indemnités de Jean-Marie Messier

Message par pelon » 15 Oct 2003, 21:46

CITATION
L'histoire secrète des indemnités de Jean-Marie Messier
LE MONDE | 10.10.03 | 13h48  •  MIS A JOUR LE 15.10.03 | 20h10
"Le Monde" a eu accès aux procès-verbaux du tribunal arbitral de Manhattan et du tribunal d'instance de New York, qui ont tous deux condamné le groupe à payer 20,6 millions de dollars à l'ancien PDG de Vivendi Universal.
L'affaire des indemnités de Jean-Marie Messier n'en finit pas de mettre le monde patronal en ébullition, de part et d'autre de l'Atlantique. Jean-René Fourtou, l'actuel PDG de Vivendi Universal (VU), mobilise toutes les juridictions pour ne pas payer les 20,6  millions de dollars d'indemnités réclamés par son prédécesseur, M.  Messier, comme l'y ont condamné le tribunal arbitral de Manhattan puis le tribunal d'instance de New York.

M.  Messier, lui, multiplie les contre-attaques juridiques. Et voilà qu'Eric Licoys, ancien directeur général de Vivendi Universal, contre lequel le groupe a intenté un procès en dommages et intérêts pour avoir signé l'accord d'indemnités, assigne à son tour, devant le tribunal de commerce de Paris, MM.  Fourtou, Bronfman, Friedmann, Viénot et Lachmann - tous administrateurs ou anciens administrateurs de VU -, comme l'a révélé La Tribune du 8  octobre. L'Association des petits porteurs (Appac), pour sa part, souhaite aussi assigner Claude Bébéar.

Certains de ces personnages ont raconté, avec forces détails, l'histoire des indemnités de M.  Messier, à huis clos, devant le tribunal arbitral de Manhattan. Le Monde a eu accès à ces documents. Etonnantes scènes balzaciennes où les non-dits et les sous-entendus pèsent lourds.

Tout commence le vendredi 28  juin 2002. Jacques Friedmann et Henri Lachmann sont envoyés en mission par le conseil d'administration de VU auprès de M.  Messier pour lui demander de démissionner. "Ils ont dit à Jean-Marie, de ce que j'en ai compris  : "Nous croyons qu'il est dans l'intérêt de la société que tu partes et nous veillerons à ce que tu aies "des indemnités décentes"", racontera Marc Viénot plus tard devant les juges.

Qu'est-ce que "des indemnités décentes" ? Personne ne le dit. Mais, dès le dimanche 30  juin, les négociations s'ouvrent. M.  Messier veut bien convoquer un conseil pour démissionner, à condition d'obtenir un golden parachute d'au moins 20  millions de dollars - c'est exactement la somme obtenue par Edgar Bronfman lors de sa démission, en décembre  2001 -, en sus de ses bonus de l'année (1,8  million de dollars), et de... 10  millions de dollars pour éponger ses dettes. Toute la nuit du dimanche au lundi, les parties discutent âprement pour arriver au petit matin à un accord  : ce sera 20,55  millions d'euros en tout et pour tout.

"C'était un montant inhabituel, mais nous sommes dans le monde de la communication", soulignera M.  Viénot. Prudent, l'ancien PDG de la Société générale signera, avec M.  Bronfman, un papier annexé au termination agreement (accord définitif) mais pas l'accord directement. M.  Licoys, le directeur général, est délégué par les administrateurs pour signer le texte. Une procédure inhabituelle. Dès la signature, tous sentent bien qu'il y a un problème avec cet accord, qu'il devrait être approuvé par le conseil.

ACCORD TACITE

"A un moment, M.  Assant - avocat du cabinet Bredin Prat, chargé de négocier l'accord -, m'a demandé à avoir une conversation particulière, racontera M.  Bronfman aux juges. Il m'a dit  : "C'est compliqué à expliquer mais croyez-moi, ce serait mieux si l'accord n'était pas daté du 1er  juillet", en me disant que ce serait un changement mineur, juste la date". A cette date, en effet, "Prat disait que Jean-Marie était toujours un salarié de la compagnie. Pour cela, l'accord devrait être approuvé par le conseil. J'ai refusé de changer", ajoute l'héritier de Seagram.

Finalement, un accord tacite semble se dégager entre les membres du conseil d'administration, pour ne pas évoquer le termination agreement, comme semble l'attester M.  Friedman devant le tribunal arbitral. "J'ai eu le privilège d'annoncer à Jean-Marie  : "tu sais le termination agreement ne sera pas approuvé demain au conseil". Il m'a répondu  : "ce n'est pas possible". (...) Je n'étais pas favorable à un vote à ce moment-là pour trois raisons. (...) Je pense que, alors que tous les actionnaires avaient perdu 80  % de leurs capital, comme les salariés de Vivendi, cela n'aurait pas été une bonne idée de demander au conseil d'accepter une importante indemnité. La deuxième raison est légale  : si nous acceptions, il y avait un risque d'abus de bien social. Enfin, je ne suis pas sûr que l'accord aurait été approuvé. Je n'en suis pas sûr du tout".

Tous les administrateurs français vont se rallier à cette position. L'accord est toutefois inscrit à l'ordre du jour du conseil du 3  juillet. Il y est même précisé que "cet accord est accessible pour consultation par les membres du conseil". M.  Fourtou, qui n'y siège pas encore, a été informé de sa teneur par M.  Viénot. "En fait, rapportera ce dernier aux juges, la question a été définitivement close le 3  juillet, quand le nouveau président a décidé de ne pas mettre le "termination agreement" sur la table, mais a dit  : "Quelle sorte de compensation devrait être accordée à M.  Messier  ?"".

M.  Fourtou aurait proposé de reporter la discussion sur le sujet, estimant  : "Il est trop tôt pour conclure et l'opinion publique est si négative contre Vivendi que nous devons avoir un comportement très strict au conseil." Finalement, selon le procès-verbal de ce conseil, les administrateurs autoriseront M.  Messier à "conserver la partie fixe de sa rémunération, sa couverture sociale et ses régimes d'assurances étendus à sa famille et son appartement de New York jusqu'au 31  décembre 2002, ou jusqu'à ce qu'un accord relatif aux conditions de son départ ait été finalisé et formellement approuvé par le conseil".

Par la suite, des indemnités seront évoquées deux fois par les administrateurs. Le 25  septembre 2002, M.  Fourtou propose de porter le différend devant une cour arbitrale, une solution discrète et éloignée, puisque le procès aurait lieu à New York. Malgré l'opposition de M.  Bébéar, président du conseil de surveillance d'AXA, et de M.  Espalioux, patron d'Accor, la proposition est retenue. Le 29  octobre, M.  Fourtou demande l'autorisation au conseil d'engager formellement la procédure d'arbitrage. La convention sera signée le 31  octobre. M.  Fourtou s'y engage à ne pas contester la sentence.

DERNIER MYSTÈRE

Le sujet ne sera jamais plus évoqué en conseil, ni, malgré les questions des actionnaires minoritaires, soumis à une assemblée générale. Les commissaires aux comptes, qui pourtant ont assisté au conseil du 25  septembre, ne mentionneront pas l'accord, malgré les obligations légales, dans les conventions réglementées signées par le groupe. La Cour suprême de New York ne manquera pas de relever que "la décision du tribunal arbitral a été rendue une année après l'accord, -et- qu'aucun vote sur le sujet n'a été soumis au conseil ou à l'assemblée générale, entre-temps".

Depuis, Vivendi a obtenu le gel des indemnités par les autorités boursières américaines. Mais la dispute continue. "En fait, tout le monde était d'accord pour payer des indemnités, mais il fallait que cela reste secret", résumera M.  Friedman devant les juges. Mais cela ne l'est pas resté. C'est le dernier mystère des indemnités de M.  Messier  : qui les a rendues publiques  ?

Martine Orange

• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 11.10.03[/quote]
pelon
 
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Message par boispikeur » 19 Oct 2003, 21:17

Toujours dans le monde, une petite chronique sur "Sant Messier". De fois, ils se lachent dans Le monde (édition du 17 octobre)...

CITATION Hier à l'Assemblée nationale, les députés de la commission des lois avaient l'air de petits garçons bien sages devant un Jean-Marie Messier rempli d'égards à leur égard. Rempli d'aplomb aussi pour s'accrocher encore à son parachute en or.  Vingt millions et demi d'euros, ça ne se lâche pas comme ça.

Puisque l'ancien PDG de Vivendi avait tenu à plancher sur le thème désormais public de la rémunération des patrons, on l'écouta ébahi dans son numéro qu'on eût cru répété dans un studio d'Universal.

Pour J2M, la cause est entendue. "Ses" indemnités lui sont dues et archidues. "Sa" prime de départ est légitime. Elle a été négociée avec les administrateurs de son ancien groupe. Il ne reviendra pas là-dessus.

Pour attendrir le bon peuple, par caméras de télévision interposées, l'orateur a varié les registres. D'abord le mea culpa : "l'oubli de la France", des maladresses et même des erreurs.

Puis le cri du portefeuille, un aveu lacrymal et sans conteste "oscarisable" à Hollywood : "Ces indemnités de départ, j'en ai besoin. Je dois payer mes avocats et j'ai hypothéqué ma maison de Paris."

Il fallait oser. Il a osé. Les vrais riches osent tout, et c'est même à cela qu'on les reconnaît.

Devant les gros chiffres, les mots, même gros, ne font pas le poids. Il n'y a pas de mots pour dire ce que représentent 20,5 millions d'euros. A ce stade, mieux vaut décomposer, au risque de se décomposer. On est des êtres humains, non ?

Alors, à échelle humaine, à hauteur des "vouzémoi", 20,5 millions d'euros divisés par 40 années de travail, à raison de 12 mois par an, cela donne un revenu mensuel de 42 708 euros pendant lesdites 40 années : 280 000 francs, pour les attardés du convertisseur.

C'est drôle, il y a des divisions qui ressemblent à des additions. Plus on décompose 20,5 millions d'euros, et plus ils paraissent nombreux. Avec un smic fixé à 1 215 euros brut par mois, le calcul est presque cocasse : il faudrait le travail pendant 40 années de 35 smicards pour dégager la fameuse somme astronomique de 20,5 millions d'euros.

Une manière d'en sortir serait peut-être de demander à chacun des 350 000 salariés de VU de mettre la main à la poche. Une obole individuelle de 58,57 euros permettrait d'atteindre le Graal. Le pot de départ serait un peu cher, mais on voudrait tant qu'il ne garde pas un trop mauvais souvenir, J2M, qui a tant aimé, et sans compter, son job d'entrepreneur de spectacles.

Etait-ce la chaleur de l'accueil devant la commission des lois ? Etait-ce le silence de l'écoute, qui vaut presque absolution et pousse aux aveux ? Soudain grandiose dans un rôle de composition, Messier a fait souffler un instant, un instant seulement, un petit air de grâce.

Messier le Messie. Ou plutôt saint Martin. Vous savez, ce soldat de Dieu qui fendit son manteau d'un coup d'épée pour en déposer la moitié sur le dos d'un mendiant nu et grelottant.

Ainsi s'est-il dit prêt à accepter une baisse de ses indemnités si ce sacrifice pouvait bénéficier aux petits actionnaires. Et l'image nous est apparue de saint Martin Messier déchirant un bout de son parachute en or pour mieux s'assurer d'en tenir l'autre bout.[/quote]
boispikeur
 
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