Arès le "non" souverainiste d'extrême-droite, de droite et le "non" de gauche, voici disons, le "non" du centre. Un arc-en-ciel qui n'éblouira personne et ne permettra pas à la classe ouvrière d'y voir clair.
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Laurent Fabius prêt à dire "non" à la Constitution européenne
LE MONDE | 22.06.04 | 14h11
L'ancien premier ministre se déclare "très réticent" à l'adoption du projet de traité élaboré, vendredi 18 juin, par les dirigeants des pays de l'Union. Il juge ce texte incompatible avec l'"Europe sociale" prônée par les socialistes, confiant : "Je ne pense pas qu'il faille toujours voter Chirac".
Réflexion faite, Laurent Fabius, numéro deux du Parti socialiste, n'est pas favorable au traité constitutionnel européen signé par les chefs de gouvernement le 18 juin. Interrogé par Le Monde, l'ancien premier ministre se dit "très réticent". "Nous allons en discuter collectivement au parti, mais je me vois mal m'embarquer dans un plaidoyer vigoureux pour un texte qui ne va pas régler nos problèmes", dit-il. M. Fabius, qui avait à plusieurs reprises exprimé des réserves, juge que le document définitif est "de nature à décourager les meilleures volontés, dont je fais partie. Je suis très embarrassé". "Moi qui suis très européen, c'est une sérieuse douche froide à mon enthousiasme", explique-t-il, ajoutant : "Je doute fort qu'en l'état les socialistes et les Français votent pour."
Alors que le PS, très divisé sur la Constitution européenne, devait débattre du sujet lors de la réunion de son bureau national, mardi 22 juin en fin d'après-midi, la position de M. Fabius ne risque pas de passer inaperçue. Pour la première fois, en effet, il se différencie nettement de ses concurrents potentiels pour l'investiture du PS à l'élection présidentielle de 2007, à commencer par Dominique Strauss-Kahn. Et il prend une option pour séduire la gauche.
L'enjeu est double. Non seulement les socialistes réclament - à l'unisson sur ce point - la consultation des Français à travers un référendum, mais le premier secrétaire du PS, François Hollande, a également promis d'organiser une consultation interne identique auprès des militants socialistes. Or de nombreux responsables socialistes, M. Fabius en tête, doutent d'une réponse positive. "Il n'y a rien sur les points fondamentaux pour nous, le social", estime l'ancien premier ministre, qualifiant de "très gênante" la règle de l'unanimité des 25 pays membres de l'Union qui continue de prévaloir avant toute nouvelle décision commune dans le domaine social et dans celui de la fiscalité. "Le traité constitutionnel n'est pas le carcan libéral que certains décrivent, il codifie les traités existants", nuance M. Fabius. Il n'en est pas moins, selon lui, difficilement compatible avec la campagne entièrement consacrée à l'Europe sociale que le PS a menée lors des dernières élections européennes.
Comme d'autres, il tire les enseignements de ce scrutin, marqué par une très forte abstention dans tous les pays et la sanction infligée à la plupart des gouvernants. Ses critiques rejoignent pour partie celles émises par les courants minoritaires Nouveau Monde et Nouveau Parti socialiste (NPS) - sans toutefois se confondre -, que l'on pourrait résumer ainsi : ni Chirac ni Blair. M. Fabius se dit en effet "très critique" vis-à-vis du président de la République "qui n'a pas su avancer et convaincre". "Je ne pense pas qu'il faille toujours voter avec Chirac", assène-t-il.
Parmi ceux qui, au sein du PS, rejettent le traité, Henri Emmanuelli, cofondateur de Nouveau Monde, a appelé les socialistes, lundi sur France Inter, "à sortir de leur schizophrénie" et à "dire non à un texte manifestement dirigé contre leur propre projet". De son côté, Vincent Peillon, cofondateur de NPS, élu député européen le 13 juin, juge impossible de "faire le contraire de ce qui a été dit durant la campagne". "Ce serait très grave", assure-t-il, en qualifiant la Constitution européenne de "mécanique de blocage".
"FAIRE PRESSION"
Au sein même de la majorité du parti, d'autres se disent tout aussi déterminés à voter contre. C'est le cas de Manuel Valls, député de l'Essonne, secrétaire national du PS chargé de la coordination et, à ce titre, numéro 4 dans la hiérarchie du parti. "Abstention massive lors des dernières élections, crise des institutions... Dans cinq ans, lors du prochain scrutin, les choses auront-elles changé avec cette Constitution ? Je ne le crois pas, souligne-t-il. Quoi qu'on en dise, ce texte reste une victoire de la Grande-Bretagne."
Du coup, les partisans du "oui" s'affolent. "Nous n'avons pas le choix", martelait, lundi, l'ancien ministre des affaires européennes, Pierre Moscovici, en marge d'une rencontre avec une délégation des sociaux-démocrates allemands du SPD reçue au siège du PS afin de "relancer la coopération" entre les deux partis. "Prenons le temps de la pédagogie pour que les socialistes se rassemblent. Il ne s'agit pas de tactique, mais de volonté. L'Europe à 25 ne peut pas fonctionner avec le traité de Nice", a plaidé M. Moscovici, ajoutant : "Nous devons courir le risque du référendum et assurer les conditions de sa réussite."
A ses côtés, Jean-Marc Ayrault, président du groupe PS de l'Assemblée nationale, a renchéri : "Sortons de la vision réductrice française sur ce sujet ! Mitterrand a bien été élu en 1981 avec la Constitution de la Ve République, cela ne l'a pas empêché de faire une politique de gauche, comme Lionel Jospin."
Il faudra plus que cet argument, ou celui de l'isolement des socialistes français, pour convaincre les réticents. "Comme chaque fois, on est très isolés lorsqu'on ne mène pas de combat", réplique M. Peillon, pour qui "il faut très rapidement faire pression afin que le Parlement européen se saisisse de cette question constituante". Lors du conseil national du PS du 16 juin, M. Hollande avait rappelé les engagements pris pendant la campagne : "L'Europe sociale, le clivage gauche-droite comme ligne de partage au sein du Parlement européen et le renforcement de ce Parlement, notamment pour améliorer la future Constitution." Il devrait maintenant "s'engager pleinement dans le débat", a assuré lundi Annick Lepetit, porte-parole du PS.
Face à ce que le PS, toutes tendances confondues, qualifie de "texte de compromis décevant", les dirigeants du parti ont au moins en commun l'idée que seul un petit noyau de pays, une "avant-garde" européenne, peut faire évoluer les choses dans le sens souhaité en matière sociale et fiscale. "Est-ce que cela a un sens de reprendre l'ouvrage ?, se demande M. Fabius. Nous devons prendre des initiatives politiques. Je souhaite que l'on fasse des propositions pour avancer avec les pays qui le veulent." Un point de vue également défendu par M. Ayrault, qui propose d'engager la bataille en petit comité pour réviser le pacte de stabilité et de croissance.
Isabelle Mandraud
• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 23.06.04