Forum social: le PS exclut pour s'inclure

[Louis]

MONA CHOLLET/PARIS

Paru le Vendredi 24 Octobre 2003


. FRANCE - Trois dirigeants socialistes publient cette semaine, dans «Le Nouvel Observateur», une tribune demandant que Tariq Ramadan soit écarté du Forum social européen.

«Tariq Ramadan, malgré ses prétentions, n'agit ni en musulman, ni en arabe, mais d'après un principe d'action spécifique à l'extrême droite. Pour nous, cette démarche n'a rien à faire au Forum social européen.» Dans une tribune que publie cette semaine Le Nouvel Observateur sous le titre «Monsieur Ramadan ne peut pas être des nôtres», trois dirigeants du Parti socialiste français, Jean-Luc Mélenchon, Vincent Peillon et Manuel Valls, demandent que Tariq Ramadan soit exclu du Forum social européen (FSE) de Saint-Denis, du 12 au 15 novembre prochains, suite aux accusations d'antisémitisme dont il fait l'objet (Le Courrier du 16 octobre).
L'hebdomadaire, qui avait le premier porté ces accusations dans son édition du 9 octobre, poursuit ainsi sa campagne contre l'intellectuel musulman. Samedi dernier, c'est d'ailleurs son journaliste, Claude Askolovitch, que Thierry Ardisson avait choisi de confronter à M. Ramadan sur le plateau de son émission «Tout le monde en parle», sur France2. Curieusement, cependant, dans le numéro de cette semaine également, l'éditorialiste Jean Daniel estime pour sa part que «ce n'est pas injurier une personnalité juive pour qui le soutien à Israël constitue une «composante identitaire» d'observer qu'elle a un comportement communautariste assumé».

OPA SUR LE FORUM SOCIAL

Cet appel des dirigeants socialistes, qui s'ouvre sur un fracassant «nous sommes altermondialistes», est à rapprocher des incessantes tentatives d'OPA de leur parti sur l'altermondialisation en général et sur le FSE en particulier. Le PS souhaiterait en effet apparaître comme le «débouché politique» des revendications du mouvement. Samedi dernier, sa fédération de Paris organisait ainsi une rencontre intitulée «Pour une autre mondialisation».
Le problème, c'est qu'au sein du mouvement, la confiance dans les capacités des socialistes à juguler le libéralisme est des plus limitées. Certains se sont d'ailleurs chargés de le leur faire savoir avec la plus grande clarté, en empêchant par la force la tenue de leur forum à Annemasse, lors du contre-G8 d'Evian, fin mai dernier, puis en démontant le stand du PS de Millau au rassemblement du Larzac, en août. Il est d'autant plus incongru d'entendre aujourd'hui des dirigeants socialistes déclarer qu'un intervenant du FSE «ne saurait être des nôtres»... alors qu'eux-mêmes n'en sont pas, et que leur parti n'a aucune part à l'organisation du FSE, dont les partis politiques sont de toute façon exclus.


PARTIR POUR MIEUX REVENIR?

La semaine dernière, déjà, SOS Racisme, proche du PS, qui avait participé de très loin à la préparation du FSE, avait clamé qu'elle s'en retirait suite à l'«affaire» Ramadan. Elle protestait aussi contre le refus d'un séminaire qu'elle avait déposé, dont l'intitulé, «pourquoi la haine du juif perdure-t-elle?», avait posé problème car il «suggérait qu'il y avait une raison à la haine des juifs», selon les explications de l'un des organisateurs, Pierre Khalfa. L'association a fini par se raviser. Pour mieux claquer la porte à nouveau plus tard?... Ce qui est sûr, en tous cas, c'est que dans certains cercles, on semble bien décidé à condamner le FSE au sordide.