CITATION Altermondialistes. Le poids des trotskistes
En attendant la manif d'aujourd'hui entre République et Nation, le Forum social européen (FSE) a été marqué hier soir par un débat qui a réuni la communiste Marie-George Buffet et le trotskiste Olivier Besancenot.
SAINT-DENIS, HIER. Olivier Besancenot a été le plus applaudi lors du débat portant sur les rapports entre les partis politiques et le « mouvement social » . (LP/AURELIE AUDUREAU.)
Les (nombreux) débats entre altermondialistes - qu'il s'agisse d'éducation, de culture, d'immigration ou encore de l'avenir de l'Europe - ont tendance à ronronner gentiment. Mais évoque-t-on les rapports entre les partis politiques et, comme on dit, le « mouvement social » ? Aussitôt, la salle s'enflamme. C'était le cas hier soir à Saint-Denis, sous le « chapiteau Stade de France », où près de deux mille personnes étaient venues assister à une conférence plénière sur ce thème vécu comme brûlant. Côté français, on y retrouvait, il est vrai, Marie-George Buffet, au nom du Parti communiste, et Olivier Besancenot, porte-parole de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR).
La poignée de main PC-LCR
A en croire l'applaudimètre, la salle était largement acquise au jeune facteur et ex-candidat trotskiste à l'Elysée. A la même table : des acteurs sociaux et politiques belges, espagnols, italiens et hongrois. Discrètement installés, quelques permanents du PS et deux ténors Verts : Gilles Lemaire et Alain Lipietz. Un peu embarrassé pour justifier l'invitation de personnalités politiques dans les débats du FSE, alors que la charte des forums sociaux stipule qu'ils n'y ont pas leur place, Bernard Pinaud, l'un des organisateurs, explique subtilement que les propositions des altermondialistes ont « vocation à être mises en oeuvre », et donc doivent en passer par les partis, « qui assurent la gestion de l'Etat et le contrôle de celle-ci ». Premier orateur, Besancenot, très applaudi, se range d'emblée dans le camp du « mouvement social », malgré sa casquette officielle de politique. Le leader de la LCR plaide pour une « Europe sociale », dans laquelle les « acquis sociaux de chaque pays seraient étendus à tous les autres. Il n'y a aucune raison, ajoute-t-il, qu'on ne partage que la misère ». La salle approuve bruyamment. Dans son élan, le postier fait valoir que le FSE n'est pas « une simple boîte à idées » qu'on consulterait de temps en temps, ou « juste un contre-pouvoir » : « C'est, martèle-t-il, une option alternative. » « Pourquoi n'aurait-on pas une loi européenne qui interdirait les licenciements dans les entreprises qui font des bénéfices ? Mais cela, admet-il, implique une rupture. La question est de savoir jusqu'où on ose se fâcher avec l'Europe gestionnaire. » Elio Di Rupo, ancien ministre socialiste belge (qui a participé à un gouvernement avec les libéraux), lui répond. Lui fait valoir qu'on « peut rêver du grand soir », mais qu'il y a une réalité « qu'il faut combattre pied à pied en attendant ». Un discours accueilli cette fois par des sifflets. Marie-George Buffet tente alors une synthèse : elle refuse « les barrières et les fossés qu'on veut créer entre partis politiques et mouvement social ». « Tous ensemble, faisons le pari de contribuer à un projet alternatif, chacun à sa place, pour mettre à bas le système », lance la patronne du PC, s'attirant les applaudissements d'une fraction de la salle. Mais voilà que fusent les critiques. « M m e Buffet, pensez-vous que ce que vous avez dit sera possible avec M. Fabius au pouvoir ? » interroge un altermondialiste. Et de conclure, grinçant : « Quand vous aurez répondu à cette question, les rapports seront plus clairs entre les partis et le mouvement social. » A chacun sa réponse mais, en arrivant hier sous le chapiteau, Buffet et Besancenot s'étaient tout de même, sans chaleur excessive, serré la main. L'un comme l'autre ont dit non à l'Europe libérale, et d'abord non à la « Constitution Giscard ».
Nathalie Segaunes
Le Parisien , samedi 15 novembre 2003 [/quote]