L'offensive contre les 35 heures provoque un tollé à gauche
PARIS (Reuters) - L'offensive de la majorité contre les 35 heures a déclenché un tollé au sein des partis de gauche et syndicats, qui accusent le gouvernement de chercher, avec un mauvais procès, à masquer ses difficultés.
La tension est montée d'un cran après le dépôt par le groupe des "réformateurs" de l'UMP d'une proposition de résolution visant à la création d'une commission d'enquête "sur les conséquences des 35 heures pour l'économie et la société françaises".
"Une large partie de la croissance française s'est évaporée du fait de l'application autoritaire et indifférenciée des 35 heures", a proclamé leur chef de file, Hervé Novelli.
Le même jour, Francis Mer a qualifié les lois Aubry sur les 35 heures de "mauvaise mesure", qui coûte à l'Etat "au moins" 10 milliards d'euros par an.
"Pour le moment, on pense", a dit le ministre de l'Economie, en réponse à une question sur l'éventualité d'une nouvelle réforme.
La veille, le ministre délégué au Budget, Alain Lambert, avait affirmé que, sans les 35 heures, la France "serait probablement en dessous des 3% du PIB" de déficits publics.
Afin d'allumer un contre-feu, le président du groupe socialiste de l'Assemblée, Jean-Marc Ayrault, a aussitôt réclamé vendredi la mise en place d'une commission d'enquête parlementaire.
"Le Premier ministre et sa majorité tentent de se défausser de leurs inconséquences sur l'héritage de leurs prédécesseurs en instruisant le procès de la réduction du temps de travail et en appelant à l'abrogration" des 35 heures, a-t-il lancé.
Une "piteuse défausse", qui, pour le PS, "aggraverait la situation de l'emploi et des salariés, déstabiliserait les accords d'entreprises et désorganiserait la production".
"En affirmant que les 35 heures ont dégradé de 15 milliards d'euros les soldes publics, le gouvernement et sa majorité parlementaire mentent aux Français", a renchéri le député PS Didier Migaud.
La commission d'enquête demandée par les socialistes aurait pour mission de "faire le bilan exact des 35 heures et des politiques de baisse de cotisations sociales et de charges", au-delà des "faux semblants" de la majorité.
BILAN CHIFFRE
Même tonalité pour le Parti communiste, qui a dénoncé le discours "hypocrite" de la majorité parlementaire sur les 35 heures et l'attitude du gouvernement, qui "suit le diktat du Medef en s'acharnant sur les lois sociales".
"Après la casse des retraites, la mise en cause de la solidarité pour les chômeurs, les cadeaux massifs au patronat, voilà que la droite s'acharne sur les 35 heures", a-t-il déclaré dans un communiqué.
Bien qu'utilisant l'argument des 35 heures pour faire taire les critiques sur les déficits, le gouvernement Raffarin se défend de vouloir abroger les lois Aubry sur la réduction du temps de travail.
Le député Hervé Novelli lui-même explique dans une interview au Figaro vendredi qu'une commission d'enquête est préférable à une proposition de loi car "le bilan exhaustif, précis et chiffré de l'application de la RTT n'a pas été fait".
Le président du groupe UMP, Jacques Barrot, a cherché à apaiser le débat en affirmant que le bilan souhaité par une partie de ses troupes ne visait qu'à faire un bilan permettant de corriger certains effets d'une méthode.
Bercy chiffre le coût de la RTT entre 10 et 15 milliards d'euros par an.
Mais les syndicats s'inquiètent, comme la CFTC, d'une "fronde idéologique" contre les 35 heures, jugée "suicidaire" au moment où le taux de chômage s'achemine vers les 10%.
"La réduction du temps de travail ne doit pas devenir le bouc émissaire du Medef et du gouvernement", a déclaré la CFTC, affirmant que "la lutte contre le chômage passe par une politique active gouvernementale et une forte création d'emplois du côté des entreprises".
La CFDT avait proclamé d'emblée mercredi son opposition "à toute remise en cause déguisée des 35 heures par des accords d'entreprise moins favorables que les accords signés dans les branches professionnelles".