(Le Monde @ 5 décembre 2003 a écrit :
L'analyse de M. Fabius sur ceux qui "n'ont rien appris de ce siècle"
C'etait le 9 novembre à Noisy-le-Grand (Seine-Saint-Denis), devant les premiers secrétaires fédéraux du PS, réunis pour un séminaire consacré aux élections régionales. Ce jour-là, Laurent Fabius s'est livré à une longue analyse de la "double radicalisation" que connaît la France, avec une extrême droite qui "se maintient à un haut niveau" et une extrême gauche qui bénéficie, selon lui, d'une forte présence médiatique. "Avec l'extrême gauche au pouvoir, il nous a dit que ce serait l'instauration de conseils ouvriers partout en France", raconte un participant, notant avec amusement : "Ça a fait passer un petit frisson dans la salle."
S'appuyant sur les notes de son ami Henri Weber, le numéro deux du PS a alors expliqué qu'il ne fallait pas faire de l'extrême gauche un "bloc homogène", mais qu'il convenait de bien distinguer l'extrême gauche "mouvementiste" des partis trotskistes. Avec la première, a-t-il souligné, le PS doit entretenir des rapports identiques à ceux qu'il a noués avec les syndicats et les associations. Avec les altermondialistes et Attac, qualifiée d'"alliée", il a estimé que le PS partage le même "objectif" d'une autre mondialisation, même s'il peut y avoir "des désaccords sur telle ou telle proposition". Avec les partis trotskistes, en revanche, aucune relation ne lui paraît possible : "Ils n'ont rien appris de ce siècle", a-t-il jugé.
Au lendemain du congrès de la LCR qui, le 2 novembre, avait abandonné la référence à la "dictature du prolétariat"dans ses statuts et adopté une attitude très hostile vis-à-vis du PS (Le Monde du 4 novembre), M. Fabius a estimé que cela ne signifie pas qu'ils ont renoncé à la doctrine marxiste-léniniste - "la chose", comme dit M. Weber.
"N'avoir jamais exercé de responsabilité en 70 ans d'existence, c'est à coup sûr un gros avantage, mais il ne faut pas trop en abuser", a-t-il lancé. M. Fabius a notamment mis en garde contre "l'illusion" qui ferait de ces formations la traduction politique de la gauche mouvementiste. Il a alors conseillé à son auditoire de ne pas se laisser "intimider par -leur- terrorisme intellectuel". Le PS, a-t-il ajouté, doit jouer pleinement son rôle en soutenant les mouvements sociaux et en faisant des propositions.
En 1994, Dominique Strauss-Kahn jugeait le poids des ex-trotskistes trop important au PS. "Le gauchisme qui fut la maladie infantile du communisme risque de devenir la maladie sénile du socialisme", expliquait-il alors dans Le Nouvel Observateur.
Isabelle Mandraud