Le Medef négocie un permis de licencier tranquille
Les syndicats dénoncent une provocation patronale.
Par François WENZ-DUMAS
jeudi 09 octobre 2003
«Ce texte est une liste de revendications patronales. C'est une agression contre les salariés et les chômeurs.» Maryse Dumas (CGT) ette négociation sur «le traitement social des restructurations», le Medef n'en voulait pas. Quand, il y a un an, François Fillon avait fait suspendre pour 18 mois les mesures antilicenciement de la loi de modernisation sociale votée sous la gauche, le ministre du Travail avait demandé aux partenaires sociaux de lui proposer de nouvelles dispositions. Le président du Medef, Ernest-Antoine Seillière, n'avait pas caché qu'il ne voyait pas l'intérêt de négocier sur le sujet, alors que la seule revendication patronale était l'abrogation de ces mesures, qui rendaient plus contraignantes les obligations des «plans de sauvegarde de l'emploi» accompagnant les licenciements économiques.
Seuil. Hier, lors de la cinquième séance de discussions sur le sujet, la délégation patronale menée par Denis Gautier-Sauvagnac a donc carrément soumis aux organisations syndicales un texte permettant de licencier sans entraves. Il propose de remonter de 10 à 20 licenciements le seuil rendant obligatoire le plan de sauvegarde de l'emploi. Autant dire qu'une entreprise souhaitant se débarrasser d'une quarantaine de personnes pourrait le faire comme s'il s'agissait de licenciements individuels, en deux vagues de 19 licenciements, sans se soucier des conséquences sociales. Le Medef veut aussi supprimer les droits attachés à la procédure de licenciement économique, dès lors qu'un salarié refuserait une modification même importante de son contrat de travail. Et pour faciliter la tâche des entreprises qui s'embarrasseraient d'un plan social, il suggère de réduire les délais de consultation du comité d'entreprise à quinze jours.
Les syndicats n'ont évidemment pas apprécié. «Si le Medef a voulu faire de la provocation, c'est réussi !», s'est exclamé Jean-Claude Quentin (FO). «Le Medef doit revoir sa copie : il faut que le texte privilégie le droit à l'emploi et non le droit au licenciement», a renchéri Michel Jalmain (CFDT). Pour Maryse Dumas (CGT), «ce texte est une liste de revendications patronales. Il s'agit d'une agression contre les salariés et les chômeurs». Qui étaient plusieurs centaines à manifester hier devant le siège du Medef, à l'appel de diverses associations.
Certains syndicats s'interrogent, par ailleurs, sur l'opportunité de poursuivre les négociations, alors que la réforme du dialogue social, sur laquelle le ministre du Travail souhaite légiférer fin novembre, pourrait modifier les règles. «Cela veut dire qu'on est engagé dans une négociation, dont on nous dit, avant que nous négociions, qu'elle risque de ne pas servir à grand-chose, puisqu'il y aura la possibilité de négocier des dispositions dérogatoires dans le cadre d'un accord de branche ou d'entreprise», souligne Jean-Claude Quentin. «A quoi sert qu'on négocie tant qu'on ne connaît pas les positions gouvernementales sur les restructurations ?», se demande Jean-Marc Icard (CFE-CGC), rappelant qu'une table ronde doit être réunie par Fillon sur le thème des restructurations le 21 octobre. «Si le gouvernement a des idées, qu'il nous les dise avant que nous discutions», ajoute Michel Coquillion (CFTC).
Ficelle. Pour la CGT, la ficelle de la provocation est trop grosse pour qu'il n'y ait pas une explication. «Le Medef savait pertinemment qu'aucun syndicat n'accepterait de discuter de ce texte, analyse Maryse Dumas : il cherche à repousser le calendrier le temps que le projet Fillon sur la réforme du dialogue social soit voté. Cela laisserait ensuite les mains libres aux entreprises.» Les dates fixées pour les prochaines négociations accréditent cette thèse. Le prochain rendez-vous est le 21 novembre, le suivant le 18 décembre. Si accord il y a, ce ne sera pas avant janvier. Après le vote de la loi.