soi-même? Enfin, on peut voir ces défenseurs de l'État de droit
au Rwanda, bien moins sourcilleux, lorsqu'il s'agit d'autres régimes
africains alliés de la France, comme par hasard.

Pascal, Bordeaux

PS: Pour toute information sur ces complicités françaises et sur les
diverses commémorations du génocide des Tutsis du Rwanda, on peut
consulter le site: www.liaison.rwanda.com

Texte tiré de Courant alternatif # 138, avril 2004

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Message par Valiere » 12 Juil 2004, 08:12

Il faut aussi avouer que le mouvement ouvrier français a été très passif durant ce génocide....
Valiere
 
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